LE PRÉSIDENT SARKOZY avait donné carte blanche, fin août, à la commission Attali pour se lancer dans un grand brainstorming en vue d'une «libération de la croissance française». Les 44 membres de la commission, issus d'horizons divers et d'affinités politiques tout aussi différentes, vont remettre ce matin officiellement leur copie finale au président de la République et au Premier ministre.
Après avoir planché tambour battant sous la houlette de l'ex-conseiller spécial de François Mitterrand, la commission a retenu quelque «300 décisions pour changer la France» et plus particulièrement «20décisions fondamentales», qui seraient applicables à court terme et serviraient 8 «ambitions» fortes pour notre pays (voir encadré). L'ensemble des mesures préconisées par la commission permettraient d'obtenir notamment en 2012 «une croissance potentielle de 1 point plus élevée qu'aujourd'hui», un taux de chômage ramené à 5 % de la population active, une dette publique diminuée à 55 % du PIB, et une réduction d'un an de l'écart d'espérance de vie entre les plus favorisés et les plus démunis. Le rapport Attali pose néanmoins deux conditions de taille. D'une part, les décisions doivent impérativement être prises entre avril 2008 et juin 2009. D'autre part, elles ne porteront leurs fruits que «si l'environnement économique international ne se dégrade pas». «Ce que vous proposerez, nous le ferons», avait déclaré le chef de l'Etat en installant la commission Attali. Le rapport souligne que ce sera tout ou rien, puisque les mesures défendues forment un ensemble et «ne peuvent être prises isolément, ni constituer une boîte à idées où chacun viendrait picorer à sa guise».
Cependant, au vu du calendrier resserré qui est choisi, et compte tenu du libéralisme décoiffant de certaines mesures, il est permis de douter de la réalisation intégrale des recommandations présentées aujourd'hui. Même le chef de file des députés UMP à l'Assemblée nationale, Jean-François Copé, a tempéré l'ardeur réformatrice de la commission Attali en rappelant dès lundi sur i-Télé qu'il fallait aussi étudier les choses «en termes de faisabilité». «Tout cela, c'est bien gentil, mais on ne pourra pas ouvrir tous les fronts en même temps», a averti cet élu UMP.
Trois types de décisions.
Selon la commission, la lutte contre l'endettement passe par une diminution drastique de la part des dépenses publiques dans le PIB (de 1 % à partir de 2009), correspondant à une coupe sombre de 20 milliards d'euros par rapport à la tendance par an, pendant cinq ans. «Pour les dépenses de Sécurité sociale, la stabilisation résultera de la conjonction de trois types de décisions», explique la commission, qui pense surmonter la question du dérapage structurel des prestations liées au vieillissement démographique.
Une même loi de finances pour l'Etat et la Sécu.
Les experts de la croissance misent tout d'abord sur «la rénovation des règles de gouvernance (une seule loi de finances pour l'Etat, la maladie et la famille, la mise en place de crédits limitatifs pour la maladie) , la mise sous condition de ressources des allocations familiales [comme sous le gouvernement Juppé, NDLR] et une franchise plafonnée proportionnée aux revenus, restant à la charge des assurés, pour les dépenses d'assurance-maladie». Enfin, la commission plaide en faveur d'un «effort significatif de productivité du système de soins tant pour l'hôpital, la médecine de ville que le médicament».
Autre type de mesure très audacieuse : l'ouverture très large à la concurrence de professions réglementées telles que les pharmaciens et les vétérinaires «sans nuire à la qualité des services rendus».
La commission Attali considère que trop de réglementation a «un effet négatif sur l'activité et le niveau des prix», d'où l'existence de «rentes» au détriment des consommateurs. Son rapport suggère en particulier de supprimer le numerus clausus d'installation pour les pharmaciens et de maintenir le monopole des officinaux seulement pour les médicaments prescrits sur ordonnance, comme en Italie. Cela suppose un revirement de la politique du gouvernement en la matière, puisque la ministre de la Santé vient de rassurer les pharmaciens d'officine sur la pérennité de leur monopole en autorisant seulement la vente de produits d'automédication en libre-service devant leurs comptoirs. Tout changement de cap dans ce domaine ravirait entre autres la Mutualité française, qui plaide depuis longtemps en faveur d'une plus grande concurrence dans la distribution des médicaments. En revanche, il se heurterait bien sûr de manière frontale aux pharmaciens d'officine.
Augmentation de la CSG et TVA sociale.
Enfin, le rapport Attali remet au goût du jour, à sa manière, la TVA dite sociale. Afin de «réduire le coût du travail pour toutes les entreprises» et favoriser l'emploi, les experts en croissance veulent basculer 13,7 milliards d'euros de cotisations salariales et patronales vers la contribution sociale généralisée (CSG, qui serait majorée de 0,6 point) et la TVA (dont le taux normal passerait de 19,6 % à 20,8 %). «Le recours à une palette de prélèvements (CSG, TVA) » devrait permettre, selon le rapport, de «limiter les effets potentiellement antiredistributifs et inflationnistes qu'aurait pu avoir une TVA sociale». Le PS s'est déjà inquiété de l'éventualité de tels prélèvements supplémentaires.
Reste à savoir si Nicolas Sarkozy lui-même sera plus convaincu de la pertinence de cette mesure. En effet, lors de sa dernière conférence de presse (« le Quotidien » du 10 janvier), il avait plutôt pris ses distances avec le projet impopulaire de TVA sociale…
Pour en savoir plus sur le site web de la commission Attali : www.liberationdelacroissance.fr et www.ladocumentationfrancaise.fr.
Le poids de la santé dans l'économie
LE POIDS du secteur de la santé dans l'économie française est aisément mesurable par quelques chiffres clés :
– En 2006, le montant total des dépenses de santé s'est élevé à 198,3milliards d'euros, soit 11% du PIB, selon les derniers comptes nationaux de la santé (publiés en septembre 2007). Sont inclus dans ce montant total : les soins et la prévention, les dépenses de recherche et de formation médicales, les coûts de gestion, ce que payent respectivement la Sécurité sociale, l'Etat, les collectivités locales, les organismes de couverture complémentaire (mutuelles, assureurs...) et les ménages.
La seule consommation de soins et de biens médicaux a représenté 156,6milliards d'euros en 2006.
– Près de2millions de personnes, soit environ 9% de la population active française, travaillent dans le secteur sanitaire : professionnels de santé, industries du médicament ou des dispositifs médicaux...
– Le rapport Attali pointe le retard de la recherche clinique hexagonale : «Quand les Etats-Unis y consacrent 48milliards d'euros (0,41 % du PIB) , la France n'y consacre que 5milliards d'euros (soit 0,28 % du PIB). »
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