La trêve obtenue par le gouvernement et les caisses d'assurance-maladie avec les médecins libéraux paraît encore bien précaire. Ni les généralistes ni les spécialistes regroupés au sein de coordinations nationales n'ont pour l'instant l'intention de renoncer à leur mouvement de protestation tant qu'ils n'auront pas obtenu satisfaction sur l'ensemble de leurs revendications.
C'est dire si les négociations qui s'ouvrent la semaine prochaine entre les caisses d'assurance-maladie et les syndicats médicaux en vue d'élaborer une nouvelle convention médicales seront placées sous haute surveillance. Malgré la revalorisation de la consultation à 20 euros et de la visite à 30 euros, la coordination nationale des médecins généralistes a appelé, contrairement aux syndicats, à la poursuite de la grève des gardes tant qu' « une solution satisfaisante ne serait pas trouvée » concernant la permanence des soins. Elle souhaite être associée aux groupes de travail mis en place à cet effet par le ministre de la Santé, Jean-François Mattei.
L'accord trouvé avec les pédiatres est également contesté par une partie de la profession et est loin d'avoir épuisé les revendications des médecins spécialistes, notamment de ceux exerçant en secteur I dans des disciplines essentiellement cliniques.
Opposition à la télétransmission
Les 36 coordinations départementales qui ont vu le jour depuis le mois de février pour faire entendre leurs voix se sont fédérées ce week-end dans une coordination nationale des médecins spécialistes qui affirme représenter plus de 5 000 médecins spécialistes sur les 53 000 exerçant en ville.
Au cours de son assemblée générale constitutive, elle a adopté une plate-forme de revendications au premier des rangs desquelles se trouve la réouverture pour tous les médecins du secteur à honoraires libres, dit secteur II, dont les conditions d'accès ont été restreintes en 1990. Elle demandent également la revalorisation de leurs honoraires, l'alignement du tarif d'autorité (lorsque le médecin n'est pas conventionné) sur le tarif opposable et l'annulation de l'obligation de télétransmission des feuilles de soins. Enfin, la coordination demande la présence d'un de ses représentants lors des négociations conventionnelles. En attendant d'obtenir satisfaction, elle appelle les médecins spécialistes « à reprendre leur liberté tarifaire » et, comme les médecins généralistes, à appliquer largement les dépassements d'honoraires. « La médecine de qualité a un coût. Cette médecine se fera avec les spécialistes libéraux ou ne se fera pas », menace la coordination nationale dans un communiqué.
Vers une grève des soins
L'un de ses porte-parole, le Dr Bernard Cristalli, indique par ailleurs que la coordination envisage d'autres actions afin de « faire pression sur les négociations ».
Une de ces pressions pourrait être une grève des soins sur le modèle de celle qui est envisagée par les médecins de l'hospitalisation privée. La coordination nationale des médecins exerçant en clinique, qui affiche les mêmes revendications, a rappelé qu'elle maintenait son mot d'ordre de grève illimitée à partir du 4 novembre prochain et annonce « un vaste mouvement fédérateur de l'ensemble des médecins spécialistes libéraux ». L'Union des chirurgiens et spécialistes français (UCCSF) et l'Union des chirurgiens français (UCF), qui réclament une augmentation de la lettre clé KCC des chirurgiens, se sont déjà jointes à ce mot d'ordre et des discussions sont en cours avec la coordination des médecins spécialistes.
Ces mouvements et la radicalisation de leurs revendications - le retour à des honoraires libres - traduit bien la défiance de plus en plus grande qui existe désormais entre le corps médical et ses représentants syndicaux. « Nous souhaitons servir d'aiguillon aux syndicats pendant les négociations pour qu'ils reprennent notre plate-forme », explique sans ambages le Dr Cristalli.
Ce qui devrait singulièrement compliquer la tâche des principales organisations syndicales, notamment de la CSMF et du SML qui, devant l'opposition farouche des caisses d'assurance-maladie, avaient abandonné la défense du secteur à honoraires libres en échange de revalorisations substantielles d'honoraires. Seules la Fédération des médecins de France (FMF) et l'UCCSF, qui ne sont cependant pas certaines de garder leur représentativité à l'issue de l'enquête qui devrait avoir lieu au mois de septembre, réclament encore la réouverture du secteur II et contestent l'idée de trois tarifs de consultation proposée par la CSMF. « C'est un très mauvais coup qui se prépare pour les spécialistes. Il est inimaginable par exemple que l'on rétrograde la consultation de première intention à 20 euros », s'insurge le Dr Jean-Gabriel Brun, président de l'UCCSF qui se dit très pessimiste sur l'issue de ces négociations.
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