LES CAMPYLOBACTERS sont la cause la plus fréquente de gastro-entérites bactériennes, notamment dans les pays industrialisés. Parmi les nombreuses espèces du genre, Campylobacter jejuni représente 80 à 90 % des agents identifiés dans les infections humaines. Leur incidence annuelle dans la population générale varie selon les pays, mais il semble qu'elle soit en augmentation dans plusieurs d'entre eux. En France, le manque de données a conduit les autorités à mettre en place, en juin 2001, un groupe de travail sur les risques alimentaires liés aux Campylobacters. Le rapport rendu public par l'Afssa concerne surtout les infections sporadiques liées à la consommation de viande de poulet, en raison de « l'existence d'un lien de causalité fort ».
En effet, ces bactéries spiralées ou incurvées à Gram négatif « ont un tropisme particulier pour le tube digestif des animaux en général, et des volailles en particulier, qui constituent sans doute le réservoir d'origine », précise le groupe d'experts, présidé par François Mégraud, du Centre national de référence (CNR) des Campylobacters (Laboratoire de bactériologie, Hôpital Pellegrin de Bordeaux).
Nombreux réservoirs.
Elles sont peu pathogènes pour l'animal. De nombreuses espèces en sont porteuses, constituant de possibles réservoirs : animaux domestiques (volaille, bovins, porcins, ovins et caprins), animaux de compagnie (chiens et chats) et animaux sauvages (oiseaux, rongeurs).
L'infection à Campylobacter est donc une zoonose et sa principale forme d'expression sont les cas sporadiques. Elle se transmet essentiellement « par ingestion d'aliments contaminés insuffisamment cuits, principalement la volaille, ou d'aliments (légumes) contaminés indirectement ».
La transmission interhumaine est rare, de même que les toxi-infections alimentaires collectives (Tiac). En cas de Tiac, les facteurs de risque semblent différer de ceux observés lors des infections sporadiques. « En France, 10 foyers de Tiac à Campylobacter ont été déclarés entre 1997 et 2000 avec 170 cas, soit 0,4 % des Tiac déclarées. Seul un foyer était familial, les autres sont survenus en collectivité », rappellent les experts. Les sources de contamination retrouvées dans ces cas sont l'eau et le lait cru. Toutefois, des contaminations croisées ont déjà été décrites, dans les restaurants ou cuisines familiales, lors de la préparation d'autres aliments (légumes qui vont être consommés crus) avec de la volaille non encore cuite ou via la planche à découper ou le plan de travail.
Selon les membres du groupe de travail, la part des campylobactérioses dans les Tiac est sans doute sous-estimée.
D'une part, parce que les Tiac déclarées sont plus souvent des Tiac de grande ampleur et rarement les Tiac familiales où sont impliqués les Campylobacters. Contrairement aux salmonelles, ils ne peuvent se multiplier dans les aliments. D'autre part, le diagnostic d'infection à Campylobacter présente des difficultés. D'abord d'ordre technique, chez l'animal et chez l'homme, mais aussi parce que les laboratoires ne la recherchent pas de manière systématique, comme c'est la cas pour la salmonelle, et que les praticiens ne pensent pas à en demander la recherche lors de la prescription de coprocultures. Enfin, la durée d'incubation longue (1 à 10 jours) entre le moment de la contamination et l'apparition des signes ne facilite pas le diagnostic.
Chez l'homme, l'infection se traduit par une entérite aiguë. En moyenne 3-4 jours après l'ingestion de l'aliment contaminé apparaissent une fièvre modérée, des douleurs abdominales associées à une diarrhée, parfois avec présence de sang dans les selles. Les signes généraux (asthénie, anorexie, céphalées) sont moins intenses que lors d'infections à Salmonella ou Shigella. Les complications locales (appendicite, péritonite, cholécystite, voire hépatite et pancréatite) sont exceptionnelles. Peu fréquentes les bactériémies et septicémies avec localisations secondaires (endothélium vasculaire, os, articulations ou méninges) sont possibles.
Syndrome de Guillain-Barré.
Dans moins de 1 % des cas, on peut redouter un syndrome postinfectieux à type d'arthrite réactionnelle, d'érythème noueux, d'urticaire mais surtout de syndrome de Guillain-Barré (paralysie flasque avec aréflexie et dissociation albumino-cytologique dans le liquide céphalo-rachidien). Réputé réversible, le syndrome peut être très sévère, avec une mortalité estimée à 2-3 % des cas et des séquelles neurologiques présentes dans 20 % des cas.
Cette gravité potentielle, couplée à l'émergence d'une résistance des Campylobacters aux fluoroquinolones au cours de cette dernière décennie - depuis 1998 l'évolution reste stable - rend nécessaire un renforcement de la surveillance. En avril 2002, le réseau d'épidémiosurveillance s'est élargi, incluant 250 laboratoires. Les souches sont étudiées par le CNR et l'analyse épidémiologique, réalisée par l'InVS.
Les experts recommandent également de rendre systématique la recherche de Campylobacter dans les coprocultures. Aujourd'hui, l'examen n'est en pratique recommandé qu'en cas de diarrhée avec séjour en zone tropicale, de diarrhée invasive, de Tiac et de diarrhée chez un patient infecté par le VIH.
Les mesures visant à diminuer la contamination des volailles par C. Jejuni sont complétées par des recommandations en direction des consommateurs. Ils devront, par exemple, éviter le « carpaccio de volaille », cuire complètement les morceaux de volaille au barbecue. Enfin, au réfrigérateur ou lors de la préparation, ils devront veiller à séparer les viandes crues des autres aliments.
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