TANDIS QUE LA RÉFORME de l'hôpital se concocte – pour l'instant sans eux, puisqu'ils n'ont rendez-vous que le 20 juin au ministère de la Santé –, deux intersyndicats de praticiens hospitaliers accusent les pouvoirs publics d'être «à 10000 lieues des réalités» et, plus grave, de faire de la réforme «un outil de déstabilisation de l'hôpital public».
Ensemble, la CPH (Confédération des praticiens des hôpitaux) et l'INPH (Intersyndicat national des praticiens hospitaliers) – qui revendiquent la représentation de 80 % des PH – reprochent d'abord au gouvernement sa méthode de travail. «Nous ressentons l'action de Roselyne Bachelot comme non sincère et non transparente», accuse le Dr Rachel Bocher, présidente de l'INPH.
Emblématique de la crise de confiance qui s'installe entre les PH et le ministère : la directive européenne sur le temps de travail, qui établit, entre autres, une distinction entre le temps de garde actif et le temps de garde inactif (« le Quotidien » d'hier). «C'est de la malhonnêteté intellectuelle de la part du gouvernement français que de dire “on n'appliquera pas”, déplore le Dr Michel Dru, président du Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs (SNPHAR, adhérent de l'INPH). La France a bel et bien voté ces mesures qui ne vont pas dans le sens de la protection des travailleurs.»«Ceux qui ont adopté ce texte ne se rendent pas compte de la mine qu'ils viennent de déposer et qui va sauter demain. C'est une régression sociale majeure et, en dépit des déclarations tonitruantes de MmeBachelot et de M.Bertrand, la situation est terriblement inquiétante», renchérit le Dr Patrick Pelloux, président de l'AMUF (Association des médecins urgentistes de France, qui adhère à la CPH).
Tous les sujets sont glissants.
Réforme en préparation, négociations sur la retraite (la remise à plat du régime IRCANTEC doit être faite pour le 30 juin, mais deux réunions seulement ont eu lieu à ce jour pour préparer le terrain, la prochaine étant programmée mercredi prochain 18 juin), situation des 5 000 PH à temps partiel (dont l'alignement statutaire sur les pleins-temps, promis il y a deux ans et budgété, reste pour l'instant lettre morte)…, tout est aujourd'hui motif de forte inquiétude pour les deux intersyndicales. À tel point que le Dr Francis Peigné, président fondateur de l'INPH qui a vu passer les trains d'un certain nombre de réformes, s'alarme : «Il y a vingt-cinq ans, l'hôpital se portait mieux. Nous n'avions pas ces interrogations sur la fin de l'hôpital public.»
Un discours millénariste ? Ils sont beaucoup, en tout cas, parmi les syndicats de PH, à partager cette sombre vision d'une institution plus ou moins délibérément attaquée, voire condamnée. «L'action gouvernementale consiste à remettre les clés d'une partie du système de santé aux mains de fonds de pension américains», juge Rachel Bocher. Pierre Faraggi décèle, lui, derrière les choix des pouvoirs publics, «l'idée d'une prise en main de la santé par le marché et de la mise en concurrence (des offreurs de soins) ». Or, avec en tête l'exemple des États-Unis, il estime que ce genre de schéma «n'est bon ni pour le service rendu au patient, ni pour le coût de la santé». À plus court terme, le président de la CPH juge que l'état de réforme permanente dans lequel est plongé l'hôpital public est extrêmement dangereux : «À mettre ainsi l'institution en ébullition permanente, on désorganise le fonctionnement de nos équipes et, pendant ce temps, les cliniques augmentent leurs parts de marché.» Président du syndicat des PH de CHU (SNPHCHU, adhérent de l'INPH), le Dr Jean-Michel Badet constate pour sa part que «les CHU se retrouvent confrontés à des cliniques qui sont de véritables navires de guerre, où les décideurs ont pris garde de ne pas dépasser la taille critique de 300 ou 400lits».
Las d'être taxés d'immobilisme, l'INPH et la CPH insistent : ils sont «réformistes». Mais ils veulent que s'organise «un vrai débat public». «Que veut-on pour l'hôpital public? Le préserver ou non? Veut-on le financer? Quelles doivent être ses missions…? Il faut se déterminer sur tous ces points», explique le Dr Bruno Devergie, président du Syndicat des praticiens des hôpitaux publics (SPHP, membre de la CPH). Et dans la perspective de la loi « Bachelot » (dite Santé, patients, territoires) de l'automne, qui inclura la réforme hospitalière, les deux intersyndicats mettent en garde : «Nous ne voulons pas d'ordonnance, nous voulons un vrai débat parlementaire où toutes les questions seront posées.»
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