C'EST PEU DIRE que le volet « maladie » du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (Plfss) pour 2008 (« le Quotidien » d'hier) a mis en émoi les représentants de la profession.
Si les internes sont en ébullition, prêts à se mobiliser pour défendre à tout prix leur liberté d'installation, les deux principaux syndicats signataires de la convention, placés dans une position délicate, fourbissent leurs armes, mais dans des registres différents. La Csmf (Confédération des syndicat médicaux français) a aussitôt sorti le bazooka : le syndicat fustige un «projet de casseurs» (contre la convention, la dynamique partenariale, l'exercice libéral, le médecin traitant, le secteur optionnel, etc.) et une «entreprise de démolition» qui renvoie aux «heures les plus noires» du plan Juppé . Pour le président Michel Chassang, ce projet signe «le retour des comptables». Une fois n'est pas coutume, le SML (Syndicat des médecins libéraux) est beaucoup moins virulent que son « partenaire » syndical. Sans minimiser les menaces que véhicule ce Plfss pour les offreurs de soins, le président Dinorino Cabrera refuse, à ce stade, de jouer les va-t-en-guerre.
Les deux organisations se rejoignent pour réclamer d'urgence une réforme du financement, que le gouvernement veut conduire à son rythme (premières conclusions au premier semestre 2008).
Les deux organisations devront réunir leurs instances internes avant d'arrêter leur stratégie (la Csmf promet déjà des «actions» sur le terrain). Etat des lieux des principaux sujets qui fâchent ou déconcertent.
Revalorisations : le « verrou » législatif.
Bercy a obtenu un renforcement spectaculaire de la procédure d'alerte sur les dépenses maladie, par une mise sous surveillance de la médecine de ville. L'article 24 du Plfss, dont « le Quotidien » s'est procuré une copie, instaure ici deux nouveautés : toute mesure conventionnelle de revalorisation entrera en vigueur «au plus tôt à l'expiration d'un délai de six mois» à compter de l'approbation de l'accord. Mais, surtout, en cas de déclenchement du comité d'alerte (comme en mai 2007…), l'entrée en vigueur de toute mesure de revalorisation au cours de l'année est «suspendue» (reportée au 1er janvier de l'année suivante, sauf en cas de renégociation) . La justification glissée dans l'exposé des motifs est éloquente : en pleine alerte sur les dépenses 2007, le C avait été porté à 22 euros au 1er juillet pour respecter les engagements conventionnels (avec ce nouveau verrou, cela ne serait plus possible).
Vent debout, Michel Chassang estime que «ce mécanisme de stabilisateurs économiques» marque le retour d'une «maîtrise comptable pure et dure, ceinture et bretelles», qui donnera le «coup de grâce à la convention», toute contractualisation devenant «aléatoire, donc impossible».
Pour Dinorino Cabrera (SML), ce dispositif «purement économique n'est pas très habile» et risque de «compromettre les conventions».
Contrats individuels, rémunération à la performance.
L'article 29 ouvre la voie des contrats individuels proposés directement par les caisses primaires aux médecins volontaires. Ces contrats pourront comporter des «engagements individualisés» de prescription, de dépistage, de prévention, mais aussi de participation à la permanence des soins ou d'action améliorant les pratiques. Le praticien bénéficiera de «contreparties financières» (forfaits)si ses objectifs sont atteints ; ce qui peut se traduire par une rémunération à la performance pour les médecins qui «souhaitent aller plus loin», relève l'exposé des motifs de cet article .
Pour la Csmf, cette double brèche de la contractualisation individuelle et de l'intéressement aux objectifs «est la première marche vers la disparition de la convention nationale» et créera un «conflit d'intérêt» entre le médecin et son patient . Le SML plaide depuis longtemps pour des contrats volontaires de «maîtrise plus», récompensant les médecins qui font davantage d'efforts ; mais il réclame que ces contrats soient négociés «avec les représentants de la profession» et non pas entre les directeurs de caisse primaire et les praticiens isolés. Une façon de souligner que l'article en l'état fragilise dangereusement le rôle des syndicats représentatifs.
Dépassements sous surveillance.
L'article 27 contraint le professionnel à préciser par écrit à son patient le tarif des actes coûteux ainsi que «la nature et le montant du dépassement facturé» (un arrêté fixera le prix plancher des actes au-delà duquel cette obligation de devis préalables s'applique). Le manquement à cette obligation pourra faire l'objet d'une sanction financière… «égale au dépassement facturé». Il s'agit, lit-on dans l'exposé des motifs, «d'éviter les dépassements les plus abusifs» et d'améliorer la transparence pour les usagers.
Si la Csmf est «favorable à l'information préalable des patients en matière de dépassements», elle juge que le procédé du gouvernement «vise» le secteur II actuel et risque donc de torpiller les discussions sur le secteur optionnel. Le président du SML, en revanche, est «d'accord» avec cet effort de transparence tarifaire à l'égard des patients.
Installation : l'épée de Damoclès.
Le Plfss somme les partenaires conventionnels de trouver eux-mêmes rapidement des solutions pour limiter l'installation de nouveaux professionnels dans les zones excédentaires (le gouvernement voudrait que l'affaire soit réglée avant la mi-2008). En cas d'échec des négociations, le gouvernement prendra ses responsabilités. Même si Roselyne Bachelot ne veut pas de «procès d'intention» (aucune date butoir n'a été inscrite dans la loi), la profession est en alerte. La Csmf redoute à terme «la fin de la liberté d'installation» par le «conventionnement sélectif». Elle soutient le mouvement des internes et des chefs de clinique.Le SML, qui s'est démarqué sur ce dossier par des prises de position plus ouvertes, estime que le statu quo est indéfendable et qu'il faudra trouver un «nouveau mode de régulation» des installations , à condition de ne pas «prendre les jeunes en traître». S'il comprend le malaise des internes, il juge inopportun de «déclarer la guerre avant la fin de la diplomatie».
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