LE PREMIER MINISTRE est enfin débarrassé de M. Sarkozy, mais c'est secondaire, puisque le tout nouveau président de l'UMP ne cache pas qu'il veut supplanter le chef de l'Etat, dans ses fonctions, dans sa philosophie et dans son programme.
S'il est bon d'avoir de fortes idées pour le long terme, les débats ouverts par M. Sarkozy ne répondent guère aux nécessités de la gestion immédiate du pays. Il ne s'en sent que plus libre pour prendre le contre-pied d'à peu près tout ce que M. Chirac dit ou accomplit.
DANS UNE SEMAINE DE CONFLITS SOCIAUX, DES QUERELLES SUR LA PROPRIÉTÉ DU POUVOIR
La guérilla de Sarkozy.
Le président est pour l'adhésion (à long terme) de la Turquie à l'Union européenne ? M. Sarkozy est contre. Le chef de l'Etat s'engage à fond pour la laïcité telle qu'elle résulte de la loi de 1905 ? M. Sarkozy veut financer les mosquées par les impôts, appliquer le principe de « discrimination positive » et propose une sélection à l'immigration. Tandis que M. Chirac maintient sa politique proarabe et plutôt antiaméricaine, Nicolas Sarkozy fait, coup sur coup, deux voyages remarqués aux Etats-Unis et en Israël, sans oublier de dire à ses interlocuteurs que les Français les aiment. Enfin, si le président espère tirer les ficelles en 2007, l'insupportable Nicolas réclame une élection du candidat de l'UMP par un vote du parti.
M. Sarkozy est une sorte de guérillero qui harcèle sans relâche le président et ses amis. Lesquels ne sont pas nécessairement bons dans la riposte : choqué par la proposition d'une élection du candidat UMP à la présidence, le très chiraquien Jean-Louis Debré, par ailleurs président de l'Assemblée nationale, imagine déjà une « crise de régime » (n'ayons pas peur des mots), ce qui conduit son propre frère, Bernard, à lui conseiller de ne pas exagérer. Bref, la droite ne donne pas d'elle-même, en ce moment, une image très respectable. M. Sarkozy a au moins réussi ce bel exploit de plonger l'UMP dans une querelle d'ambitions personnelles à un moment où l'on souhaite que la majorité fasse ce pour quoi elle a été élue : gouverner.
La sombre histoire du « sénateur à vie ».
Comme on raconte par ailleurs qu'une modification de la Constitution est envisagée pour que tout président de la République sortant (le prochain, c'est Chirac) soit sénateur à vie et bénéficie de la sorte d'une totale immunité (Pinochet, nous voici !), cette vie politique jalonnée de plans de carrière et de tactiques de repli commence à devenir agaçante.
Jean-Pierre Raffarin est le seul (pour le moment) qui gouverne - il est vrai que c'est son rôle. Et si le Premier ministre laisse entendre qu'il sera là en 2006, c'est peut-être parce que M. Chirac, trop préoccupé par les échéances à deux ans et au-delà, n'a pas le temps de changer de gouvernement. Nous finirons par apprendre qu'on renonce à donner au président un siège perpétuel au Sénat, ce qui obligera alors M. Chirac à se présenter pour un troisième mandat.
Cette perspective ne terrorise pas Nicolas Sarkozy qui ne cesse de répéter que le meilleur l'emportera. Sous-entendu : personne n'est meilleur que moi. En réalité, ses chances d'être élu président en 2007 seront moins grandes face à M. Chirac que devant n'importe quel dauphin désigné ; et de ces chances, il faudra quand même déduire les suffrages qui iront au candidat de la gauche et seront nombreux, s'ils ne sont pas forcément majoritaires.
Décalage.
Quand on observe ces querelles intestines de la droite et que, dans le même temps, on sait que la semaine sera dure, avec dès ce soir une grève des cheminots, puis celle de La Poste et celle de l'Education nationale, on mesure le décalage entre le gouvernement et ses gouvernés. Si les uns et les autres mettaient autant d'énergie à créer des emplois qu'à se chercher des points de chute ou à s'emparer du pouvoir, ces grèves, dont les motivations sont par ailleurs peu convaincantes, seraient encore plus impopulaires.
Enfin, l'étalage à droite des craintes, des ambitions et des disputes est de nature à renforcer la perspective d'une défaite aux élections de 2007, déjà annoncée par les revers électoraux de 2004 et par la morosité économique. Autant dire que, en se battant pour l'avenir, on compromet le présent, moyen assuré de perdre les deux.
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