LA SITUATION épidémiologique de la rougeole se caractérise aujourd'hui en France par une période dite de « lune de miel ». En dépit d'une incidence faible, le nombre de sujets non immuns augmente progressivement et à bas bruit, accroissant le risque d'épidémies périodiques dans des populations insuffisamment vaccinées. La promotion de la vaccination depuis 1983 s'est accompagnée d'une réduction très importante de la morbidité et de la mortalité de la rougeole. Mais la couverture vaccinale stagne depuis 1994, à des niveaux insuffisants pour interrompre la transmission du virus (85 %, au lieu des 95 % nécessaires). Cette couverture vaccinale suboptimale conjuguée depuis plusieurs années à une faible circulation virale explique un niveau de réceptivité à la maladie important, surtout chez les grands enfants. « Cette situation est préoccupante, car la létalité et les taux de complications augmentent avec l'âge », analysent Isabelle Bonmarin, Isabelle Parent et Daniel Lévy-Bruhl dans le « BEH » (n° 16/2004). Le nombre de décès est passé d'une trentaine par an en 1989 à moins de dix cas, avec comme premières causes, depuis 1988, les encéphalites : panencéphalites sclérosantes subaiguës (Pess), encéphalites aiguës. Même s'ils demeurent peu importants et, survenant une dizaine d'années après la contamination, ne reflètent pas l'incidence actuelle de la maladie, les décès par Pess « illustrent le potentiel sévère de la rougeole, considérée trop souvent comme bénigne », soulignent les auteurs.
La France est donc en situation de voir réapparaître des épidémies de rougeole, comme l'ont montré les 259 cas groupés apparus en Provence-Alpes-Côte d'Azur au cours du premier semestre 2003 (« le Quotidien » du 31 mars 2004). Face à ce danger et compte tenu de l'objectif fixé par l'Organisation mondiale de la santé d'élimination de la rougeole en 2010, la direction générale de la Santé a mis en place, comme « le Quotidien » l'a annoncé, un groupe de travail chargé de proposer un plan national d'élimination.
Améliorer la surveillance.
Son président, le Pr Daniel Floret, en dessine les grands axes : se doter de moyens fiables de surveillance, mieux contrôler la transmission du virus, améliorer la couverture vaccinale. La déclaration obligatoire est une première étape vers l'amélioration du système de surveillance dont les limites ont déjà été soulignées. « L'inscription de la rougeole sur la liste des maladies obligatoires a déjà été validée par le Conseil supérieur d'hygiène publique, accompagnée d'une incitation forte à la documentation des cas et aidée par la mise en place des tests salivaires (IgM et PCR) », annonce-t-il dans un éditorial.
Pour mieux contrôler la transmission du virus, les procédures d'investigation et de prévention autour des cas vont, elles aussi, être révisées. Mais c'est surtout la modification du calendrier vaccinal qui pose problème : âge minimal de la vaccination ? Age optimal de la seconde dose et délai entre les deux ? Une ou deux doses pour le rattrapage des enfants âgés de plus de 6 ans ? Limite à 13 ans du rattrapage des sujets qui ont échappé à la vaccination et à la maladie ? Tous ces aspects sont aujourd'hui soumis à la réflexion du groupe qui doit définir la stratégie la plus efficace. Les campagnes de rattrapage, qui ont démontré leur efficacité au Royaume-Uni, représentent sans doute une mesure « inenvisageable » en France, souligne le Pr Floret, car « elles ont probablement aussi favorisé les campagnes de dénigrement du vaccin, accusé (outre-Manche) de provoquer l'autisme ».
Il demande à ce que l'engagement des autorités de santé dans la politique vaccinale apparaisse plus clairement et qu'une meilleure communication s'instaure avec les familles, le grand public et les médias, « sans oublier, insiste-t-il, le corps médical, dont la réticence d'une petite proportion représente un des obstacles essentiels à la réalisation de l'objectif ».
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