LES DIRECTEURS de laboratoire du Cnrs, qui constituent le gros des bataillons des patrons de labo qui ont démissionné en masse le 9 mars, ont été reçus par le directeur général, Bernard Larrouturou, lors d'une réunion au Collège de France. « Je souhaitais d'abord les écouter, a déclaré Bernard Larrouturou. Quand un cadre demande à être relevé de ses fonctions, il est important de pouvoir dialoguer, d'écouter, d'en savoir plus sur ses attentes par rapport au gouvernement dans ce qui constitue une crise. » Christian Bréchot, directeur général de l'Inserm, privilégie lui aussi le dialogue : il a commencé un tour de France pour aller à la rencontre des démissionnaires (185 directeurs d'unité sur 400).
Selon le dernier décompte effectué par le direction du Cnrs, 540 patrons de labo, sur un total de 1 256, ont officiellement envoyé leur démission. « Ça continue d'arriver, j'en reçois chaque jour », a indiqué le directeur du Cnrs. Pour être effectives, ces démissions doivent être acceptées par les organismes dont relèvent les laboratoires, lesquels sont, à 80 %, communs avec d'autres établissements, principalement des universités.
Bernard Larrouturou, qui doit donc prendre une décision conjointe avec les présidents d'université, ne veut pas accepter ces démissions. « Je ne vois pas comment accepter les démissions, ce qui signifierait arrêter la vie d'un certain nombre de laboratoires, argue-t-il. Il est important de ne pas fragiliser la recherche française. Je n'ai pas d'autre issue que de refuser ces démissions », a expliqué le directeur du Cnrs, qui reconnaît qu'un « risque de pourrissement (du mouvement) existe ».
De fait, on peut s'interroger sur les moyens de pression qu'il reste aux chercheurs. Beaucoup d'entre eux s'interrogent sur l'issue que donnera le gouvernement aux recommandations du Comité national de la recherche scientifique mis en place par les Prs Baulieu et Brézin. Le porte-parole du collectif Sauvons la recherche, Alain Trautmann, assure qu'il y aura « d'autres temps forts dans les prochains jours si la situation demeure bloquée ». Au sein des syndicats, on évoque une grève administrative ou le blocage des évaluations scientifiques des laboratoires et des chercheurs. « Cette crise peut être une chance, estime toutefois Bernard Larrouturou. Une très grande majorité de la communauté scientifique partage la conviction qu'il faut changer un certain nombre de choses dans notre organisation », a ajouté le directeur du Cnrs, qui a présenté, avec le président Gérard Mégie, un projet ambitieux pour l'établissement (« le Quotidien » du 11 mars). « Est-ce qu'on peut y arriver sans un geste supplémentaire du gouvernement pour recréer la confiance, c'est ça toute la difficulté », a-t-il souligné.
Une loi pour la recherche et l'université
Les présidents d'université viennent d'adresser une lettre ouverte sur la recherche au président de la République. Signée de 92 des 101 présidents d'université et directeurs d'établissement membre de la Conférence des présidents d'université (CPU), cette lettre rappelle que « l'essentiel de la recherche publique en France s'effectue dans et par les universités », qui « engagent dans la recherche un formidable potentiel humain, riche notamment de 60 000 doctorants ».
Les présidents d'université demandent donc que la loi sur la recherche, que Jacques Chirac a décidé de soumettre au Parlement, soit « une loi d'orientation et de programmation concernant l'enseignement supérieur aussi bien que la recherche ».
Ils proposent également une modification de la répartition des postes ministériels : « Le regroupement au sein d'un ministère de plein exercice de l'enseignement supérieur, de la recherche et de la technologie serait le signe pour notre communauté d'une réelle vision prospective qui réaffirmerait le caractère indissociable de la formation supérieure et du travail scientifique », estiment-ils.
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