Le génie génétique permet d'augmenter le rendement des récoltes en assurant une meilleure protection des plantes vis-à-vis de conditions adverses, notamment les animaux prédateurs, les parasites et les mauvaises herbes. Il pourrait également permettre à certains végétaux de se développer dans des conditions climatiques ou géologiques défavorables (températures extrêmes, salinité, sécheresse...). Cela donnerait la possibilité de fertiliser des sols stériles, notamment dans les pays pauvres. La transgenèse végétale pourrait par ailleurs conduire à une diminution de la pollution environnementale grâce à l'allégement des traitements par des substances chimiques (herbicides, pesticides, fongicides).
Les Américains, les Brésiliens, les Indiens et les Chinois mangent des OGM depuis plus de dix ans sans qu'aucun effet nocif sur leur santé n'ait été rapporté jusqu'à présent. Ces améliorations de la production agricole ne présentent pas de risque alimentaire non contrôlable.
Le risque le plus patent est lié à la protéine néoformée par la transgenèse. Mais il est comparable au risque induit par les « nouveaux aliments » (non génétiquement modifiés) ; et il est contrôlable par des procédures analytiques très strictes bien définies aux plans national et européen.
En ce qui concerne l'environnement, le rapport de l'Académie des sciences fait état d'un travail considérable accompli ces dernières années par les institutions européennes pour élaborer des dispositions réglementaires, encadrant strictement les plantes transgéniques depuis leur mise en culture jusqu'à leur mise en vente sous forme de produits transformés. Ces directives réglementent tout particulièrement « la dissémination des plantes génétiquement modifiées », « l'étiquetage et la traçabilité », ainsi que « les denrées alimentaires et aliments pour animaux ». Dans ce nouveau cadre réglementaire, l'Académie des sciences est favorable à « une introduction raisonnée et prudente, au cas par cas, des plantes transgéniques dans l'agriculture ».
Macro- et micro-nutriments
Le génie génétique permet d'obtenir un progrès qualitatif dans la composition de l'aliment, comme l'enrichissement en fer biodisponible (la biodisponibilité naturelle du fer végétal est faible, et la carence martiale est un problème de santé publique chez les enfants, les adolescents et les femmes, même dans les pays riches), en vitamines, en antioxydants comme les flavonoïdes, en protéines (malnutrition protéino-calorique des populations du tiers monde) ou encore en acides gras polyinsaturés (prévention des maladies cardio-vasculaires).
De même, la qualité des apports glucidiques peut être améliorée : dans certaines betteraves transgéniques, le saccharose a été polymérisé en fructanes (glucides non hydrolysés avant leur arrivée dans le côlon), qui favorisent le développement des bifidobactéries, à l'origine d'acides gras à chaîne courte considérés comme bénéfiques.
Les apports protéiques et l'équilibre des acides aminés peuvent être optimisés quantitativement et qualitativement. Des biologistes moléculaires suisses ont construit de toutes pièces un gène capable de synthétiser une nouvelle protéine constituée d'un mélange équilibré des neuf acides aminés essentiels.
L'exemple du riz doré
La moitié de la population mondiale souffre de malnutrition ; des insuffisances d'apport en vitamine A et en fer peuvent entraîner cécités et anémies majeures. La frange la plus pauvre de la population asiatique, dont le riz constitue presque l'unique aliment, est frappée de plein fouet par ces maladies puisque le riz est dépourvu de vitamine A et contient très peu de fer.
Des chercheurs suisses ont créé, il y a quelques années, le « riz doré », en insérant dans le génome de la plante les trois gènes nécessaires à la fabrication du bêtacarotène, précurseur de la vitamine A, qui confère à ce riz une couleur jaune. Plus récemment, ils ont réussi à greffer cinq autres gènes destinés à accroître la disponibilité du fer, et un gène qui code pour la protéine aux neuf acides aminés.
Ce fameux « riz doré », enrichi par les techniques du génie génétique, peut améliorer le statut nutritionnel des populations du tiers-monde. Les chercheurs prévoient maintenant d'ajouter au patrimoine génétique du riz la séquence codant pour l'alphatocophérol, sachant que l'addition de vitamine E devrait accroître la teneur du riz en vitamine A. Une consommation journalière de 200 g de ce riz devrait prévenir le déficit en vitamine A responsable de cécité chez ces jeunes enfants.
