DES FILES D'ATTENTE interminables. Des semaines, voire des mois, avant d'obtenir un rendez-vous non urgent auprès d'un ophtalmologiste. Dans quelques départements déjà, le manque de bras en ophtalmologie est devenu flagrant. A l'horizon 2020, les perspectives sont plus alarmantes encore en raison des départs massifs à la retraite programmés. Plus de 50 % des spécialistes en ophtalmologie quitteront leur activité dans les quinze ans qui viennent. « En l'absence de changement d'organisation des soins, il faudrait plus que tripler le nombre de spécialistes formés (c'est-à-dire passer de 45 à 150 par an) pour répondre aux besoins », selon une étude présentée par le conseil scientifique de la Caisse nationale d'assurance-maladie (Cnam). Sur la même période, la demande de soins ophtalmologiques devrait, elle, exploser (+ 20 %) sous l'effet du vieillissement de la population : 36 millions de myopes et presbytes en 2020 contre 30 millions en 2000 ; 4,7 millions de personnes touchées par la cataracte contre 3,4 millions ; 100 000 glaucomes en plus...
Séparer la prescription et la vente des lunettes.
Dans ce contexte d'« effet de ciseaux » (moins de médecins, plus de patients), le Centre de recherche en économie et gestion appliquée à la santé (Cregas) a tenté, à la demande de l'assurance-maladie, d'analyser des « scénarios d'évolution du mode d'organisation des soins ophtalmologiques », notamment l'utilité d'une redistribution des tâches vers d'autres professions du même secteur. Deux types de transferts de tâches se révèlent pertinents. « L'hypothèse de la prescription des lunettes par les opticiens présenterait l'avantage d'améliorer rapidement l'accès à la prise en charge des troubles de réfraction », affirme l'étude. L'adaptation de la formation des opticiens à ces nouvelles tâches serait « relativement facile ». Plusieurs pays délèguent déjà aux opticiens le soin de mesurer l'acuité visuelle, de prescrire et de produire des lunettes et des verres de contact. Mais l'éventualité d'une intervention accrue des 12 000 opticiens n'a pas les faveurs du Syndicat national des ophtalmologistes de France (Snof). « On ne parle pas des opticiens pour prendre la relève », tranche le Dr Guy Aflalo, secrétaire général. En tout état de cause, « il faut garder séparés la prescription et l'acte de vente », précise le Pr Marc Brodin, président du conseil scientifique de la Cnam. Autre piste ouverte pour alléger la charge de travail des opthalmos : « L'extension du rôle des orthoptistes à certains types de dépistages (glaucomes et rétinopathie diabétique). » Depuis 2002 déjà, l'assurance-maladie encourage l'accroissement des compétences des orthoptistes (exploration du sens chromatique par exemple).
Dans tous les cas, la mise en place de transferts de tâches exigera de solides garanties, des protocoles précis et organisés. « Les conditions pour une délégation d'actes de diagnostic requérraient une formation de base de bonne qualité, de la formation continue et un volume suffisant d'activité », insiste l'étude. La délégation de certains gestes aux orthoptistes est déjà testée dans la Sarthe. D'autres expérimentations suivront, à la demande du ministre de la Santé.
Si ce rapport ne fait qu' « alimenter la réflexion sur la modernisation du système de soins », les conséquences des transferts de tâches ne sont pas négligeables pour la profession. L'étude va assez loin à cet égard : les opthalmos pourraient se « recentrer sur les actes complexes », comme la chirurgie.
Une spécialité très féminisée
Parmi les 5 370 ophtalmologistes recensés en 2002, la grande majorité exerce en libéral (86 %). Ils se partagent équitablement entre secteur I et secteur II. Ces spécialistes sont très inégalement répartis sur le territoire avec un pic de densité à Paris (25,5 spécialistes pour 100 000 habitants), soit dix fois plus qu'en Lozère (2,7). Les ophtalmologistes se concentrent essentiellement dans les zones à forte densité urbaine (sillon rhodanien, bordure sud de la France, Aquitaine, axe Rennes-Nantes...). Leur âge moyen est de 47 ans et 43 % d'entre eux sont des femmes, ce qui en fait la spécialité chirurgicale la plus féminisée. En 2002, les ophtalmologistes ont perçu en moyenne 205 308 euros d'honoraires individuels totaux (dont 20 % de dépassements).
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