L E refus de la Caisse nationale d'assurance-maladie d'entériner l'objectif de dépenses d'honoraires des professionnels de santé libéraux proposé par le gouvernement n'est pas une surprise. Dès l'annonce de son montant pour 2001, fixé à 149,9 milliards de francs, ce qui représente, d'après le gouvernement, une augmentation de 3 %, le président de la CNAM, Jean-Marie Spaeth, avait indiqué qu'il appellerait à un vote négatif, renouvelant ses critiques sur le dispositif actuel de maîtrise des dépenses d'assurance-maladie.
Le conseil d'administration de la Caisse nationale, qui s'est réuni mardi, s'est rangé à cette position. Dans un texte adopté à cette occasion, il souligne en effet « l'inadaptation » d'un tel dispositif à la fois en termes de résultats - la hausse des dépenses de médecine de ville ne s'est pas infléchie - mais également en ce qui concerne les relations conventionnelles avec les professionnels de santé qui, à la fin de l'année 2000, se sont retrouvés à une situation de blocage.
« La variation conjoncturelle des tarifs d'honoraires des professions de santé libérales n'apporte aucune réponse aux dysfonctionnements structurels du système de soins alors même que le risque est grand de renforcer les cloisonnements qui caractérisent notre système », insiste ce texte adopté par la CFDT, la CFTC, la Mutualité française et les employeurs, la CGT votant contre, FO et la CGC n'ayant pas pris part au vote.
Pour preuve de sa bonne foi, la CNAM, qui cherche clairement depuis quelques semaines à renouer le dialogue avec les professionnels de santé, précise que, bien que la loi lui ait fait l'obligation d'appliquer ce dispositif en 2000, elle s'est efforcée d'en limiter ses effets pervers « en privilégiant des mesures visant à accompagner la restructuration nécessaire du système de soins ». Une attitude qu'elle s'efforcera de conserver si, comme il est probable, le gouvernement impose l'objectif des dépenses déléguées par un arrêté ministériel et oblige donc la CNAM à élaborer un rapport d'équilibre et à prévoir des mesures pour tenter d'infléchir la progression des remboursements.
La position de la CNAM souligne, à cet égard, le caractère incongru de la fixation d'un objectif de dépenses alors même que le dispositif de maîtrise fait actuellement l'objet d'une vaste concertation engagée par la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, Elisabeth Guigou. Bien que l'ensemble des participants au « Grenelle de la santé » aient reconnu le caractère inefficace et injuste du système actuel, le gouvernement s'est refusé à appliquer un moratoire, sans doute de peur de donner un signal encourageant une plus forte hausse des dépenses.
Un taux en trompe l'il
La CNAM, qui appelle donc de ses vux à une réforme du dispositif actuel, se refuse à apparaître comme l'élément perturbateur et rejette la responsabilité sur le gouvernement indiquant « qu'il appartient aux pouvoirs publics d'expliciter leurs options sur les conditions de mise en uvre de l'objectif des dépenses déléguées ».`
D'autant que selon les services de la CNAM, la hausse des dépenses des professionnels de santé libéraux, telle qu'elle est prévue par cet objectif des dépenses déléguées, sera bien inférieure aux 3 % annoncée par le gouvernement. En effet, le gouvernement a pris comme base de calcul des dépenses 2000 le chiffre de 144,7 milliards de francs et lui a appliqué un taux de croissance de 3 % pour arriver à 149,2 milliards de francs, auxquels ont été ajouté 0,7 milliard de francs, afin de tenir compte de l'effet de l'alignement des taux de remboursements du régime des indépendants sur celui du régime général, soit au total 149,9 milliards de francs.
Or, la CNAM a estimé de son côté à 145,7 milliards de francs - et non à 144,7 milliards - les dépenses de l'an dernier, même en tenant compte des reports de remboursement d'une année sur l'autre à cause des retards de liquidation, ce qui amputerait déjà de 0,6 % le taux de croissance affiché. Par ailleurs, la CNAM, chiffre à 0,6 % l'effet report des modifications tarifaires décidées l'année dernière et à 1,3 % l'acquis de croissance (c'est-à-dire le taux de croissance atteint en moyenne annuelle l'année dernière dans l'hypothèse d'une croissance nulle tant en volume qu'en valeur en 2001) qui s'ajoute à l'effet report.
Ressouder la majorité
Autant de raisons qui motivent le refus de la CNAM d'entériner cet objectif jugé irréaliste. A cela, s'ajoute également la nécessité pour le président de la CNAM de ressouder une majorité de gestion mise à mal au cours de ses derniers mois. En effet FO, la CGT, mais également la CFTC et la CFE-CGC, qui font partie de cette majorité, discutent depuis plusieurs mois avec les syndicats de médecins libéraux qui avaient refusé de signer une convention avec l'assurance-maladie, désavouant par là même la politique de la CNAM. Ces syndicats de salariés avaient, par ailleurs, protesté contre la contribution des trois caisses nationales d'assurance-maladie à la concertation engagée par Elisabeth Guigou, contributions à laquelle ils n'avaient été associés.
Jean-Marie Spaeth, qui n'est pas sûr de pouvoir compter dans les mois qui viennent sur son allié patronal, s'efforce donc d'arrondir les angles vis-à-vis des autres confédérations salariales. Il vient d'annoncer la mise en place d'un groupe de travail réunissant l'ensemble des composantes du conseil d'administration qui se réunira le 24 avril et le 3 mai « afin de réfléchir à des pistes pour un nouveau système de régulation » dans la perspective de leur audition par la mission de concertation pour la rénovation des soins de ville.
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