SI LE BAROMETRE de la générosité mesure depuis près de dix ans les dons en argent des Français, les dons en temps, autrement dit l'engagement bénévole, n'avaient encore jamais fait l'objet d'une démarche métrologique. France Bénévolat et le Centre d'études et de recherche sur la philanthropie (Cerphi) se sont associés pour combler cette lacune. Avec le concours de dix-sept associations parmi les plus concernées par la question (Croix-Rouge française, Médecins du Monde, Secours catholique, Fédération des sapeurs-pompiers...), ils publient la première photo de l'état du bénévolat français.
Et d'abord, note leur rapport, il convient de noter qu'il y a bénévole et bénévole : les « bénévoles réguliers » sont membres d'une association où ils exercent une activité non rétribuée au minimum deux heures par semaine. Ils sont un peu plus de 3 millions dans ce cas.
Les bénévoles occasionnels adhèrent également à leurs associations, mais leur collaboration, moins assidue, n'atteint pas les deux heures hebdomadaires. C'est le cas pour 3 à 4 millions de personnes.
Quant aux « extras », ils ne sont pas personnellement adhérents à une structure associative et ils se contentent de fournir un coup de main ponctuel ; ce sont les plus nombreux : entre 15 et 18 millions.
Des âges plus ou moins favorables pour s'engager.
Pour 55 % d'entre eux, les bénévoles sont des hommes ; les moins de 25 ans sont les moins impliqués dans la vie associative, ce qui ne les empêche pas d'être classés au premier rang pour le don de temps en général. Le rapport y voit le signe que les jeunes, bien qu'ils soient généreux et disponibles, se heurtent à des difficultés pour entrer dans le groupe des responsables associatifs et ont du mal à s'engager dans la durée.
Entre 25 et 40 ans, c'est le creux de la vague bénévole. La reprise s'observe nettement dans la classe d'âge suivante, entre 40 et 55 ans. Au-delà, toutes les mesures concordent pour indiquer une implication forte, et même maximale, avec un léger tassement noté entre 60 et 65 ans, probablement en relation avec l'apparition des petits enfants.
Les bénévoles ont un niveau d'études secondaires pour 50 % d'entre eux, supérieurs pour 30 à 36 %, et ils ne sont que 10 à 15 % à avoir un niveau d'études primaires ; en 1996, ils étaient 17 % dans ce cas, un pourcentage qui est tombé à 9 % en 2002.
Dans le même temps, la proportion des diplômés de l'enseignement supérieur est allée crescendo. Le rapport se demande s'il n'y a pas un lien entre les difficultés d'emploi rencontrées ces dernières années par les cadres et leur plus forte implication bénévole.
Au plan social, ceux qui sont qualifiés statistiquement d'« inactifs » représentent toujours les plus gros bataillons de candidats au bénévolat : 21 % sont étudiants, 19 % sont chômeurs, 10 % sont des femmes au foyer et 21 % des retraités. Les « actifs » sont très minoritaires, avec moins du tiers des candidats, exactement 29 %.
Dans le même temps, les associations sont de plus en plus demandeuses de bénévoles. D'une enquête rapide effectuée parmi 200 d'entre elles, il ressort que les besoins de 96 % ont augmenté au cours des cinq dernières années, tant en raison du développement de leurs activités (80 ) qu'à la suite d'une réduction du temps d'engagement de leurs bénévoles.
Un sport de haut niveau.
Le phénomène s'accentue car l'évolution du nombre des bénévoles ne suit pas celle des créations d'associations. Bien au contraire, puisque, pendant deux années, les mouvements ont été opposés : en 2000-2001, le nombre des associations s'est accru de 12,7 %, alors que le nombre des bénévoles enregistrait une baisse de 2,4 %. En 2001-2002, le parc associatif a augmenté de 2,7 %, cependant que le nombre des bénévoles ne progressait que de 0,5 %. « Plus on crée d'associations, plus il y a dispersion de la ressource humaine et plus les réseaux classiques souffrent. C'est un souci », commente Jacques Malet, le directeur du Cerphi.
Mais la demande en bénévoles n'est pas seulement quantitative, elle se précise de plus en plus dans des domaines de compétences telles la communication, les nouvelles technologies et la finance. « Chacun sait, souligne le rapport, que la recherche d'un trésorier constitue un véritable sport de haut niveau. » Viennent ensuite le secteur de l'administration et celui des ressources humaines, sans oublier l'aspect juridique et la négociation.
Cette recherche de bénévoles compétents est aujourd'hui la priorité des associations, nettement devant les besoins en biens matériels ou en financements.
Une crise d'adéquation se fait jour qui peut se décrire sous deux angles : au fil des ans, de plus en plus d'associations ont du mal à trouver des bénévoles compétents alors que, simultanément, des bénévoles au niveau d'études supérieur acceptent moins bien le manque de professionnalisme de certaines associations qui les cantonnent dans des tâches peu intéressantes.
L'étude montre que ces tendances doivent être modulées selon les régions et les départements, d'autres distorsions apparaissant : aucune des six régions classées en tête pour le nombre de leurs « bâtisseurs associatifs » ne se trouve en haut de tableau pour la proportion des bénévoles.
La carte de France qui recense la proportion des bénévoles par rapport à la population de 18 à 70 ans révèle encore que ce sont les départements ruraux modestes qui comportent un nombre plus important de bénévoles. Et elle montre que la fibre associative se cultive plus au sud d'une ligne Nantes-Annecy.
Toutes ces perspectives devraient désormais faire l'objet d'un suivi régulier avec la publication d'un baromètre annuel.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature