Les médecins libéraux, qui ont répondu depuis un mois à la consultation litigieuse de la Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF), souhaitent à 73,4 % « privilégier une solution de fermeture » de l'Allocation supplémentaire de vieillesse (ASV), avec arrêt des cotisations et paiement des droits acquis par les caisses d'assurance-maladie. Le résultat de la consultation, qui a été présenté hier aux délégués de la CARMF réunis en assemblée générale à Paris, cache des disparités selon les collèges.
La solution de fermeture a plus de succès auprès des actifs, qui supportent la charge des cotisations : 80 % des votants exerçant leur activité en secteur I et 93 % des praticiens du secteur II - qui ont à leur charge une cotisation forfaitaire annuelle trois fois plus élevée - y sont favorables. Du côté des retraités, une moitié seulement (49,94 %) privilégie la fermeture de l'ASV assortie du règlement des droits acquis par les caisses.
Si la consultation de la CARMF obtient une large majorité contre le maintien du régime (qui représente en moyenne 39 % de la retraite totale des médecins libéraux conventionnés), elle doit cependant être relativisée par la forte abstention. Sur les 169 000 affiliés de la caisse (1), seulement 61 300 - soit 36,23 % - ont voté par courrier. Il est vrai que trois centrales syndicales, la CSMF, le SML et MG France, avaient demandé aux médecins libéraux de boycotter une consultation qu'ils jugent nulle et non avenue dans la mesure où la caisse n'a aucun pouvoir de décision sur le régime ASV.
Trois organisations regroupant des retraités et des actifs (la FARA, le CNAR et le SNMCR) avaient pour leur part donné la consigne de cocher soit les deux cases de la carte réponse, soit aucune d'entre elles. L'impact de ce mot d'ordre n'a été que peu suivi, puisque la CARMF a enregistré 6,48 % de votes blancs et nuls.
Le président de la CARMF, le Dr Gérard Maudrux, interrogé par « le Quotidien » (voir ci-dessous), souligne que le taux de participation reste honorable au regard de la précédente consultation de la caisse qui avait recueilli en 1999, sans aucun boycott, un taux de réponse de 38,93 %. Malgré toutes les critiques, le Dr Maudrux n'en démord pas : sa consultation doit être prise en compte dans la négociation conventionnelle qui s'engage.
(1) On compte parmi les affiliés de la CARMF 125 600 médecins cotisants, 26 500 retraités et 17 000 veuves et invalides.
Le Dr Gérard Maudrux : un résultat clair et net
LE QUOTIDIEN
Le résultat global de la consultation ASV conforte votre idée initiale d'arrêter l'ASV.
Dr GERARD MAUDRUX
Je ne m'attendais pas quand même pas à une telle majorité. Je n'avais strictement aucune idée de la façon dont répondraient les médecins de secteur I. Le résultat signifie que les gens ont compris qu'il valait mieux arrêter les frais maintenant, essayer de se faire payer les droits déjà acquis et, pour l'avenir, essayer de penser à autre chose.
La fermeture ne veut pas dire suppression de la retraite, comme certains l'ont dit. Je crois que les gens ont compris que plus on avancerait, plus ce serait difficile de payer. Des choses ont été promises, qu'on essaye déjà de faire respecter ces promesses dès maintenant. Pour le reste, on verra.
Mais à quoi va servir ce résultat aujourd'hui ? Les syndicats médicaux - qui, avec l'assurance-maladie et l'Etat sont les décisionnaires - ne vont pas se sentir obligés de se référer à une consultation qu'ils ont appelé à boycotter.
L'opinion de la base est claire et nette. A ma connaissance, les syndicats médicaux sont les représentants de la profession. Soit ils renient leur fonction, soit ils l'assument. C'est leur problème, pas le mien.
Oui, mais ils peuvent arguer du fait que la participation est relativement faible.
La participation est toujours comme ça dans les caisses sociales. Il faut comparer ce qui est comparable. Quand vous avez des élections CARMF avec des candidats qui ont des amis, des relations, et sont connus dans chaque département, la participation est beaucoup plus forte. Le taux de participation à la consultation ASV n'est pas exceptionnel. Il aurait dû être de l'ordre de 40 % mais, du fait des appels au boycott, il est à 36,23 %. De toute façon, quelques points de participation en plus n'auraient pas inversé la tendance. Celui qui fait le reproche d'une participation insuffisante est quelqu'un qui cherche de mauvaises excuses pour se défiler.
Au bon moment
Il y a d'autres excuses possibles : vous savez que vos détracteurs ont dénoncé les mauvaises conditions de cette consultation, faute d'un débat préalable à partir de plusieurs audits.
Chacun a pu s'exprimer. La CSMF, par exemple, a adressé un argumentaire à tous les médecins dans chaque département pour essayer de démolir la consultation. Et cela fait trois ans que je parle d'un référendum sur l'ASV. Qu'on ne me dise pas que ce n'est pas opportun, que c'est fait n'importe comment, in extremis, et que les gens n'ont pas pu réellement s'exprimer. Tout ça, ce sont des faux prétextes.
Michel Chassang [le président de la CSMF, première centrale syndicale des médecins libéraux, NDLR] m'a fait remarquer que la consultation tombait mal avec le début des négociations conventionnelles et qu'il aurait mieux valu la faire plus tard. Je lui ai répondu que le référendum était décidé depuis le mois de novembre et annoncé bien avant. En outre, il me semble qu'il vaut mieux avoir l'avis de la profession avant de négocier des conventions plutôt qu'après. Je pense donc que la consultation ASV tombe au bon moment.
Mais le débat a été conduit depuis plusieurs mois par les administrateurs de la CARMF qui appartiennent en majorité au secteur II, n'est-ce-pas ?
Non, au conseil d'administration de la caisse, c'est moitié-moitié entre les secteurs I et II. D'ailleurs, lorsqu'on regarde les résultats du vote, il n'y a pas de grande différence entre les médecins des deux secteurs. Qu'on arrête un peu d'opposer le secteur I au secteur II !
Une décision politique
L'ASV est cependant moins rentable pour les praticiens libéraux de secteur II, qui payent la totalité de leur cotisation annuelle, tandis que ceux du secteur I n'en payent que le tiers.
Tout à fait. Mais les médecins du secteur I ont compris aussi qu'ils prenaient plus de risques. Si demain les caisses ne prennent plus du tout en charge les cotisations, cela ne changera rien pour le secteur II, alors que la cotisation sera triplée dans le secteur I.
La revalorisation du C à 20 euros, qui se profile à l'horizon, va-t-elle bousculer les projections chiffrées que la CARMF a annoncées pour l'ASV ?
Cela change tout à fait les calculs, parce que le montant des cotisations augmentera alors de 14 %, puisqu'elles sont indexées sur la valeur du C [la cotisation annuelle due au titre de l'ASV est égale à 180 fois la valeur du C au 1er janvier, NDLR]. Donc cela va immédiatement améliorer la trésorerie du régime ASV, les prestations versées n'étant pas indexées, elles, sur la valeur du C. Mais j'espère que le C à 20 euros ne donnera pas l'occasion aux gens attentistes de repousser encore les problèmes. Au lieu d'être en déficit technique à partir de 2003, on le sera entre 2004 et 2005, mais cela ne change pas le fond du problème.
Pour moi, la décision de supprimer ou non le régime ASV est purement politique. Si on veut, on peut. Tout dépend de la manière dont les pouvoirs publics veulent traiter les médecins. Economiquement en tout cas, la fermeture du régime a un surcoût immédiat parce qu'avec l'arrêt des cotisations, les caisses se retrouvent seules à payer les retraites des médecins. Mais, sur les vingt premières années, cela ne leur coûtera pas plus cher que le maintien de l'ASV. Au-delà, les caisses seront gagnantes.
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