SI LE CLIMAT syndical et conventionnel a rarement été serein depuis quelques années, c'est aujourd'hui un avis de tempête qui prévaut.
L'annulation par le Conseil d'État (1), suite à la requête de MG-France, des avenants 14, 15 et 19 de la convention 2005 – portant respectivement sur la revalorisation de la visite à 21 euros et la MGE appliquée aux visites, la tarification de la stomatologie et enfin la prorogation de la majoration forfaitaire clinicien MPC pour les consultations spécialisées – plonge le dispositif conventionnel dans une nouvelle crise dont il a le secret sur fond de dissensions syndicales et de confusion juridique totale. Et, ce, à l'heure même où les discussions reprennent sur les sujets professionnels qui comptent, de la démographie au secteur optionnel en passant par la hausse du C et les nouveaux contrats individuels (voir encadré).
Côté syndicats, les critiques et attaques qui ont fusé ces derniers jours en disent long sur le regain de tension qui éloigne l'idée même d'un front médical uni dans la négociation pourtant difficile qui s'ouvre avec l'assurance-maladie. Le Dr Michel Chassang, président de la CSMF, estime que «la façon de MG-France de faire du syndicalisme est infâme et irresponsable»,sa stratégie ayant abouti à envoyer «plusieurs “scuds” contre les médecins, y compris les généralistes».La branche spécialiste de la Confédération – UMESPE – se dit «consternée» et s'en prend à «MG-France et ses alliés», accusés d'avoir obtenu des juges «des mesures qui vont à l'encontre des spécialistes du secteurI.» Le collège des médecins stomatologistes et chirurgiens maxillo-faciaux (CMSCMFF) est monté au front face aux «conséquences inacceptables» de l'annulation de l'avenant 15. Quant à MG-France, il estime que les «temps anciens sont révolus» lorsque «certains syndicats médicaux ont pu faire de l'exclusion leur objectif essentiel [...]».Ambiance.
Récupération des sommes indues ?
Au-delà des vives réactions syndicales « à chaud » se pose la question des conséquences pratiques pour les médecins libéraux de l'annulation des avenants concernés.
Interrogée en début de semaine, la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) examinait toujours les répercussions exactes de cette décision «en concertation étroite avec le ministère de la Santé». Mais le malaise est profond et chacun mesure le caractère ubuesque d'une situation qui, selon un leader syndical, risque de «polluer» les nouvelles discussions.
La CSMF, qui a procédé à sa propre analyse juridique, prétend que l'annulation «rétroactive» des avenants 14, 15 et 19 aura des «conséquences négatives» pour les praticiens avec la perte des avancées tarifaires invalidées : pour les généralistes, annulation de la majoration grand enfant (MGE) associée aux visites pour les enfants de 2 à 6 ans ; annulation de la visite à 21 euros pendant la période litigieuse du 8 novembre 2006 au 4 mai 2007 (date à laquelle le V avait été porté à 22 euros) ; et, pour les spécialistes, annulation de la MPC de 2 euros pour l'année 2007 (cette majoration concernant 45 spécialités – mais pas la médecine générale – avait été ensuite reconduite par avenants). «Les caisses sont en droit de réclamer aux médecins des remboursements d'indus, cela pourrait atteindre des milliers d'euros pour certains spécialistes», avance avec gravité le Dr Chassang. Selon l'UNOF (branche généraliste de la CSMF), l'annulation de la visite à 21 euros sur la période incriminée représente «de l'ordre du millier d'euros et plus pour les généralistes qui font du maintien à domicile».
Sur le volet « stomatologie », «les mesures durement négociées de revalorisation des médecins stomatologistes et d'élargissement du champ de leur compétence sont totalement fragilisées», déplore un responsable du Syndicat des médecins libéraux (SML). Que se passera-t-il en effet si des patients ou des associations d'usagers portent plainte contre l'application de tarifs rendus illégaux et exigent un remboursement ? Nul ne le sait. Même la FMF, tout en constatant que MG-France était parfaitement fondé dans sa demande d'annulation, «ne peut se satisfaire d'une situation consternante qui vient pénaliser les spécialités cliniques».
À l'inverse, l'Union collégiale (UC, une des composantes du front syndical d'opposition) estime que la décision du conseil d'État «crée un imbroglio juridique pour la caisse sans conséquence pour les médecins». Comprenne qui pourra.
Quelle issue possible ? Les syndicats pourraient être tentés de « régulariser » par de nouveaux avenants (au besoin en les complétant) tout ou partie des dispositions annulées pour des raisons de forme. Mais il faut désormais attendre au moins six mois pour rendre applicables des mesures tarifaires ayant fait l'objet d'un accord conventionnel. Autre possibilité : la loi de financement de la Sécu valide juridiquement certaines mesures fragilisées. Quant à la CNAM, son analyse de la situation risque de peser lourd. Dans le contexte d'austérité actuel, nul doute qu'une action de l'assurance-maladie pour réclamer aux médecins des sommes versées serait vécue comme un casus belli.
En attendant, chacun avance ses pions. Afin de «sortir de la crise» et de la confusion «extrême», MG-France se dit «porteur de propositions» sur tous les sujets : revalorisation immédiate de la médecine générale, création d'un secteur chirurgical et obstétrical et politique de rééquilibrage des revenus des différentes spécialités.
(1) Selon cette juridiction, les arrêtés litigieux ont été pris en bafouant le droit d'opposition syndicale majoritaire qui faisait obstacle à leur mise en oeuvre.
Un calendrier très resserré
Dans un contexte très animé par l'annulation des avenants 14, 15 et 19 par le Conseil d'État et après que le gouvernement eut annoncé son intention d'économiser un milliard d'euros supplémentaire par rapport aux 3 millions proposés par l'assurance-maladie, les négociations conventionnelles reprennent à toute vitesse. Une première réunion, le 10 juillet, a permis de définir une méthode de travail et de fixer un calendrier de cinq réunions étalées jusqu'au 25 juillet. Les partenaires devaient aborder hier les dossiers des spécialités cliniques, la situation de la médecine générale et la revalorisation du C à 23 euros. Seront traités à partir de demain les spécialités techniques, l'exercice avec plateaux techniques lourds, le secteur optionnel et la permanence des soins en établissement. Trois autres thématiques sont également à l'ordre du jour des trois réunions programmées la semaine prochaine : la régulation démographique des médecins généralistes, la maîtrise médicalisée et les contrats individuels devant permettre d'optimiser la prescription et rémunérés à la performance. Ce calendrier très serré après six mois d'inactivité conventionnelle permettra-t-il aux partenaires de parvenir à un accord d'ici au 25 juillet ? Rien n'est moins sûr. D'autant que plusieurs questions restent en suspens. Que restera-t-il de cet accord si des mesures d'économies sont arrêtées par le gouvernement dans le courant de l'été ? Cet accord sera-t-il toujours d'actualité après la prochaine loi Santé, patients et territoires qui doit réorganiser le système de santé ou même après le PLFSS 2009 ?
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