C 'EST un constat de blocage en bonne et due forme du dispositif de maîtrise des dépenses des professionnels de santé libéraux que s'apprête à dresser la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) dans le premier rapport d'équilibre pour l'année 2001 qu'elle doit, conformément à la loi, remettre au gouvernement.
Hostile au mécanisme mis en place par Martine Aubry depuis l'année dernière, qui consiste à faire respecter les objectifs de dépenses fixés en début d'année en faisant varier les tarifs des professionnels libéraux, la CNAM avait déjà refusé au mois d'avril dernier d'avaliser l'objectif de 149,9 milliards de francs proposé par le gouvernement pour 2001. Elle avait alors dénoncé « l'inadaptation » de ce système qui non seulement s'était révélé inefficace, mais avait rendu beaucoup plus difficile le dialogue avec les professionnels de santé.
Elle franchit cette fois un degré supplémentaire en refusant purement et simplement de procéder à la répartition de cette enveloppe, fixée unilatéralement par le gouvernement, entre les dix professions de santé pour lesquels elle a une délégation de gestion de l'Etat. Une répartition qui, selon elle, « ne pourrait être que virtuelle et ne manquerait pas d'entraver toute capacité des caisses et des professionnels de santé de poursuivre leurs relations conventionnelles, porteuses d'évolutions structurelles », explique la CNAM dans son projet de rapport d'équilibre qui doit être soumis mardi prochain à son conseil d'administration. Autant dire qu'elle se refuse à appliquer pour cette année le dispositif de maîtrise des dépenses en l'état.
Double illégitimité
La Caisse nationale d'assurance-maladie a bien tenté d'engager des discussions avec les professionnels et a esquissé une répartition de l'enveloppe qui soit la plus cohérente possible avec l'évolution des besoins de la population, dont elle communique d'ailleurs les éléments (1). Mais elle s'empresse d'ajouter que les constats d'évolution des dépenses pour les premiers mois de l'année 2001 remettent déjà en cause la pertinence de ces objectifs fixés. « L'opposabilité aux professionnels d'une telle répartition conduirait immanquablement les caisses nationales à proposer en cours d'année des baisses significatives de tarifs, poursuit la CNAM, pour qui une telle procédure serait entachée d'une « double illégitimité ». D'une part, estime-t-elle, parce que les professionnels subiraient des sanctions pour un objectif fixé très tardivement et, d'autre part, parce que le gouvernement lui-même a mis à mal les contraintes de la maîtrise en procédant chaque année à des rebasages de l'objectif ou en retardant et même en bloquant des mesures proposées par la CNAM dans les précédents rapports d'équilibre et contestées par les professionnels.
La CNAM refuse donc cette année de faire le sale travail. Elle s'en remet donc à la mission de concertation mise en place au début de l'année par Elisabeth Guigou et qui est la preuve pour la CNAM « que le constat d'une forte altération du mécanisme actuel de régulation (des dépenses de médecine de ville) est aujourd'hui largement partagé ».
Discussions avec les professionnels
Ce faisant, la Caisse nationale risque de provoquer la colère de la ministre de l'Emploi et de la Solidarité qui a indiqué à plusieurs reprises qu'elle n'entend pas supprimer le dispositif actuel de maîtrise tant qu'elle n'en a pas trouvé un autre pour le remplacer. L'attitude de la CNAM risque donc de la gêner considérablement et de l'obliger à prendre plus rapidement que prévu des décisions.
Les responsables de la CNAM, qui avaient engagé des négociations avec les professionnels et avancé des hypothèses de revalorisation de certains actes, ne souhaitent pas interrompre ces discussions conventionnelles. La CNAM précise donc qu'elle continuera dans les semaines et les mois à venir à examiner avec les syndicats professionnels qui le souhaitent les « mesures structurelles qui concourent à l'amélioration de l'efficience du système de soins ». Elle procédera à une nouvelle analyse de la situation au mois de septembre 2001, excluant par là même à un second rapport d'équilibre, normalement prévu pour le 15 juillet.
(1) La répartition envisagée était de 31,3 milliards de francs pour les généralistes, 46 milliards de francs pour les spécialistes, 15,3 milliards de francs pour les chirurgiens-dentistes et également pour les infirmiers, 14,6 milliards de francs pour les biologistes, 12,2 milliards de francs pour les masseurs-kinésithérapeutes, 11,5 milliards de francs pour les transports sanitaires, le reste se répartissant entre les orthophonistes (1,8 milliard), les sages-femmes (416 millions) et les orthoptistes (170 millions).
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