LA CLARTE NUCALE (CN) est une image échographique correspondant à un espace anéchogène, situé, sur une coupe de profil du fœtus, entre les tissus mous qui recouvrent le rachis cervical et la peau fœtale. La mesure de cette CN est actuellement bien codifiée et fait partie du cahier des charges de l'échographie du premier trimestre de la grossesse réalisée entre 11 semaines et 13 semaines et 6 jours d'aménorrhée tel qu'il a été défini par le rapport du Comité national technique de l'échographie de dépistage prénatal (avril 2005).
Comme pour la plupart des variables biologiques, la notion de CN élevée correspond à une définition statistique, c'est-à-dire à une mesure supérieure au 95<+>e<+> percentile pour l'âge de la grossesse, autrement dit 5 % des grossesses. Ainsi la taille de la clarté nucale est fonction de l'âge du fœtus, ou plus précisément de sa longueur cranio-caudale qui est plus objective. Rappelons que 11 semaines d'aménorrhée correspondent à une longueur cranio-caudale de 45 mm et 13 semaines et 6 jours d'aménorrhée à une longueur de 84 mm. « On tient compte de cette longueur cranio-caudale et non de l'âge théorique de la grossesse qui est parfois incertain. Il est préférable de rapporter une mesure objective à une autre mesure objective », estime le Pr Claude d'Ercole. Pour une longueur cranio-caudale de 45 mm, le 50<+>e<+> percentile, c'est-à-dire la médiane des clartés nucales, est de 1,2 mm et le 95<+>e<+> percentile est de 2,1 mm, le 99<+>e<+> percentile de 3,5 mm. Pour une longueur cranio-caudale de 84 mm, le 50<+>e<+> percentile de clarté nucale est de 1,9 mm, le 95<+>e<+> de 2,7 mm et le 99<+>e<+> de 3,5 mm.
Or, on a observé que le risque d'anomalies fœtales, chromosomiques ou non chromosomiques, augmentait proportionnellement à l'élévation de la mesure de la CN. Ce marqueur a d'abord été utilisé, associé à l'âge et aux marqueurs sériques (HCG, alpha-fœtoprotéine +/- estriol), pour dépister les anomalies chromosomiques. « Le risque personnel d'une patiente peut ainsi être calculé, explique le Pr d'Ercole. Si la patiente le souhaite, il est donc possible avec la combinaison de ces différents tests de calculer un risque personnel d'anomalies chromosomiques fœtales. Il s'agit cependant de dépistage et non de diagnostic, fournissant simplement une probabilité. A partir de cette évaluation du risque, on discute avec la patiente pour savoir si elle souhaite un test diagnostique, amniocentèse ou biopsie de trophoblaste permettant la réalisation d'un caryotype fœtal. La patiente doit être informée du risque de perte fœtale lié à la réalisation de ces prélèvements invasifs, qui est de l'ordre de 0,5 à 1 %. » Toutes sortes d'anomalies chromosomiques peuvent être retrouvées ; la plus fréquente étant la trisomie 21. « Le risque de malformation fœtale dans la population générale se situe entre 2 à 4 % et seule une partie est liée à l'existence d'anomalies chromosomiques. La plupart de ces anomalies sont donc d'origine non chromosomique et leur risque de survenue est également plus élevé en cas de CN élevée, ajoute le Pr d'Ercole ». Dès lors, que faire en cas de clarté nucale élevée avec caryotype normal ? Y a-t-il un risque
malformatif ? Si oui, lequel ? Et comment le gérer ?
La littérature internationale.
