Le dernier Panorama du risque médical des établissements de santé de la Sham1 révèle une progression annuelle des réclamations de plus de 5 % depuis 1998 et une augmentation des coûts2 des sinistres pour les indemnités fixées par les juridictions administratives de 34 %, chaque année, et cela depuis cinq ans. Les spécialités chirurgicales3 représentent plus de la moitié des décisions ayant retenu une responsabilité des établissements des sinistres, largement devant le passage aux urgences et en réanimation (15 %), l’hospitalisation dans les services de médecine (11 %) notamment la cardiologie, l’hépato-gastro-entérologie, la cardiologie, la pédiatrie/néonatologie et la psychiatrie.
Les fondements de la RC médicale
Dès 1936, l’arrêt Mercier4 substitue un fondement contractuel au fondement délictuel de la responsabilité du médecin. En abandonnant le délit, il fonde les relations médecins/malades en termes de contrats, avec sa fameuse obligation de moyens pour le praticien. Durant la deuxième moitié du XXe siècle, le contentieux de la responsabilité médicale a pris une part grandissante dans l’activité judiciaire. La jurisprudence judiciaire pose le principe de la nécessité de la preuve de la faute du médecin pour engager la responsabilité civile de ce dernier. L’octroi des dommages et intérêts pour les malades qui avaient été victimes d'un accident médical n’était possible que s’il existait le trépied : « faute, dommage direct et personnel, lien de causalité entre les deux. » En revanche, il appartenait au patient d’apporter la preuve du manquement à l’obligation de moyens5.
La judiciarisation et la résolution des conflits
En matière de jurisprudence administrative (établissements publics), l’arrêt Gomez de la cour administrative d’appel en 1990 consacré trois ans plus tard par l’arrêté Bianchi du Conseil d’État admet la notion de responsabilité sans faute des établissements hospitaliers. Ce qui permet l’indemnisation d’une victime en cas de thérapeutique nouvelle et à condition que le dommage soit anormalement grave. Enfin, l’arrêt Perruche en 20006 accentue les difficultés de l’assurance en responsabilité civile (RC) médicale. La loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a mis un frein à une tendance à la dérive indemnitaire, conséquence de jurisprudences de plus en plus favorables aux victimes. Cette loi réaffirme la nécessité de faute à l’origine de la responsabilité des médecins. La responsabilité sans faute est maintenue dans deux cas : en raison des produits de santé et en cas d’infections nosocomiales pour les établissements de santé. La loi du 4 mars 2002 rend, certes, obligatoire la souscription du médecin à une assurance en responsabilité professionnelle. Elle soulage, cependant, le dommage de l’assurance de la réparation des conséquences graves de l’aléa thérapeutique en la confiant à la solidarité nationale7. Ce qui incite les compagnies à vaincre leur réticence à assurer les médecins considérés comme ayant une pratique à haut risque (chirurgie, obstétrique, anesthésie…).
2010, la troisième voie de conciliation en progression
Si le bon fonctionnement du marché de l’assurance a été rétabli, une nouvelle voie de règlements des dossiers d’accidents médicaux est venue assouplir les procédures. La procédure devant les commissions régionales de conciliation et d’indemnisation (CRCI) créées par la loi Kouchner prend progressivement sa place entre la voie classique du règlement à l’amiable et la démarche judiciaire. La Sham observe, pour les établissements de santé, une baisse annuelle de 6 % du nombre de décisions rendues par les juridictions administratives. Un excellent signe.
2. 191 millions d’euros pour 12 380 réclamations liées à des préjudices corporels et matériels.
3. L’orthopédie (31 %) est la première spécialité mise en cause, devant l’obstétrique (10 %), la chirurgie viscérale (9 %), la gynécologie (6 %) et la neurochirurgie (6 %).
4. Arrêt rendu par la Cour de cassation le 20 mai 1936.
5. Conception de l’acte, réalisations techniques, continuité de soin…
6. Indemnisation pour le « Préjudice d’être né ».
7. Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam), établissement public à caractère administratif de l’État placé sous la tutelle du ministre chargé de la Santé.
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