L'assurance-maladie s'apprête à revoir de fond en comble l'organisation et les missions de ses centres d'examens de santé (CES) destinés à l'origine à favoriser la prévention et le dépistage, en offrant périodiquement aux assurés un bilan de santé personnalisé.
L'objectif poursuivi est de développer leur activité de recherche épidémiologique et en santé publique afin de mettre leurs connaissances au service de la politique de prévention de la Caisse nationale d'assurance-maladie. Cette transformation implique une double évolution de leur organisation.
Juridique d'abord, puisque les centres d'examens de santé, qui dépendaient jusque-là des caisses primaires, seraient regroupés au sein d'une entité autonome baptisée Laboratoire de santé publique. Mais elle implique aussi une réorientation forte de leurs activités puisqu'il s'agit de réduire de l'ordre de 25 % le nombre des bilans de santé personnalisés afin de redéployer les moyens sur l'activité de santé publique.
Dans un rapport qui doit être soumis aux administrateurs de la CNAM, le Pr Marcel Goldberg, à qui était confiée une mission d'expertise dans ce domaine, explique que le bilan personnalisé, « activité de base des centres d'examens de santé, n'a montré ni son utilité pour ceux qui en bénéficient ni son efficacité pour l'amélioration de la santé de la population française », mais qu'il constitue néanmoins un outil d'expertise « au potentiel exceptionnel et mal utilisé ».
Il recommande donc une réorientation progressive - sur cinq ans - de leurs activités vers la recherche épidémiologique en partenariat avec d'autres institutions comme l'INSERM ou l'Institut national de veille sanitaire. Ces études doivent, selon lui, être orientées vers des populations spécifiques qui échappent à tout dispositif de suivi médical : personnes précaires, inactifs, retraités et personnes âgées.
Cinq programmes d'actions
Il suggère donc dans un premier temps le développement de cinq programmes d'actions avec toutefois une priorité marquée pour l'évaluation et le suivi des risques professionnels. « Environ le tiers des différences sociales de mortalité par cancer dans les pays industrialisés est expliqué par l'exposition à des facteurs d'origine professionnelle », insiste le Pr Goldberg. Les personnes âgées, la santé de l'enfant, la précarité et les inégalités et la participation aux dépistages devraient être les autres programmes développés dans ce nouveau cadre.
Le redéploiement des activités des centres d'examens de santé « implique cependant de profondes modifications par rapport aux modes actuels de fonctionnement », précise le rapport, et surtout devra se faire à budget constant. Une perspective qui préoccupe fortement les médecins salariés de ces centres. Regroupés au sein d'une intersyndicale, la CFDT, la CFE-CGC et le Syndicat national FO des cadres d'organismes de Sécurité sociale (SNFOCOS) dénoncent ce projet qui remet en cause, selon ces organisations, le droit des assurés à un bilan de santé ouvert à tous et fait peser des menaces sur les personnels et les statuts. L'Intersyndicale met donc en garde les responsables de la CNAM contre la transformation d'un bilan de santé « présenté à la population comme un bénéfice individuel et dont la finalité serait, en fait, l'utilisation à son insu de l'ensemble des données et en particulier des données génétiques ».
« Par ailleurs le suivi postprofessionnel des salariés qui ont été exposés à l'amiante est un problème de santé publique qui ne doit pas reposer financièrement sur les seuls CES dont les budgets ne seront pas augmentés », explique le Dr Marie-Josée Alliot, du SNFOCOS, qui souligne les dérives d'une telle organisation. Les représentants des médecins salariés de ces centres ont donc demandé à rencontrer d'urgence le directeur de la Caisse nationale d'assurance-maladie avant que ce projet de réforme soit définitivement adopté par ses administrateurs.
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