Quelques publications relativement récentes permettent désormais de répondre à ces questions (*). En réalité, le risque d'anomalies non chromosomiques paraît s'élever de façon significative à partir du 99e percentile (3,5 mm) et ce, de façon proportionnelle à cette mesure. Les clartés nucales entre les 95 et 99<+>es<+> percentiles - correspondant à 4 % des grossesses et à 80 % des clartés nucales « élevées » - sont associées à un risque d'anomalies non chromosomiques de 7 % (93 % des enfants naissent vivants et sans handicap), ce risque étant de 3 % dans la population générale (avec 97 % d'enfants normaux). « L'augmentation du risque est donc faible, constate le Pr d'Ercole. Au-delà du 99<+>e<+> percentile, les chiffres sont moins bons : une clarté nucale de 3,5 mm à 4,5 mm est associée à 30 % d'anomalies (et 70 % d'enfants normaux) ; une clarté entre 4,5 et 5,4 mm, à 50 % d'anomalies et 50 % d'enfants sans handicap ; une clarté entre 5,5 et 6,4 mm, à 70 % d'anomalies et 30 % seulement d'enfants normaux. » Les malformations non chromosomiques sont très diverses ; il peut s'agir de plusieurs syndromes génétiques rares, de malformations cardiaques, d'ostéochondrodysplasies, etc.
« Aussi, face à une clarté nucale supérieure au 95<+>e<+> percentile et inférieure au 99<+>e<+>, avec un caryotype normal, il faut savoir rassurer le couple, puisque la très grande majorité des enfants à naître seront parfaitement normaux », note le Pr d'Ercole. « Une nouvelle échographie peut être proposée vers 15-17 SA puis à 22 SA. Si ces échographies ne montrent pas d'anomalie, le risque de malformation rejoint quasiment celui de la population générale. »
Les nuques supérieures au 99<+>e <+>percentile.
Deuxième éventualité, la clarté nucale est supérieure au 99<+>e<+> percentile ; ceci concerne 1 % des grossesses. Le risque d'anomalies chromosomiques et non chromosomiques est plus important. Le caryotype est proposé ; s'il est normal, le risque résiduel de décès ou d'anomalies non chromosomiques varie de 30 à 70 % en fonction de l'importance de la mesure de la CN. « Une échographie intermédiaire est également proposée à 15-17 SA pour rechercher une malformation et suivre l'évolution de l'épaisseur de la nuque. Si cette échographie ne trouve pas d'anomalie, un contrôle est pratiqué à 22 SA. Il est également légitime de proposer une échocardiographie spécialisée en raison de la prévalence élevée des malformations cardiaques dans cette catégorie et de la difficulté de l'étude morphologique du cœur fœtal. Si, au fil de ces examens, aucune anomalie n'est mise en évidence et si l'épaisseur nucale a régressé, le risque résiduel de malformation fœtale devient proche de celui de la population générale. »
En conclusion, la mesure de la clarté nucale est un élément essentiel du dépistage de la pathologie fœtale chromosomique ou non chromosomique. Lorsqu'une patiente souhaite un dépistage d'anomalie chromosomique, il est actuellement souhaitable d'intégrer la mesure de la CN à l'âge maternel et aux marqueurs sériques pour fournir l'évaluation la plus pertinente de ce risque, c'est-à-dire permettre un dépistage sensible tout en évitant un grand nombre de prélèvements inutiles. En cas de CN élevée (> 95e percentile) et de caryotype normal, la très grande majorité de ces enfants seront strictement normaux. Le risque résiduel d'anomalie est alors proportionnel à l'élévation de la mesure de la CN et concerne surtout les
CN > 99 è percentile (3,5 mm). Un suivi échographique adapté permet cependant de dépister une grande partie de ces anomalies.
Athena P. Souka et al. Increased nuchal translucency with normal karyotype. American Journal of Obstetrics and gynecology (2005) 192, 1005-21
K.H. Nicolaides Screening for chromosomal defects, Editorial. Ultrasound Obstet Gynecol 2003 ; 21 : 313-321
Kypros H. Nicolaides Nuchal translucency and other first trimester sonographics markers of chromosomal abnormalities. American Journal of Obstetrics and Gynecology (2004) 191, 45-67.
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