A PRES avoir auditionné la plupart des représentants des professionnels de santé, la mission de concertation pour la rénovation des soins de ville devrait recevoir, cette semaine, le président de la Caisse nationale d'assurance-maladie, Jean-Marie Spaeth, qui n'a pas été le dernier à critiquer le dispositif de régulation des dépenses de santé mis en place l'année dernière.
Une audition à laquelle Jean-Marie Spaeth s'est longuement préparée, en réunissant par deux fois l'ensemble de son conseil d'administration et en lui soumettant la contribution que la CNAMTS entend apporter à la réflexion en cours dans le cadre du « Grenelle de la santé ».
Le constat qu'il dresse, dans ce document, de la politique de santé conduite dans notre pays est accablant : absence de priorités sanitaires clairement définies, vote par le Parlement d'un objectif des dépenses d'assurance-maladie sans fondement médical, allocations des ressources qui privilégient les structures plutôt que les pathologies, outils de coordination des soins insuffisants et mise en œuvre d'un mode de régulation des dépenses fondé sur la variation de la valeur des lettres clés qui s'est révélé « inadapté et inopérant ». « Non seulement sa mise en œuvre systématique ne peut que renforcer les cloisonnements qui caractérisent notre système de soins, mais elle constitue une menace pour la dynamique conventionnelle entre l'assurance-maladie et les professionnels de santé, alors même que son efficacité économique se révèle illusoire », explique le président de la CNAM. D'autant, poursuit-il, que l'objectif affiché, alors, par le gouvernement, qui était de clarifier les champs de compétence de l'assurance-maladie vis-à-vis des pouvoirs publics, « n'a pas été atteint à travers ce dispositif ».
Deux facteurs de blocage
Ce qui le conduit notamment à plaider auprès du « comité des sages » pour une plus grande autonomie et souplesse de gestion des partenaires sociaux. Jugeant « moribond » le système conventionnel actuel, il estime que le cadre juridique qui définit les conventions depuis 1971 « a montré des limites évidentes dès lors que les caisses et leurs partenaires souhaitent dépasser le cadre trop étriqué d'un simple accord tarifaire ».
Il voit deux facteurs principaux de blocage : le chevauchement des compétences de l'Etat et des caisses qui complique la négociation avec les professionnels ; et le cadre légal des conventions qui ne permet pas d'innover dans l'organisation du système de soins, comme le lui a reproché la Cour des comptes, dans son dernier rapport.
Il demande donc, non seulement que les conventions puissent aborder des domaines qui relevaient jusque-là de la compétence de l'Etat, comme par exemple la démographie médicale, les formes de rémunération des professionnels ou l'évaluation de la qualité des soins, mais également une modification des règles juridiques applicables à la CNAM, dont le statut d'établissement public administratif limiterait sa capacité d'initiative. « Sans toucher au statut des personnels, cette évolution permettrait de donner une portée réglementaire aux décisions et arbitrages de la CNAM sans nécessiter d'intervention étatique », estime Jean-Marie Spaeth.
Un dispositif à deux étages
A partir de là, le président de la CNAM propose un dispositif à deux étages.
Le premier consisterait en un socle conventionnel commun à l'ensemble des professionnels de santé, qui réglerait tous les problèmes de base de l'exercice, comme les tarifs ou les avantages conventionnels. Au-delà, les caisses d'assurance-maladie pourraient négocier un nouveau type d'accord conventionnel au niveau national ou régional avec certaines professions, spécialités ou corps de métier afin de proposer des formes d'organisation des soins plus innovantes : nouvelles conditions d'exercice des professionnels ou nouvelles possibilités de choix pour les patients. « La prise en compte des spécificités des différents métiers de la santé trouverait ici davantage de possibilités d'être prise en compte », souligne Jean-Marie Spaeth qui, de cette manière, tranche habilement la question d'une convention unique pour tous les médecins ou de conventions séparées pour les généralistes et les spécialistes.
Mais ce schéma nécessite au préalable, selon lui, une définition claire des priorités sanitaires afin de permettre à la collectivité de faire des choix éclairés « soit pour redéployer certaines ressources au sein du système de santé, en fonction de priorités sanitaires clairement identifiées, soit, si nécessaire, pour investir des ressources supplémentaires sur des objectifs médicalement justifiés », estime le président de la CNAM, qui souhaite une rédéfinition du panier de biens et services pris en charge par l'assurance-maladie en fonction du service médical rendu et des référentiels de bonnes pratiques de soins.
De toute façon, pour Jean-Marie Spaeth, « il est impossible de se satisfaire du maintien du statu quo où chacun peut observer une progression soutenue des dépenses de santé, sans que la pertinence médicale de ces dépenses soit garantie, alors même que des besoins importants restent insatisfaits parce que mal couverts ».
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