La santé en librairie
« Si j'ai pu voir aussi loin, c'est parce que j'étais juché sur les épaules de géants », avait écrit Isaac Newton, pourtant, paraît-il, fort peu modeste. Le célèbre physicien Stephen Hawking a rassemblé les textes fondateurs des géants de l'astronomie et de la physique moderne (Copernic, Galilée, Kepler, Newton et Einstein) en présentant ces génies avec humour sans céder à la vulgarisation approximative.
On apprend ainsi que Kepler, astronome allemand de la fin du XVIe siècle, qui fournit les tables astronomiques les plus exactes de son temps, toujours à court d'argent, jouait à Madame Soleil en publiant des horoscopes astrologiques auxquels il avouait ne pas croire. Parallèlement, il écrivit son uvre maîtresse, « l'Harmonie du monde », une vision cosmique à la fois poétique, scientifique et mystique du mouvement des planètes qui allait inspirer Isaac Newton soixante ans plus tard pour ses lois sur le mouvement et l'attraction. Ce dernier, raconte Hawking, comme Einstein, avait pourtant été jugé peu disposé pour les études par son éducateur !
Ces introductions de Stephen Hawking montrent l'originalité de la trajectoire de ces personnages remarquables, souvent en rupture avec l'idéologie dominante de leur époque. D'où les critiques et le rejet dont elles ont parfois été l'objet en leur temps : Copernic dut affronter l'Inquisition lorsqu'il déclara que la Terre tournait autour du Soleil et Einstein celle des nazis après avoir dit que l'espace et le temps étaient courbés, déformés par la masse et l'énergie. Galilée, quant à lui, dut abjurer et fut condamné à la prison à vie pour avoir affirmé et enseigné l'idée selon laquelle la Terre n'était pas le centre de l'Univers. Ce n'est d'ailleurs qu'en 1979 que Jean Paul II reconnut l'erreur de l'Eglise catholique romaine.
Dans l'ensemble, ces hommes avaient heureusement des caractères bien trempés, résolus à démontrer la justesse de leur intuition, renforcés dans leur détermination par leur passion pour la vérité. On raconte que, après avoir abjuré publiquement, à genoux et la main sur la bible, Galilée se releva et chuchota : « Eppur, si muove... » ( « Et pourtant, elle tourne... »)
A questions inédites, réponses inédites
La science est issue d'un long processus d'accumulation et de création : « Chaque nain juché sur les épaules de géants antérieurs peut à son tour faire figure de géant pour les générations futures », écrit, dans sa préface à la version française de l'ouvrage, l'astrophysicien Jean-Pierre Luminet. Toutefois, bien qu'issues d'un long héritage culturel et scientifique antérieur, les découvertes qui nous permettent de comprendre l'univers ne progressent pas de manière linéaire à partir des travaux précédents mais constituent des transitions intellectuelles vers de nouvelles visions du monde.
Hier, nos craintes reposaient sur notre impuissance, aujourd'hui elles se nourrissent des conséquences potentielles de nos actes techniques. Les sciences ont généré des questions qu'elles ne savent pas toujours résoudre. Le savoir qu'elle produit nous dépasse parfois. Aujourd'hui, l'enthousiasme a cédé le pas à la défiance. Etienne Klein analyse sans langue de bois, dans un petit opuscule d'une clarté lumineuse (« la Science nous menace-t-elle ? »), notre méfiance actuelle et propose quelques voies de réflexion pour que cette science puisse demeurer complice de nos espérances.
L'idée de la catastrophe est dans l'air du temps, l'apologie de l'inquiétude est bien portée. Nous avons peur de tout et avant tout de nous-mêmes, de notre pouvoir sur le réel. Notre machine hypersophistiquée produit paradoxalement de la non-maîtrise ; tout y est pensé sous l'angle de la menace, constate le physicien et philosophe des sciences. Désormais,
« nous ne décrivons plus systématiquement la science comme un progrès mais comme une chute hors de quelque paradis perdu », déplore-t-il.
