LA VIOLENCE des critiques négatives publiées ici et là contre cette production est assez étonnante. Comme si Bernard-Marie Koltès était un auteur que seuls certains metteurs en scène avaient le droit d'approcher. Comme si Muriel Mayette et les acteurs qu'elle a réunis étaient illégitimes.
On ne peut admettre tel procès et rien ne saurait transformer notre sentiment face à cette production. C'est un bon travail, d'autant plus intéressant qu'il ne craint pas le caractère de comédie de cette pièce et si nous pouvons juger que certains personnages ou certaines scènes sont traités d'une manière un peu trop burlesque, l'ensemble du spectacle est fidèle à l'esprit de Bernard-Marie Koltès.
L'action se situe dans les années soixante, dans une ville de l'est de la France. Une femme revient après quinze ans passés en Algérie. Pour récupérer son héritage, la maison familiale. Pour régler quelques comptes avec les notables qui, à la Libération, l'ont tondue. Dans la maison est installé son frère, qui a repris l'usine familiale actuellement en difficulté. Le fond politique est présent : des bombes explosent, l'OAS agit. Le serviteur de la maison, Aziz, sera tué dans un café.
Chez Koltès, il y a toujours du miraculeux. Des morts qui parlent, des apparitions. Et il y a tout cela dans « le Retour au désert ». C'est un charme, c'est une manière de briser les conventions d'une comédie et de nous répéter que, sans doute, la vraie vie est ailleurs, comme le savent ici les adolescents, les enfants qui rejouent les chamailleries frère/soeur de leurs aînés.
Dans un beau décor d'Yves Bernard (un grand ciel en cyclo et des éléments mobiles pour les murs de la maison, rien d'enfermé), Muriel Mayette s'appuie sur une distribution forte. C'est Martine Chevallier qui interprète la vengeresse. Elle est intense et subtile à la fois. Face à elle, Bruno Raffaelli impose sa grande stature et joue la faiblesse du personnage avec finesse. Toute la troupe, et citons notamment Catherine Hiegel, Catherine Sauval, Michel Vuillermoz, est au meilleur d'elle-même et, si le metteur en scène traite peut-être d'une manière trop cocasse les notables qui sont aussi les poseurs de bombe, on soulignera que pour attachant soit le monde de Koltès, « le Retour au désert » n'est pas la grande pièce sur la France des années soixante dans ses rapports avec l'Algérie. François Koltès, frère et ayant droit, regrette que le rôle d'Aziz ne soit pas tenu par un comédien maghrébin. Michel Favory est excellent.
Bien sûr, il y a d'autres façons d'aborder cette pièce. Mais, tel quel, le spectacle ne trahit pas Koltès qui, rappelons-le, avait des liens forts avec la Comédie-Française : au Petit-Odéon, c'est Jean-Luc Boutté qui mit en scène Richard Fontana dans « la Nuit juste avant les forêts » et « Quai Ouest » fut une commande de l'administrateur Jacques Toja. Catherine Hiegel et Jean-Paul Roussillon la créèrent, avec d'autres acteurs, à Nanterre-Amandiers sous la direction de Chéreau.
Comédie-Française, salle Richelieu, en alternance jusqu'en juin. Durée : 2 h 15 sans entracte (08.25.10.16.80).
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature