LE PRÉSIDENT du Syndicat des médecins libéraux (SML) avait vu juste. Au début des négociations conventionnelles, mi-décembre, Dinorino Cabrera pariait sur un bras de fer tarifaire entre l’assurance-maladie et les médecins. «Il y aura des déclarations tonitruantes, un scénario de crise ou de psychodrame, peut-être même des claquements de porte», annonçait-il au « Quotidien».Deux mois plus tard, les faits lui donnent raison : ce round de négociations tarifaires est entré dans une zone de turbulences où la poussée extérieure (orchestrée par les opposants à la convention MG-France, FMF et Espace Généraliste) se mêle aux coups de colère successifs des organisations signataires (Csmf, SML et Alliance). Avec comme toile de fond la campagne présidentielle qui, comme en 2002, politise le dossier de la revalorisation des honoraires médicaux.
Au final, une situation de crise larvée qui risque de fragiliser le contrat conventionnel et la maîtrise médicalisée.
Chassang : « Est-ce qu’on joue toujours le jeu ? »
La dernière séance de négociation à la Cnam illustre ce raidissement des positions. La Csmf, qui s’est mobilisée dans toutes les réformes en cours depuis 2004, a quitté la table des discussions pour ne pas se prêter, affirme-t-elle, à un «simulacre» de négociations et à un «marché de dupes» qui «humilie» les médecins . En cause : le refus du directeur de l’assurance-maladie d’aborder le chapitre des revalorisations tant qu’il ne dispose pas du «mandat» du conseil de l’Union nationale des caisses d’assurance-maladie (Uncam), où siègent les partenaires sociaux (une réunion est programmée jeudi prochain). Même si toute négociation tarifaire s’accompagne d’une dramatisation, les mots ne sont pas anodins. Michel Chassang a évoqué un «tournant» de la convention de 2005 sur le médecin traitant et a menacé de «réviser» son engagement sans signe «décisif» avant la fin du mois de février. «Est-ce qu’on joue toujours le jeu?», demande-t-il . Pour la branche généraliste de la Csmf (Unof), l’assurance-maladie prend le risque de casser la convention actuelle mais, au-delà, «les futurs contrats entre la société et les médecins». Le pacte collectif de 1971 (exercice libéral contre discipline tarifaire) serait menacé.
Tout en défendant le même objectif du C = CS, le Syndicat des médecins libéraux (SML), autre signataire, a choisi une stratégie moins maximaliste, qui lui permet de se démarquer de la Confédération tout en affichant quand même sa «fermeté». A l’issue de la dernière réunion à la Cnam, le SML, adepte du contre-pied, insistait sur les «avancées» obtenues et la demi-douzaine d’avenants signés (lire ci-dessous). Avant d’ironiser sur «la gesticulation médiatique» de son partenaire confédéral.
Le SML et la Csmf ont néanmoins en commun d’avoir réclamé un arbitrage politique pour débloquer la situation conventionnelle au plus vite, ce qui constitue une forme de remise en cause de la gouvernance de l’assurance-maladie. Quant au troisième signataire, Alliance, son président Félix Benouaich affirme lui aussi «avoir mis les points sur les ‘‘i’’ » avec l’assurance-maladie qui «doit maintenant prendre toutes ses responsabilités» sur l’augmentation du C mais également sur le secteur optionnel .
Frédéric Van Roekeghem : consignes de fermeté.
Théâtre ou pas, les signaux d’alerte envoyés par les soutiens à la convention commencent à inquiéter les partenaires sociaux, y compris le Medef et la Cfdt, soucieux de maintenir la dynamique conventionnelle.
Car nul ne peut ignorer les initiatives des opposants pour mobiliser les médecins généralistes et encourager une fronde tarifaire du terrain.
On retiendra les appels unitaires à la cotation CS sur les feuilles de soins papier (Drôme, Rhône-Alpes), des mots d’ordre équivalents en Bretagne où la consigne donnée par MG-France aux généralistes de réclamer auprès de l’Ordre leur «qualification de spécialiste en médecine générale». Une qualification qui donnerait droit à la nomenclature spécialisée. Face à cette situation délicate, le directeur de l’assurance-maladie, Frédéric Van Roekeghem affiche sa détermination. «J’ai donné des consignes de grande fermeté aux directeurs de caisses primaires. Quelques groupuscules profitent du contexte pour tenter un coup de force mais ces actions (de guérilla tarifaire) sont le fait d’une très petite minorité de médecins.»
Reste que, onze ans après le plan Juppé, le mécontentement de la médecine libérale semble raviver des souvenirs douloureux à droite.
A l’automne déjà, les députés UMP avaient imposé à Xavier Bertrand le relèvement du budget des soins de ville dans la loi de financement de la Sécurité sociale. Aujourd’hui, Nicolas Sarkozy, candidat de l’UMP, et dont le porte-parole dans cette campagne n’est autre que le ministre de la Santé, entre dans le débat sur les honoraires en demandant dans nos colonnes la revalorisation du C à 23 euros «au plus vite» (« le Quotidien » du 9 février) . Un message de plus au directeur de l’assurance-maladie.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature