DANS UN MONDE INFORMATISÉ, le numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques (NIR ou numéro Insee), correspondant à l’immatriculation à la Sécurité sociale, a tout pour plaire au regard des institutions habilitées à tenir de vastes fichiers. Absolument unique pour chaque individu, le NIR est en effet un moyen infaillible pour en retrouver la trace. Mais la Commission nationale Informatique et libertés (Cnil), chargée depuis trente ans de défendre les droits des personnes fichées, veille à ce que le NIR ne soit pas utilisé à tort et à travers.
Au grand dam de la Cnil, l’Assemblée nationale a cependant adopté le 26 octobre un amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (Plfss) pour 2007, qui instaure un «répertoire national commun» pour faciliter les recoupements d’informations entre les organismes sociaux et le fisc, et renforcer ainsi la lutte contre les fraudes, selon le voeu du gouvernement.
Or, le même jour, la Cnil demandait justement le retrait de cet amendement dans une lettre adressée à l’un de ses auteurs, le député UMP des Yvelines, Pierre Morange. Dans ce courrier, la Cnil soulignait que, «compte tenu de l’ampleur du dispositif projeté», la création dudit répertoire méritait au préalable «un examen approfondi» par ses soins, d’autant qu’elle a toujours fait preuve d’une «grande vigilance» vis-à-vis des fichiers nationaux au nom de la protection des données personnelles. En outre, la Commission faisait valoir que les échanges d’informations souhaités par les députés existaient déjà, du moins en partie, grâce aux diverses interconnexions de fichiers approuvées par elle depuis 1984.
A la Cnil, on n’est pas loin de penser qu’une bataille a été perdue, mais pas la guerre. La Commission compte en effet sur le Sénat (où siège d’ailleurs son président, le sénateur du Nord Alex Türk) pour retoquer le Plfss et supprimer l’amendement litigieux d’ici à la mi-novembre.
Par ailleurs, la Commission fait de la résistance face à la demande pressante du Groupement d’intérêt public en charge du dossier médical personnel (GIP-DMP) concernant l’utilisation du NIR lors de la phase de généralisation du DMP. Fin mai, la Cnil a donné son feu vert aux expérimentations du DMP par six hébergeurs sur dix-sept sites, à condition que le numéro identifiant le patient (NIS) soit déconnecté de son numéro de Sécurité sociale (lequel donne intrinsèquement des indications sur le sexe, ainsi que le mois, l’année et le département de naissance de la personne). Toutefois, en septembre, au début de la montée en charge des expérimentations, le directeur du GIP-DMP faisait état d’un «taux significatif d’erreurs» dans l’attribution des NIS. Selon Jacques Sauret, «certains formulaires sont mal remplis ou ont été photocopiés pour que deux personnes puissent s’inscrire, d’où des numéros identiques pour les deux» (« le Quotidien » du 2 septembre). Depuis plusieurs mois déjà, le GIP-DMP souhaite donc convaincre la Cnil de l’autoriser à utiliser le NIR à l’avenir afin d’éviter de telles confusions. Seulement voilà, le GIP-DMP reste «dans l’attente» car la Commission «n’a pas tranché» sur cette question lors de sa dernière séance plénière fin octobre.
En fait, la Cnil «attend un premier bilan des expérimentations» (qui se terminent le 31 décembre), explique son secrétaire général Yann Padova. Et, si la Commission a été prise de court par l’adoption de l’amendement Morange au Palais-Bourbon, elle sait qu’elle disposera de deux mois pour examiner le projet de décret sur le DMP (soit le délai habituel pour tout texte réglementaire).
En attendant, la Cnil a décidé de faire face aux «initiatives non coordonnées qui convergent toutes vers une utilisation du NIR», grâce à «la création d’un groupe de travail dirigé par Jean Massot», signale Yann Padova. Ce groupe de travail devrait permettre à la Commission d’affûter ses arguments et de ne plus être prise au dépourvu lors de saisines expresses.
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