« La perspective de mettre en évidence les facteurs génétiques associés aux phénotypes pathologiques a joué un rôle moteur dans le projet génome. Elle constitue même la justification principale du projet », rappelle le Pr Jean Weissenbach, directeur du Genoscope - Centre national de séquençage. Il poursuit « dans de nombreux cas, ces facteurs génétiques peuvent à eux seuls expliquer l'apparition du phénotype ». Il s'agit alors le plus souvent de maladies monogéniques. Mais dans des affections communes (ou multifactorielles), la génétique ne peut tout expliquer. En plus des facteurs de prédisposition génétique, il faut y impliquer des facteurs environnementaux.
L'hétérogénéité de locus
Si l'inventaire des facteurs génétiques a été accéléré depuis l'apparition des techniques de génie génétique, le séquençage du génome a donné une seconde impulsion au phénomène. Selon qu'elles sont monogéniques ou multifactorielles, les affections bénéficient différemment de ces avancées.
Plus de 5 000 affections monogéniques ont été recensées. Mais nombre de gènes impliqués restent à découvrir. Les obstacles sont de trois ordres : les difficultés du recrutement de malades atteints d'affections orphelines et donc du rassemblement de familles en nombre suffisant ; le manque de certitude diagnostique parfois ; l'hétérogénéité de locus (des mutations dans des gènes différents peuvent créer des symptomatologies identiques). « La déconstruction de mécanismes physiologiques d'une grande complexité, par l'identification des couples gènes-protéines, renouvellera profondément la connaissance de ces processus » (comme dans dans des rétinites pigmentaires ou des surdités non syndromiques, où un certain nombre de gènes sont impliqués).
Quant aux pathologies multifactorielles, « seuls quelques très rares facteurs de prédisposition à des maladies communes ont été découverts », constate le Pr Weissenbach. Les progrès en la matière sont lents, ralentis ici aussi par l'hétérogénéité de locus, leur pluralité également (plusieurs locus peuvent contribuer au phénotype chez un individu) et, enfin, par l'importance de facteurs non génétiques (chez les vrais jumeaux, l'un peut déclarer une affection, l'autre pas). L'espoir repose sur la disposition d'un nombre quasi illimité de marqueurs génétiques, soit pour observer directement des associations statistiquement significatives entre marqueurs et phénotype, soit pour définir des haplotypes renfermant les allèles de prédisposition.
La recherche de variants de la séquence génomique responsables de prédispositions génétiques va donc s'intensifier.
De longues recherches
Les recherches de gènes de susceptibilité seront longues. Une fois ces gènes découverts, encore faudra-t-il les convertir en progrès diagnostiques ou thérapeutiques. « Le diagnostic sera, comme souvent, le premier à bénéficier des nouvelles avancées. »
La démarche appliquée à la recherche de facteurs génétiques de prédisposition peut aussi s'étendre à la recherche de susceptibilité à des traitements médicamenteux. « Il deviendra possible d'administrer le médicament le mieux adapté... de détecter les individus à risque pour certains traitements. »
En conclusion, le Pr Weissenbach pressent des changements fondamentaux dans la pratique médicale pour les 10 à 20 prochaines années. Tant en prévention qu'en diagnostic ou en thérapeutique. Notamment, le progrès diagnostique débouchera sur le criblage des individus à la recherche de risques potentiels pour leur santé. Dans une telle démarche, une garantie de confidentialité sera indispensable.
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