Refus de soins

La Conférence nationale de la Santé réclame la légalisation du testing

Publié le 12/06/2010
Déçues que le testing ne soit pas reconnu par la loi « HPST » comme une preuve de refus de soins, les associations de patients ont trouvé un allié. Dans un long avis sur les refus de soins, la Conférence nationale de la santé que préside Christian Saout rappelle, chiffres à l’appui, la réalité du phénomène. Mais elle plaide aussi pour un dispositif de prévention et de répression renforcé à l’égard des blouses blanches qui seraient convaincues de discrimination de patients.

Crédit photo : ©PHANIE SPL

La Conférence nationale de la Santé ne désespère pas de faire légaliser le « testing » pour faire la preuve des refus de soins chez les professionnels de santé. La légalisation de ce procédé -que figura un temps dans le projet de loi HPST- figure parmi ses récentes propositions. Dans un long avis sur le sujet, la CNS que préside Christian Saout rappelle d’abord des données chiffrées mises en évidence les mois où les années passées, afin de prouver que le phénomène des refus de soins n’est pas qu’un procès d’intention vis-à-vis des blouses blanches. Ainsi de l’enquête réalisée par le Fonds CMU en 2006, qui concluait à des taux de refus de prise en charge de cette catégorie d’assurés allant de 4,8 % chez les généralistes à 41 % chez les spécialistes et 39 % chez les dentistes. Elle reprend aussi la moyenne évaluée par une enquête de Médecins du Monde la même année : un taux de refus global de 37 % pour les bénéficiaires de l’aide médicale d’État (AME) et de 10 % chez les bénéficiaires de la CMU. Ou encore, l’étude de l’Irdes de 2009, qui estimait à 25,5 % le taux de refus de soins à Paris à l’égard de la population CMU, toutes disciplines confondues.

Partant de là, la Conférence Nationale de la Santé fait donc des recommandations insistantes aux pouvoirs publics. À commencer par les plus « softs » : selon elle, « un effort de pédagogie et d’information pour renforcer la confiance entre les acteurs » s’impose au plus près du terrain. À ce titre, elle suggère l’adoption dans chaque région d’une « charte des droits et obligations des professionnels de santé et des patients bénéficiaires de la CMU-C », qui pourrait être élaborée par les futures URPS et les représentants des usagers. Le rapport de la CNS suggère fortement aussi aux ARS d’intégrer un volet lutte contre les refus de soins dans le « projet régional de santé » que chacune de ces agences doit élaborer pour 2 011.

Testings et « aménagement » de la charge de la preuve

Incitation, mais aussi répression. Au titre des outils juridiques à développer, l’avis de la CNS demande donc de légaliser le testing, ces opérations de prise de rendez-vous « bidons » par un faux bénéficiaire de minima social, pour mesurer la réaction de telle ou telle blouse blanche au téléphone. L’objectif est de pouvoir confondre ceux qui refuseraient de soigner tel ou tel patient. On se souvient que l'article 18 du projet de loi « HPST » prévoyait que des tests aléatoires pourraient être utilisés (par des caisses ou par des associations) auprès des médecins, afin de « démontrer l'existence du refus discriminatoire », à l’égard d’un titulaire de Couverture maladie universelle (CMU), de l'Aide médicale de l'État (AME) ou en raison notamment de ses moeurs, son origine ou son sexe. Finalement, le gouvernement y avait renoncé, devant l’hostilité du corps médical, mais au grand dam des associations de patients.

La CNS suggère aussi « d’aménager la charge de la preuve » pour que toute la preuve d’une discrimination dans l’accès aux soins ne repose pas sur la personne qui s’en estime victime. Là encore, il s’agit de remettre au goût du jour une des audaces du projet "HPST" finalement oubliée devant l’opposition des syndicats de médecins. La Conférence de la Santé se prononce aussi pour « l’autorisation du plaider pour autrui », autrement dit pour que les associations puissent, non seulement poursuivre tel ou tel praticien en justice au nom d’assurés lésés, mais aussi obtenir pour eux des indemnités de préjudice.

Roselyne Bachelot doit être maintenant destinataire de cet avis de la CNS. Mais -forte de l’unanimité qui a prévalu en son sein pour l’adoption de ce rapport- la Conférence Nationale de la Santé manifeste une ferme volonté d’aboutir. Quitte à prendre Roselyne Bachelot au mot, en rappelant que celle-ci a dit à plusieurs reprises que 2011 serait l’année du respect des droits des usagers...

Paul Bretagne

Source : lequotidiendumedecin.fr