Le 28 avril 2003, « le Quotidien » publiait un reportage sur le Dr Ambroise Menou, médecin de l'ile de Sein, dans lequel étaient détaillés les efforts consentis par la municipalité, le conseil général et l'URCAM, pour installer à demeure un généraliste sur ce confetti de 56 hectares. Notre reportage a attiré l'il du Dr Jean-Yves Gagnepain, installé sur L'Ile-aux-Moines dans le golfe du Morbihan. Il décrit les conditions dans lesquelles il a été lui-même amené à s'installer sur cette île.
« Le vendredi 11 mai 2001, raconte-t-il, la mairie de L'Ile-aux-Moines a fait passer dans « le Quotidien » une annonce pour trouver un médecin à temps plein.Fin mai, je me suis rendu sur L'Ile-aux-Moines où j'ai été chaleureusement accueilli par le maire, Jean Pressard. Il m'a annoncé que le chiffre d'affaires du cabinet s'élevait à environ 91 500 euros (600 000 francs), que la mairie mettrait à ma disposition un parking, qu'une prime du conseil général ne tarderait pas à venir, que le cabinet disposait d'une patientèle de 2 400 habitants en moyenne annuelle. Nous avons fait affaire avec la mairie et le conseil de l'Ordre et, au début de septembre, nous sommes arrivés sur place. Première surprise, le loyer de l'appartement que nous loue la mairie avait augmenté sans crier gare de 45 euros par mois. La mairie avait certes fait donner un coup de peinture, changer la moquette, mais une pièce de l'appartement est restée inutilisable en raison d'une détérioration avancée des murs, des robinets, et des toilettes qui fuient... On nous a promis que tout serait bientôt arrangé.
Rapidement, je me suis rendu compte que l'activité était bien inférieure à celle attendue ; en hiver, il y a à peine 500 habitants sur l'île. J'ai donc envoyé au maire une lettre recommandée dans laquelle je l'informais que, avec un revenu moyen brut de 4 416 euros et des dépenses mensuelles de cabinet de l'ordre de 3 483 euros, mon revenu mensuel net n'excédait pas les 933 euros. La mairie m'a alors accusé de tous les péchés, d'avoir moi-même fait fuir la clientèle, et m'a aussi reproché des absences répétées alors que je n'avais pris que 14 jours de vacances en un an.
Bien évidemment, le bilan financier de l'année 2002 n'a pas été fameux : deux fois moins de consultations que la moyenne du département. La mairie a finalement accepté d'abaisser mon loyer des 45 euros de hausse non justifiée, mais mon parking est resté payant, les travaux promis toujours pas effectués, et les aides du conseil général toujours à venir .»
Une clientèle un peu particulière
Triste état des lieux... Mais le maire de L'Ile-aux-Moines conteste cette version des faits : « Le problème du Dr Gagnepain, c'est qu'il n'a pas compris qu'une clientèle d'île, c'est un peu particulier. Dès son arrivée, il a voulu imposer un style nouveau, en travaillant uniquement sur rendez-vous, avec des horaires stricts. Cette mesure n'a pas toujours été bien perçue par la population, et certains sont allés consulter sur le continent. »
Depuis l'été dernier, le Dr Gagnepain a modifié sa pratique en instaurant des plages de consultation sans rendez-vous les mardis et vendredis de 9 h 15 à 11 h 30. Mais pour le maire, cette décision a été trop tardive, et un certain nombre d'îliens avaient déjà repris leurs habitudes avec un médecin du continent tout proche (l'île n'est qu'à 300 mètres des côtes). « Quant au parking, ajoute Jean Pressard , il n'a jamais été question de le lui offrir, mais il coûte 112 euros à l'année, ce qui n'est quand même pas la mer à boire. De plus, la population de L'Ile-aux-Moines ne comprendrait pas que ce soit gratuit pour le docteur, alors qu'eux-mêmes paient. Pour la location du cabinet et de l'appartement (un appartement F4 avec un jardin au fond duquel est installé le cabinet, constitué de deux pièces), le docteur paie respectivement 288 et 314 euros. Le loyer de l'appartement a été basé sur les loyers HLM de la région, et la mairie a engagé d'importants travaux pour les réhabiliter.
Quant à la subvention du conseil général, j'en ai fait la demande voici bientôt deux ans, elle va venir d'ici à un mois ou deux, c'est le délai habituel pour ce genre de demande. Mais que le Dr Gagnepain ne s'attende pas à des aides du montant de celles qui ont été consenties au Dr Menou, car les situations ne sont absolument pas comparables : l'île de Sein est bien plus éloignée des côtes que nous, elle est six fois plus petite, et l'installation à demeure d'un médecin sur cette île est plus une décision d'ordre politique qu'autre chose, car sa patientèle n'est pas suffisante pour le faire vivre. Chez nous, il y a toujours eu un médecin, il a toujours bien vécu, et demandez au pharmacien, son officine fonctionne très bien. »
Enfin, au conseil de l'Ordre du Morbihan, la secrétaire générale, Nicole Schmid-Garnier, reconnaît qu' « il est légitime que la mairie de L'Ile-aux-Moines veuille avoir son médecin, mais celui-ci a des revenus très modestes, dus à une population insuffisante. Cela dit, la Sécurité sociale a accepté de considérer L'Ile-aux-Moines comme un secteur de garde, et si mes souvenirs sont bons, il touche depuis octobre dernier une rémunération d'astreinte d'environ 50 euros, et ce, presque chaque jour de l'année ».
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