« Nos données suggèrent que l'utilisation de suspensions cristallines pour l'administration d'anticorps monoclonaux à visée thérapeutique peut être d'un grand bénéfice. » Ce type de suspension cristalline, poursuivent Mark X. Yang et coll. (Cambridge, Etats-unis) dans les « Proceedings of the National Academy of Sciences », permettrait de délivrer des doses élevées par voie sous-cutanée, alors qu'actuellement seule la voie intraveineuse est utilisée.
Des avantages pour le patient apparaissent : une meilleure compliance, en n'ayant plus recours à des séances de perfusion en milieu hospitalier ; davantage de simplicité lors de l'association à des traitements par voie orale ; l'utilisation de doses élevées par voie sous-cutanée.
Arriver à 200-250 mg/ml
D'une façon générale, les traitements par anticorps monoclonaux requièrent des doses de protéine allant de 100 mg à 1 g. Les présentations se faisant généralement sur la base de 50 mg/ml, les volumes à injecter vont de 2 à 20 ml. L'objectif des chercheurs américains a été d'augmenter la concentration pour arriver à 200-250 mg/ml. Malheureusement, à ces taux, les solutions deviennent très visqueuses, les protéines s'agrègent et la stabilité de l'ensemble est faible. Pour parvenir à leurs fins, les chercheurs ont essayé des formulations cristallines, déjà utilisées en clinique. Les essais ont été menés sur trois anticorps monoclonaux bien connus : le rituximab, traitement des lymphomes non hodgkiniens ; le trastuzumab, utilisé dans le cancer du sein ; l'infliximab, prescrit dans la polyarthrite rhumatoïde et la maladie de Crohn. Les auteurs précisent que, à leur connaissance, cette galénique n'a jamais été testée sur des anticorps monoclonaux. Et que, parmi les quelque 400 produits biopharmaceutiques, seule l'insuline est produite et administrée sous cette forme.
Les chercheurs rapportent que les difficultés majeures à surmonter étaient liées à la grande taille des anticorps monoclonaux, à la présence d'oligosaccharides de surface et à leur degré élevé de flexibilité. Eléments qui limitaient les essais de cristallisation avec conservation de l'intégrité de l'anticorps.
La technique des Américains a permis d'obtenir un rendement de plus de 90 % pour le rituximab et supérieur à 85 % pour le trastuzumab et l'infliximab.
Les vérifications n'ont pas montré de différence de pureté et d'intégrité entre les protéines solubles utilisées en thérapeutique et celles obtenues après dissolution de la suspension cristalline, réalisée, d'ailleurs, en moins d'une minute. La conservation des préparations s'est également révélée parfaite à douze mois à température ambiante.
Une activité identique
Les premiers tests menés in vitro avec le rituximab et l'infliximab montrent une activité identique avant et après cristallisation, sur, respectivement, des cellules de lymphome et des cultures de fibroblastes. Le choix d'un véhicule pour ces cristaux s'est porté sur le PEG (polyéthylène glycol). Il permet la réalisation de solutions à 200 mg/ml d'infliximab et de trastuzumab de viscosité basse, et, donc, injectables.
Restait l'épreuve de la pharmacocinétique. L'infliximab cristallisé, injecté à des rats par voie S.C., fournit des taux similaires à ceux de la galénique traditionnelle en I.V. ou S.C. Le pic sanguin est simplement un peu retardé. La biodisponibilité de l'anticorps reste élevée et la protéine native n'est pas dénaturée.
Les chercheurs se sont également inquiétés d'une réaction locale. L'histologie réalisée après injection de trastuzumab, toujours chez le rongeur, est parfaitement rassurante. La dissolution rapide du produit est confirmée par l'absence de résidu cristallinien à douze heures.
Le trastuzumab cristallisé, enfin, a été testé chez des souris porteuses d'une xénogreffe de cellules de cancer du sein humain. A faible dose, la croissance tumorale a été inhibée. A doses plus élevées, la tumeur a disparu chez environ la moitié des rongeurs. Des effets thérapeutiques proches de ceux connus avec l'anticorps monoclonal classique. Il en va de même pour les effets secondaires.
« Proceedings of the National Academy of Sciences USA », 27 mai 2003, doi/10.1073.
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