DÉCIDÉMENT, le secteur II n'a jamais autant ressemblé à un mirage pour nombre de médecins spécialistes français de secteur I : alors qu'ils pensaient s'en approcher bientôt, le mode d'exercice à honoraires libres s'éloigne une fois de plus. La Cour de cassation vient en effet de barrer la route au secteur II en rendant plusieurs arrêts (relatifs à huit médecins spécialistes) qui feront jurisprudence, puisque la haute juridiction est l'ultime recours dans le système judiciaire français. Ces arrêts ont été prononcés presque simultanément au veto opposé par le Conseil de l'Union nationale des caisses d'assurance-maladie (Uncam) à l'application du fameux point 9 de l'accord chirurgiens du 24 août 2004 (« le Quotidien » du 20 juin). Ce point 9 laissait entendre que tous les médecins spécialistes de secteur I dotés des diplômes requis auraient le choix, au 30 juin 2005, entre leur secteur à tarifs strictement opposables et un nouveau secteur optionnel ou, à défaut, le secteur II.
Dans ses arrêts, la Cour de cassation a jugé que les huit médecins spécialistes défendus par les avocats de l'Association pour l'ouverture du secteur II (Apos2) ne pouvaient accéder au secteur II, dès lors qu'ils n'avaient pas formulé leur demande dans les délais fixés, soit un mois après la transmission par leur caisse d'assurance-maladie du règlement conventionnel minimal de 1998 (RCM applicable aux spécialistes jusqu'à la publication de la nouvelle convention en 2005).
L'Apos2 ne cache pas son « immense déception » face à la « décision négative de la Cour de cassation ». Cette association, fondée à l'origine par des ophtalmologistes de secteur I, coordonne depuis octobre 2002 quelque 3 000 procédures contentieuses de spécialistes de secteur I contre leur caisse primaire d'assurance-maladie (Cpam) qui leur a refusé leur passage en secteur II. Confortée au fil des mois par une série de jugements favorables aux médecins en première instance (dans les tribunaux des affaires de Sécurité sociale ou Tass), et parfois aussi en appel, l'Apos2 est aujourd'hui dépitée.
L'appel à l'Europe.
Cette association évoque la « déception pour plusieurs milliers de médecins qui avaient mis tous leurs espoirs dans la justice de leur pays pour faire éclater leur droit fondamental à la liberté et à l'égalité dans leur travail que leur refusent depuis quinze ans les politiques de tous bords en leur bloquant arbitrairement l'accès au secteur II pour de fallacieuses raisons économiques et surtout politiques ». L'Apos2 souligne l'amertume des praticiens qui avaient choisi le secteur I à tarifs opposables à leur installation pour « jouer le jeu de la Sécurité sociale par esprit de solidarité », en espérant que les tarifs conventionnels seraient régulièrement revalorisés, et qui, maintenant, « se sentent profondément floués par les institutions ».
Pour l'Apos2, « il s'agit d'une jurisprudence d'une extrême gravité », et pas seulement dans la sphère médicale, puisque, selon elle, « deux des principes fondateurs de la République française, la liberté et l'égalité, sont mis à mal ». La décision de la Cour de cassation, explique l'association, « entérine le fait que deux individus, qui pratiquent la même activité avec les mêmes diplômes et dans les mêmes conditions, n'ont pas droit au même traitement ». Elle « légalise la notion d'une médecine à deux vitesses » puisque les tarifs conventionnels du secteur I, « totalement déconnectés de la réalité des coûts de revient », implique l'utilisation de « méthodes d'il y a quinze ans (pour) une très large et majoritaire catégorie de Français ».
Néanmoins, l'Apos2 ne compte pas en rester là : elle annonce qu'elle « va maintenant porter la cause de ses adhérents devant les juridictions européennes compétentes tout en préparant localement d'autres modalités d'action ».
(1) Anciens chefs de cliniques et assistants des hôpitaux.
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