TOUT EN ADMETTANT que les médecins libéraux ont «évité le pire» (lettres clés flottantes, étatisation de la nomenclature tarifaire), le Dr Michel Chassang, président de la CSMF, dresse un bilan très négatif du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2009) dont les grandes lignes ont été présentées cette semaine par le gouvernement (« Quotidien » du 1er octobre).
L'ONDAM fixé à 3,1 % pour la ville ? Le Dr Chassang ne le trouve nullement «réaliste», contrairement aux affirmations de Roselyne Bachelot . Ce taux signerait au contraire un «tour de vis supplémentaire» sur la médecine libérale. Quant à «l'équité» budgétaire affichée entre la ville et l'hôpital, la CSMF dénonce «un trompe-l'oeil» dans la mesure où les professionnels de santé libéraux pouvaient espérer davantage après les états généraux de l'organisation de la santé (EGOS) et les promesses du gouvernement de revaloriser les soins primaires (hors hôpital). «Aucun moyen supplémentaire n'est apporté, les EGOS n'ont servi à rien», avance le Dr Chassang.
Négocier des économies…
Il constate en revanche que les «2,2 milliards d'économies» affichés dans le PLFSS vont peser «quasi exclusivement sur la ville», même si «tout est renvoyé à l'UNCAM (Union nationale des caisses d'assurance-maladie) et aux négociations». Et le président de la Confédération de résumer les prochaines discussions conventionnelles en une formule lapidaire : «on va aller à la caisse négocier… des économies!» De fait, le PLFSS prévoit d'intensifier les efforts des médecins en matière de prescription médicamenteuse (des recommandations sont attendues sur les antihypertenseurs, les statines, les IPP…) et il demande déjà des baisses de tarifs dans deux spécialités : la radiologie et la biologie. La CSMF condamne ce «nouveau raid sur la biologie et la radiologie» jugé d'autant plus «aberrant» que le gouvernement a incité les actes de ces disciplines à se développer dans le cadre du plan Cancer. Pour le syndicat, c'est un «rationnement des soins ambulatoires» qui se profile, doublé d'un «arsenal de sanctions inédit» contre les médecins.
Ce n'est pas tout. Le Dr Chassang voit d'un mauvais oeil trois évolutions inscrites dans le PLFSS : la montée en puissance de la Haute Autorité de santé (référentiels précis, avis médico-économiques…) «qui la conduira à faire de l'économie pure et pas de qualité»; la présence des complémentaires aux négociations conventionnelles caisses/médecins ( «il faut se méfier des ménages à trois, la victime sera toujours la même») ; enfin le durcissement des règles du parcours de soins (avec la nouvelle pénalité de 20 % sur les consultations hors piste). «On se dirige vers une filière de soins à la britannique.»
MG-France : un « geste fort ».
D'autres syndicats médicaux sont moins sévères. Pour MG-France, l'ONDAM 2009 est «positif» et il ouvre la voie à des «mesures immédiates pour les médecins généralistes». Le syndicat y voit même un «geste fort» du gouvernement «après des années de disette pour les seules dépenses de ville».
Le SML jugera sur pièces. Il considère que les informations en l'état ne sont pas suffisantes pour juger un projet de financement qui intervient «dans un contexte budgétaire national et une crise financière mondiale dramatique».
Les cliniques déplorent une liste de « mesurettes »
La fédération de l'hospitalisation privée (FHP), qui regroupe les 1 260 cliniques du pays, n'a pas été convaincue par la présentation du projet de loi et, en particulier, par son volet « dépenses ».
Il lui semble que le texte passe à côté de l'essentiel. «Le déficit des hôpitaux publics, de 800millions d'euros fin 2008, n'est pas traité. Et la question de la restructuration du parc hospitalier n'est pas abordée, déplore le président de la FHP, Jean-Loup Durousset. L'hôpital public devrait se doter de moyens pour moderniser sa gestion. En ne traitant pas cette question, en refusant de s'y attaquer, on fait davantage payer les Français en augmentant leur contribution.»
La FHP souhaitait un affichage politique fort, avec une harmonisation des tarifs publics et privés sur des actes courants comme l'accouchement simple par voie basse, ou encore la dialyse, payée 950 euros la séance à l'hôpital, contre 350 euros en clinique, honoraires compris. L'idée n'a pas été retenue. «Pourquoi cherche-t-on des mesurettes, alors que le principal enjeu, c'est l'harmonisation des tarifs hospitaliers publics et privés?», s'interroge le président de la FHP.
La ventilation de l'objectif 2009 des dépenses hospitalières (environ 70 milliards d'euros à répartir entre hôpitaux et cliniques) n'est pas encore détaillée, mais la FHP dit avoir eu vent de rumeurs qui avantageraient le secteur public. La FHP compte sur les parlementaires pour relayer certaines de ses attentes. Elle demande notamment plus de transparence, tant sur le différentiel des coûts entre hôpitaux et cliniques, que sur les aides versées aux hôpitaux publics via les contrats de retour à l'équilibre. La FHP prévient en outre qu'elle sera vigilante sur la façon dont seront régulées les dépenses en médicaments onéreux dits en sus (hors tarifs GHS). Elle souhaite enfin, à la manière des complémentaires, obtenir le droit de participer aux négociations conventionnelles, car certaines évolutions des honoraires médicaux impactent directement les dépenses des établissements de santé, explique Jean-Loup Durousset.
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