« La fin des certitudes, la destruction des idéaux politiques, la mondialisation, l'arrogance des puissants et le cynisme des riches, l'indifférence globale pour une humanité presque entière déshéritée, oubliée », expliquent pour partie ce changement d'opinion envers des disciplines qui, encore récemment, étaient porteuses de tant d'espoir. Le résultat, c'est qu'aujourd'hui la pensée est comme la mode : elle se porte sombre, poursuit E. Klein.
Nous voilà disloqués, écartelés entre le culte de la technique et la célébration de la nature.
Les apports des sciences ont tout changé dans nos vies : notre rapport au corps (artificialisation de la procréation...), aux autres (développement de nouvelles formes de communication), au monde (impact sur l'environnement de notre technologie). Nous savons que la connaissance peut apporter le meilleur comme le pire.
« S'il y a du risque, c'est qu'il y a aussi du "jeu", c'est-à-dire des marges de liberté. »Loin de lui l'idée que toutes nos peurs actuelles soient irrationnelles. Mais c'est à nous de choisir le monde dans lequel nous voulons vivre, dit Etienne Klein, qui souhaite que soit réinventée une
« politique de la science ». L'histoire a montré que science et démocratie n'allaient pas toujours de pair. Il nous faut plus que jamais organiser un vaste débat entre scientifiques et citoyens. Réinventer un meilleur accès à la connaissance, seule garantie d'un choix libre, repenser la vulgarisation scientifique, stimuler le désir de comprendre, réérotiser la science, dit-il.
Des séries mathématiques à la mayonnaise
La science a bouleversé la manière dont nous voyons l'ordonnancement des choses ; elle avance grâce à la créativité d'esprits curieux et critiques, à la volonté de dépasser les idées reçues. « Honoré de Balzac avait besoin, dit-on, de duchesses pour écrire. Pour s'élever jusqu'au mythe, le Tour de France réclame de vaillants grimpeurs. La science, elle, a besoin de se frotter au bizarre pour continuer sa marche et s'arracher à ses routines », écrit Etienne Klein dans sa préface à « Quand la Science a dit... c'est bizarre ! » On l'aura compris à la lecture des précédents ouvrages, un scientifique ne saurait se satisfaire d'approximation et de confusion. Il veut comprendre, décortiquer, percer le mystère. Trois physiciens et un chimiste expliquent, dans un livre magnifiquement illustré, ce qui se dissimule derrière le bizarre, qu'il s'agisse des séries convergentes en mathématiques, de la matière cachée de l'Univers, du vide ou de la magie d'une mayonnaise réussie (pas trop froids, les ufs !).
« Sur les épaules des géants : les plus grands textes de physique et d'astronomie », Stephen Hawking, préface de Jean-Pierre Luminet, Editions Dunod, 929 pages, 44 euros.
« La science nous menace-t-elle ? », Etienne Klein, Editions Le Pommier, collection Les Petites Pommes du savoir, 60 pages, 4 euros.
« Quand la science a dit... c'est bizarre ! », Gabriel Chardin, Gilles Dowek, Marc Lachieze-Rey, Hervé This, sous la direction d'Etienne Klein, Editions Le Pommier, 155 pages, 35 euros.
Le sens de la famille et de la physique
La découverte de la radioactivité de l'uranium par Henri Becquerel, qui lui vaudra le prix Nobel en 1903 (partagé avec Pierre et Marie Curie), est une avancée majeure en physique, qui, elle aussi, suscitera de nombreuses controverses parce qu'elle ouvrira le début d'une nouvelle ère de l'humanité, celle du nucléaire.
Modeste, Henri Becquerel reportait le succès de sa découverte sur les mérites et le talent de son père, Edmond, et de son grand-père, Antoine-César. Ces physiciens marquèrent en effet eux aussi la science du siècle précédent par leurs travaux. La dynastie ne s'arrête pas au prix Nobel puisque Jean, le fils d'Henri, fut lui aussi un physicien émérite. Il a 25 ans lorsque son père reçoit le prix Nobel et engagera toute sa vie de chercheur à défendre la théorie de la relativité. La dynastie, dont le parcours scientifique est raconté et replacé dans son contexte historique par par Loïc Barbo, s'éteindra avec lui.
« Les Becquerel, une dynastie de scientifiques », Belin/Pour la science, coll. Les Génies de la science, 144 pages, 14,95 euros.
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