Anxiolytiques, hypnotiques, antidépresseurs, neuroleptiques... Les Français, on le sait de longue date, sont les plus gros consommateurs européens de médicaments psychotropes. En 2002, le régime général de l'assurance-maladie en a remboursé 150 millions de boîtes et la facture a frôlé le milliard d'euros (950 millions). La Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) a cherché à en savoir un petit peu plus sur un comportement spécifique à la France. Dans une étude, menée à partir de données de l'année 2000 sur un échantillon représentatif d'assurés, elle dresse le portrait des personnes qui se font rembourser des psychotropes (1).
Il apparaît dans cette enquête que près du quart de la population protégée par le régime général de l'assurance-maladie consomme au moins une fois par an un médicament psychotrope. D'abord des anxiolytiques (17,4 % des assurés s'en voient prescrire au moins une fois par an), puis des antidépresseurs (9,7 %), des hypnotiques (8,8 %), des neuroleptiques (2,7 %), des médicaments utilisés dans la dépendance alcoolique (0,5 %), du lithium (0,1 %). La CNAM note par ailleurs que la consommation des psychotropes augmente avec l'âge, dans une proportion, note-t-elle, qui n'avait jamais été relevée jusqu'à présent (voir tableau). Chez les plus de 70 ans, les femmes usent beaucoup plus de ces médicaments (ils sont prescrits une fois par an à plus d'une femme sur deux) que les hommes (un tiers y ont recours).
La CNAM classe 11 % de la population qu'elle protège dans la catégories des utilisateurs « réguliers » de psychotropes (ce dixième des assurés fait l'objet de plus de quatre remboursements par an) : 7 % sont des consommateurs réguliers d'anxiolytiques, 4,9 % d'antidépresseurs, 3,7 % d'hypnotiques.
Ainsi que l'écrit la CNAM, « certains de ces résultats suscitent des interrogations ». C'est le cas par exemple de la forte proportion des personnes se faisant rembourser des antidépresseurs (9,7 %) quand on la rapporte au nombre de personnes dépressives en France (4,7 % de la population environ). C'est le cas également du fort pourcentage de consommateurs réguliers d'anxiolytiques et d'hypnotiques qui, estime la caisse, « n'est pas en adéquation avec les recommandations médicales selon lesquelles ces traitements doivent être occasionnels ». Le nombre très important de personnes se faisant rembourser de façon ponctuelle des antidépresseurs pose aussi problème dans le cadre de « traitements de fond, donc sur la durée ».
La CNAM s'inquiète enfin de l'augmentation de la consommation des psychotropes avec l'âge, comprenant que l'arrivée sur le marché de molécules mieux tolérées peut expliquer ce mouvement mais notant que le phénomène ne repose sur aucune donnée médicale et qu'il s'accompagne d'effets secondaires - les psychotropes seraient responsables d'environ 20 ou 30 % des chutes accidentelles de personnes âgées, ils peuvent être à l'origine de troubles confusionnels et certains d'entre eux ont des effets cardiaques connus ou potentiels.
Autant d'éléments qui conduisent la CNAM à souhaiter travailler avec les médecins libéraux sur le bon usage des psychotropes, de la même manière que ce qui a déjà été fait pour les antibiotiques.
(1) Les fonctionnaires, les étudiants, les patients soignés en milieu hospitalier sont exclus du champ de l'enquête, de même que ne sont pas pris en compte les effets de l'automédication.
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