ELLE : Georgette Agutte (1867-1922), artiste indépendante et non conformiste aux toiles débordant de couleurs, la seule élève femme (qui eut pour maître Gustave Moreau) à fréquenter l'Ecole nationale supérieure des beaux-arts à la fin du XIXe siècle, saluée par Guillaume Apollinaire.
Lui : Marcel Sembat (1862-1922), homme politique de gauche, élu député à 30 ans, réformiste, ministre des Travaux publics de 1914 à 1916, mais également critique d'art (on lui doit la première monographie sur Matisse), journaliste, chroniqueur judiciaire à « la République française », le journal de Léon Gambetta.
Elle et lui : une passion en commun pour l'art moderne et une passion tout court, un amour fou qui se couronne par un mariage en 1897.
A promener ses pas dans les salles du musée de Grenoble, on ne peut s'empêcher de penser à la romanesque histoire d'amour qui unit toute une vie ces deux créatures. Georgette et Marcel passèrent toute leur existence à collectionner, avec passion, élan, dévotion et sagacité. Des peintres néo-impressionnistes d'abord : Signac, Cross, Van Rysselberghe et Luce. Et puis les fauves, beaucoup de fauves. Matisse (le couple acquit cinq peintures, cinq dessins et deux gravures du peintre), mais aussi Derain, Vlaminck, Van Dongen, Friesz, Rouault, Marquet, Camoin, Manguin, Vuillard et Roussel, avec des œuvres graphiques postérieures à leur période Nabi, sans oublier le précieux Gauguin.
Au total, 167 œuvres (peintures, œuvres sur papier, céramiques et sculptures) où dominent l'ardeur des couleurs, l'expression fougueuse des subtiles nuances que seuls savaient produire les génies audacieux de l'époque, charnière entre les deux siècles.
Le rôle du couple Agutte-Sembat fut capital pour la promotion et la considération de beaucoup d'artistes du début du XXe siècle. En décembre 1912, Marcel Sembat prononça, à l'Assemblée nationale, un discours resté célèbre, pour défendre la liberté de créer et d'exposer.
Dix ans plus tard, il meurt brutalement. Georgette met aussitôt fin à ses jours. Elle aura pris soin auparavant de donner des instructions afin que la collection des amants soit regroupée dans un lieu public.
C'est au musée de Grenoble, en 1923, que revinrent la plupart des chefs-d'œuvre appartenant aux époux, enrichis dans les années 1990 par le reste de la collection qui se trouve aujourd'hui au complet. Avec un accrochage nouveau et quelques archives exposées, le musée de Grenoble fête le 80e anniversaire de la présence dans la ville de la célèbre collection Agutte-Sembat, et commémore la singulière union de deux êtres enflammés, en amour comme en art.
« La collection Agutte-Sembat », musée de Grenoble, 5, place de Lavalette, 38000 Grenoble. Tél. 04.76.63.44.44. Jusqu'au 29 février. Catalogue, 148 p, coédition RMN/musée de Grenoble.
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