Oliver Smithies: daltonien, désordonné et découvreur
Oliver Smithies est né en 1925 à Halifax en Grande-Bretagne. Son père, qui n'avait pas fait d'études supérieures, travaillait comme courtier en assurances, sa mère enseignait dans un collège technique. Dès son plus jeune âge, il décida de devenir inventeur, et il mit au point un haut-parleur en utilisant une vessie de porc tendue sur un cadre en bois. Dans la petite ville de 90 000 habitants où il était né, il a fait partie des 90 enfants sélectionnés sur leurs tests de QI pour intégrer une école élitiste de conception victorienne et qui offrait la possibilité de poursuivre des études à Oxford ou Cambridge. Grâce à une bourse, il put rejoindre l'université d'Oxford pendant les premières années de la Seconde Guerre mondiale. Il étudia la physiologie et la biochimie jusqu'en 1951. Il qualifia son sujet de travail, « L'interaction des protéines par la mesure de la pression osmotique », comme totalement inutile, mais lui ayant donné la satisfaction d'avoir résolu un problème. Son tuteur, le Dr Ogsden, lui demanda ensuite d'aller étudier à l'étranger et lui conseilla les Etats-Unis, pays qui n'attirait absolument pas le chercheur. Inscrit à l'université du Wisconsin, il rencontra le Dr Louise Kitze qui devint sa première femme. A cette époque, et en dépit d'un daltonisme sérieux, il décida de passer une grande partie de son temps libre à apprendre le pilotage d'avions. Son travail de recherche, qu'il poursuivit à partir de 1953 à Toronto pour des raisons de visa, avait pour thème : « La caractérisation des protéines constituant l'insuline par électrophorèse » – il est considéré comme le découvreur de la technique d'électrophorèse sur gel. Il devint ensuite généticien et retourna dans le Wisconsin. Sa future carrière fut marquée par la lecture d'un article de Goldfarb et Wigler en 1982 qui faisait état pour la première fois de l'existence d'oncogènes. Il a donc eu l'idée de développer des manipulations de l'ADN afin de reproduire l'effet de ces oncogènes, et ce n'est qu'au meilleur des années 1980 qu'il a eu l'idée d'appliquer cette technique aux cellules souches découvertes par Martin Evans. Il a poursuivi ce travail à partir de 1988 à l'université de Caroline du Nord où il a été muté avec sa seconde femme, le Dr Madea.
Ses proches le décrivent comme pilote passionné, désordonné, ne mangeant jamais chez lui, plus intéressé par son travail que par la vie sociale, à l'exception du samedi, qui doit rester un jour de liberté de création. Interrogé sur le prix Nobel, il dit que «cette distinction signifie que son nom restera pour quelque chose qui a aidé les autres gens» et qu'il «est ravi d'être le lauréat, parce qu'il est heureux d'être associé avec ses colauréats».
Martin Evans: l'influence de Jacques Monod
Sir Martin Evans est né en 1941 dans le Gloucestershire (Grande-Bretagne). A 4 ans déjà, il était passionné par les subtilités de la fabrication du ciment. Ses parents lui avaient interdit de s'approcher des matériaux de construction en raison des dégâts collatéraux causés par ses recherches. C'est tout naturellement que, lorsqu'il a été admis à Cambridge, il a choisi d'étudier la chimie et la chimie organique. Son tuteur, le Dr David Coombs, l'a ensuite orienté vers la biochimie et, en 1963, son travail s'est focalisé sur l'ARN messager. Il a suivi les séminaires organisés par le Pr Jacques Monod sur l'induction de Lac-Z, et il décrit cette rencontre comme une véritable révélation. Il se souvient aussi avoir suivi les séminaires de Sidney Brenner assis par terre tellement les classes étaient pleines d'étudiants passionnés. Après avoir passé ses examens de fin de collège, il a travaillé à Londres dans le département d'anatomie et d'embryologie de l'université sur le contrôle génétique de développement des vertébrés. Durant ces années de recherche sur les modifications de l'ARN messager au cours de l'induction neurale chez Xenopus, il utilisa des techniques d'électrophorèse et de marquage métabolique. Il choisit ensuite de travailler sur des cultures de cellules souches de tératocarcinomes dans le dessein de réaliser des manipulations génétiques. Il fut le premier à obtenir des cultures cellulaires de ce type et à montrer que, dans des conditions particulières, ces cultures pouvaient donner naissance à des cellules différenciées, phénomène qui se produit durant l'embryogenèse. A son retour à Cambridge, en 1981, il réussit en collaboration avec Matt Kaufman à isoler des cellules souches d'embryons de souris. Le terme de cellules souches embryonnaires a été utilisé après la publication d'un article cosigné par Liz Robertson et Allan Bradley sur la genèse d'une souris viable à partir d'une cellule souche. Aujourd'hui anobli, Martin Evans travaille comme professeur de génétique à l'université de Cardiff depuis 1999. Il est marié et père de 3 enfants. Il dit du prix Nobel que «c'est l'apogée d'une carrière et d'un travail qui a permis de mieux comprendre le génome humain».
Mario Capecchi: la résilience au service de la science
L'histoire de Mario Capecchi débute bien avant sa naissance. Sa grand-mère, peintre née dans l'Oregon, a décidé de s'installer avec ses trois enfants à Florence. Sa mère, poétesse, a vécu en France pendant quelques années avant de repartir en Italie du Nord, afin de vivre avec le jeune Italien de l'armée de l'air qu'elle a rencontré au milieu des années 1930. Elle a choisi de ne pas se marier et a donné naissance à Mario en 1937. Se sachant recherchée par la Gestapo, elle a donné tous ses biens à une famille de fermiers en échange de soins à son fils lorsqu'elle a été déportée à Dachau. Jusqu'à l'âge de 4 ans et demi, il a vécu auprès de la famille choisie par sa mère, mais il a été chassé lorsque les finances sont venues à manquer. Entre 1941 et 1945, il a erré dans les rues, a fait partie de bandes et n'a eu aucun contact avec sa famille. A la fin de la guerre, il a été hospitalisé en raison d'une malnutrition sévère pendant une année. Sa mère qui avait été libérée a mis neuf mois à le retrouver. Moins d'une semaine après, ils ont pris un bateau pour émigrer aux Etats-Unis où vivaient les oncles et tantes de Mario. Arrivé en Pennsylvanie, où l'un de ses oncles quakers les avait accueillis, il a été intégré dans une classe d'enfants de 9 ans dont il ne parlait pas la langue. Pendant un trimestre, il a dessiné une fresque murale pendant que les autres enfants suivaient leurs cours habituels. En trois mois, il a parlé et lu l'anglais. Sa matière de prédilection en classe restait le sport, mais il était aussi assez doué en mathématiques et en physique. Il a étudié la chimie et la physique au collège dans l'Ohio, avant d'être admis dans un laboratoire de recherche à Harvard, où il a passé son doctorat en biophysique sous la tutelle du Dr James Watson. Il a travaillé sur la chromatographie, l'analyse des propriétés physiques de l'ADN, et a imaginé inclure des morceaux d'ADN à des noyaux cellulaires. En 1984, il a rencontré d'autres chercheurs en cellules souches et il a effectué un séjour de travail chez Martin Evans en 1985. Il a ensuite imaginé qu'il était possible de réparer les gènes en utilisant une méthode d'échange d'informations génétiques, ce qui lui a valu l'obtention du prix Lasker en 2001 avec ses colauréats du prix Nobel. Il travaille aujourd'hui sur la famille des gènes homéotiques qui jouent un rôle déterminant sur le développement embryonnaire chez l'animal. Il explique que le Nobel est «un honneur merveilleux pour le personnel qui travaille au laboratoire de même que pour l'université». Il indique aussi qu'il compte poursuivre son travail pendant les vingt prochaines années. Mario Capecchi est marié à Laurie Fraser qui élève des chevaux ; il a une fille, Mischa.
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