Des perspectives thérapeutiques
En marge de l'amélioration de la qualité de certains aliments, le génie génétique a ouvert la voie à une grande variété de molécules à visée thérapeutique (anticorps, vaccins, hormones, enzymes, cytokines, facteurs de croissance...). Leur production se fait par cultures cellulaires en bioréacteur, ou par des plantes ou animaux génétiquement modifiés. L'utilisation des OGM en thérapeutique humaine requiert une AMM avec ses exigences habituelles de qualité, sécurité et efficacité cliniques.
Enfin, la transgenèse pourrait concerner l'« humanisation » d'organes animaux en vue de leur greffe à l'homme. Ces techniques permettraient peut-être d'éviter les phénomènes de rejet de xénogreffes et la transmission éventuelle d'agents pathogènes (présence de rétrovirus neutralisables par transgénèse).
Les recommandations des deux académies
Après une analyse approfondie des risques sanitaires pouvant résulter de l'utilisation d'OGM en alimentation et en thérapeutique humaine, les académies de médecine et de pharmacie ont émis les avis suivants :
- Il n'existe aucun risque particulier lié au mode d'obtention des OGM.
- Les risques éventuels des OGM pour la santé sont contrôlables. Le principal danger est lié aux protéines dont la synthèse est codée par le gène introduit. Mais ces risques allergiques ou toxiques potentiels peuvent être détectés avant la mise sur le marché du produit, grâce à des protocoles d'analyse nets, clairs et précis, imposés par la réglementation.
- Les avantages escomptés l'emportent sur les risques. Les OGM ouvrent en effet pour l'alimentation des perspectives très intéressantes allant vers une amélioration de la qualité des aliments .
- Les perspectives thérapeutiques sont également très prometteuses (possibilité de fabriquer avec une sécurité accrue de très nombreuses molécules, ce qui permettrait de traiter dans un futur proche des maladies actuellement incurables).
L'académie des sciences souligne que « les contraintes réglementaires qui, actuellement, limitent la recherche sur les OGM et leurs utilisations, mériteraient d'être reconsidérées, car elles mettent la France et l'Union européenne dans une position d'infériorité par rapport à d'autres pays industrialisés et elles risqueraient d'avoir des effets dommageables sur la recherche biologique et agronomique, sans avoir le moindre avantage sur la santé ».
Les académiciens plaident pour « un effort de communication très important » vers le grand public, mais celui-ci reste extrêmement réticent face à cette technologie. Cette inquiétude représente l'un des obstacles majeurs aux applications du génie génétique à l'alimentation et à la santé humaine.
L'avis des consommateurs
Aujourd'hui, les Français sont quasi unanimement hostiles aux OGM dans l'alimentation. Ils n'en comprennent pas l'utilité. Cette technologie est perçue comme potentiellement dangereuse pour la santé et l'environnement, notamment du fait d'une information insuffisante et d'un manque de recul. Elle pose également des problèmes éthiques et des interrogations quant au rapport de l'homme à la nature, notamment axées sur les risques de déséquilibre des écosystèmes et de « pollution génétique ».
Tout cela est aggravé par un contexte alimentaire lourd, après diverses crises récentes, allant de la vache folle à la listéria en passant par la salmonellose, la dioxine et autres produits potentiellement dangereux ou contaminants. Or la sécurité alimentaire, l'environnement et les OGM sont pour le consommateur des phénomènes indissociables.
Le public boude d'autant plus les aliments OGM que ceux actuellement disponibles ne sont ni meilleurs, ni moins chers, ni plus pratiques que les aliments « traditionnels ». Ils ne présentent donc aucun avantage apparent. Et il est utopique de penser convaincre les consommateurs de prendre des risques, même si ces derniers sont manifestement maîtrisés.
En revanche, le public est plutôt favorable aux perspectives thérapeutiques des OGM.
Deux sondages, réalisés par le site « OGM et Consommateurs »* en 2000 et en 2001, montrent que seulement 16 % des personnes interrogées sont plutôt favorables aux OGM alimentaires, alors que 72 % y sont plutôt défavorables ; 73 % n'ont pas changé d'opinion en un an. L'information des médias grand public sur les OGM paraît « plutôt partiale anti-OGM » à 44 % des interrogés et « plutôt objective » à 17% ; 71% des interrogés sont plutôt défavorables à la transgénèse dans le domaine de l'agroalimentaire végétal ; 81 % dans celui de l'agroalimentaire animal ; en revanche, les partisans des OGM dans le domaine médical (47 %) sont plus nombreux que leurs adversaires (36 %).
* Enquête sur le site : www.creaweb.fr, en 2000 auprès de 2014 visiteurs et en 2001 auprès de 2 197 visiteurs.
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