La Coordination nationale des médecins spécialistes (CNMS, qui affirme représenter « un sixième des spécialistes français ») « n'est pas étonnée » par l'échec des négociations conventionnelles avec les cinq syndicats de médecins libéraux, échec auquel « son action a largement contribué ».
Dans un communiqué, la CNMS prône toujours « la dissociation entre honoraires et tarifs opposables », étant donné « l'incapacité budgétaire de l'assurance-maladie ». La coordination rappelle que « toute convention ne permettant pas un financement des soins conformes aux obligations déontologiques des médecins est inacceptable et ne sera pas appliquée ».
Sur le terrain, les médecins des coordinations « sont partagés », nuance le Dr Bruno Rioux, ophtalmologue à Chateaubriant (Loire-Atlantique) et porte-parole de la CNMS. « Certains se disent aujourd'hui qu'ils vont pouvoir continuer à faire du DE (dépassement d'honoraires, NDLR) dans le cadre du règlement conventionnel minimal. D'autres disent : "L'Etat va nous sortir un RCM dans lequel nous n'aurons plus le droit de faire du DE" », explique le Dr Rioux. Quoi qu'il en soit, la CNMS « motive ses troupes pour poursuivre le DE, quitte à se faire déconventionner, et organise la défense des médecins » par le biais d'associations.
« Pour sauver la qualité de la médecine de proximité française », la CNMS envisage de surfer sur la vague de la régionalisation et de la décentralisation. En effet, la coordination nationale des médecins spécialistes défend l'idée d'un contrat individuel « librement consenti » entre chaque médecin et leur caisse primaire d'assurance-maladie (CPAM). Ce type de contrat reviendrait en fait à ouvrir le secteur II à honoraires libres à tous les praticiens qui en feraient la demande, puisqu'il autoriserait les médecins spécialistes de secteur I à appliquer des honoraires libres, dès lors qu'ils s'engagent à restituer à leur CPAM les quelque 12 000 euros correspondant à la prise en charge annuelle de leurs cotisations sociales. « Au bout d'un an d'application, on ferait avec la caisse le bilan du contrat par rapport au service rendu aux patients », précise le Dr Jean-Paul Camou, autre porte-parole de la CNMS et président de la Fédération des médecins de France (FMF) de la Drôme. Dans son cas personnel, cet anesthésiste-réanimateur ne doute pas que le bilan serait positif sur le plan qualitatif, s'il atteste que, grâce à sa nouvelle liberté tarifaire, il a pu notamment « financer l'emploi d'un infirmier par salle d'anesthésie-réanimation, suivre une formation médicale continue, étoffer (son) équipe ». De son côté, le Dr Rioux indique qu'un tel contrat lui permettrait de remplir ses « obligations de moyens » d'ophtalmologue en achetant, par exemple, un appareil à angiographie numérisée pour soigner les dégénérescences maculaires de ses patients.
Liberté d'honoraires acquise de fait
Les médecins des coordinations font valoir que ces nouveaux contrats ne feraient qu'entériner la liberté d'honoraires acquise, de fait, depuis quelques mois ou plus, « dans une quinzaine de départements » comme la Nièvre, l'Indre, l'Indre-et-Loire ou le Loiret. En outre, la CNMS s'appuie sur « l'indiscrétion d'un haut responsable de la CNAM » (Caisse nationale d'assurance-maladie), selon lequel « la CNAM ne pourrait pas juridiquement aller à l'encontre d'une caisse primaire si son conseil d'administration décidait de passer contrat directement avec les médecins ».
Avant même la mise en place hypothétique de ces contrats individuels, certains médecins des coordinations ont déjà trouvé la faille du système qui leur permet d'appliquer la liberté des honoraires en toute légalité. Comment ? Tout simplement en fermant leur cabinet en secteur I pour effectuer des remplacements chez des confrères du secteur II. Le Dr Mireille Bonneau, gynécologue-obstétricienne, a déjà franchi le pas. Lors de son installation, en 1988, le secteur II était encore ouvert, mais elle a fait le choix « social » d'exercer en secteur I et de visser sa plaque « à Noisy-le-Sec, en Seine-Saint-Denis, et non pas à Neuilly ». Après plusieurs années de blocage tarifaire en secteur I, le Dr Bonneau a eu l'impression de s'être « fait avoir ». Depuis neuf mois, elle remplace deux gynécologues en secteur II et une autre en secteur I. Mère de trois enfants, elle apprécie le temps libre dont elle dispose maintenant. « C'est beaucoup plus intéressant, car je n'ai pas les charges d'un cabinet », ajoute le Dr Bonneau. Agée de 48 ans, cette gynécologue reprendrait volontiers un cabinet à terme, à condition que le CS « ne reste pas à 23 euros » et qu'elle « ne se réinstalle pas toute seule ».
A Annecy-le-Vieux, le Dr Christian Raymond ne prend plus aucun rendez-vous depuis deux mois et demi, sauf urgences. Il fermera le 15 avril son cabinet d'ophtalmologue, le dernier de sa ville, et part « remplacer des confrères en honoraires libres ». Le Dr Raymond avait opté, lui aussi, pour le secteur I au moment de son installation en 1988. A l'époque, il « faisait confiance au système », tandis qu'aujourd'hui ce titulaire d'un CES (certificat d'études spécialisées) « ne supporte plus l'inégalité selon les diplômes ». « L'inégalité secteur I/secteur II, souligne-t-il, est sur tous les plans puisque la différence d'honoraires a des conséquences sur l'investissement et les possibilités de trouver un remplaçant ».
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