L’ASSURANCE-MALADIE veut s’immiscer dans le contrôle des dépenses hospitalières, qu’elle finance à 95 %. «Nous allons engager en 2006 le même type de programme que celui que nous avons lancé en 2005 avec les médecins de ville», déclare Frédéric van Roekeghem, le directeur de la Cnam.
Le conseil de la Cnam, le 12 janvier dernier, a adopté un plan d’action pluriannuel, spécifique au secteur hospitalier. Des accords-cadres nationaux vont être signés pour améliorer les pratiques hospitalières et optimiser l’utilisation des ressources. Une démarche dictée par la loi du 13 août 2004 portant réforme de l’assurance-maladie, et qui prévoit d’engager l’ensemble des acteurs de santé sur le chemin de la maîtrise des dépenses de santé.
Les établissements de santé n’échapperont pas à la règle.
Prescriptions encadrées.
Les médecins hospitaliers doivent donc s’y préparer : leurs prescriptions seront dorénavant scrutées, évaluées et encadrées. Un accord sur les antibiotiques est sur le point d’être signé. Viendront ensuite les statines, les génériques, les arrêts de travail, les transports sanitaires et les prescriptions indûment remboursées à 100 %. On retrouve, presque point par point, les axes du programme de maîtrise médicalisée appliqué aux soins de ville depuis 2005.
Voilà qui devrait réjouir les syndicats de médecins libéraux, qui reprochaient à la Cnam d’épargner jusqu’à présent l’hôpital dans la lutte contre le dérapage des dépenses. Or l’hôpital public représente 44 % des dépenses totales de l’assurance-maladie (56 milliards d’euros + 10 milliards de prescriptions externes). Et certains chiffres ne sont pas en sa faveur : les prescriptions hospitalières de transports sanitaires ont bondi de 34 % entre 2001 et 2004 ; et celles des arrêts de travail de 15 % sur la même période (voir tableau).
La satisfaction de la Csmf, le mécontentement de la FHF.
Le président de la Csmf (Confédération des syndicats de médecins libéraux) se félicite que la Cnam se décide «à mettre le nez sur l’hôpital».
«Le patient navigue entre les deux secteurs, libéral et hospitalier, explique le Dr Michel Chassang . Il est normal que les règles soient partout identiques en ce qui concerne les prescriptions. Les praticiens hospitaliers ne sont pas habitués à cela, mais ils s’y feront. Il faut miser sur l’incitation, pour qu’ils s’impliquent avec nous» dans la maîtrise médicalisée des dépenses de santé.
La Fédération hospitalière de France (FHF) ne voit pas cette perspective d’un bon ?il. Son président, Claude Evin, refuse que les hôpitaux se retrouvent placés sous une double tutelle, celle de l’Etat et celle de la Cnam (« le Quotidien » d’hier). Mais pour Frédéric van Roekeghem, ces craintes sont injustifiées. Le directeur de la Cnam se défend de tenir une position ambiguë : «L’assurance-maladie est légitime, non pas pour gérer l’hôpital, mais pour assurer la meilleure utilisation possible des ressources. (…) La recherche de l’efficience ne s’arrête pas aux portes de l’hôpital. (…) Il n’y a pas là de quoi effaroucher les responsables hospitaliers.»
Concrètement, la Cnam entend procéder par étapes pour ramener les dépenses hospitalières dans les clous. Dans un premier temps, place sera faite à la pédagogie. Les médecins-conseils se rendront dans les établissements, avec l’accord des CME, pour renseigner les médecins prescripteurs sur les règles du code de la Sécurité sociale. L’information devra cibler tout le monde, étudiants compris. «Or les jeunes internes ne connaissent pas les règles de la bonne utilisation de l’ordonnancier bizone», relève le directeur de la Cnam. Les contrôles seront effectués par la suite. «Il pourra y avoir sanction» en cas de non-respect des objectifs, prévient Frédéric van Roekeghem, même si telle n’est pas la finalité poursuivie : «On sait bien qu’on ne peut pas faire évoluer les comportements uniquement par des sanctions», ajoute-t-il. Des incitations seront prévues en parallèle pour encourager à mieux prescrire. Pour chaque catégorie de prescription ciblée (génériques, arrêts maladie, etc.), l’accord national sera décliné sous la forme d’accords locaux entre l’agence régionale de l’hospitalisation (ARH), l’union régionale des caisses d’assurance-maladie (Urcam) et chaque établissement de santé, «avec la possibilité de prévoir une démarche d’intéressement financier en fonction des résultats obtenus», précise la Cnam. Qu’en pensent les médecins hospitaliers ? Le Dr François Aubart, chirurgien et syndicaliste (il préside la Coordination médicale hospitalière), livre son sentiment : «Avoir une réflexion globale sur la qualité desprestations médicales en ville et à l’hôpital est une bonne chose, à l’heure du parcours de soin. Sur le principe, je ne suis pas opposé au suivi individualisé des prescriptions. Cette politiquecontractuelle ne me gêne pas. Mais attention à ne pas calquer les règles du libéral sur l’hôpital, où la pratique n’est pas individuelle, mais collective, et réglée par un tombereau de normes. J’ajouterai que ce n’est pas à l’organisme payeur de définir la politique hospitalière de santé publique. Le responsable de cette politique, c’est le Dhos (directeur de l’hospitalisation et de l’organisation des soins, ndlr) , Jean Castex, et non Frédéric van Roekeghem», le directeur de la Cnam.
Les dépenses des praticiens hospitaliers |
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Thèmes | Part des praticiens hospitaliers (PH) | Montants de dépenses (à fin novembre 2005/régime général) | Evolution récente (janvier à novembre 2005/janvier à novembre 2004/régime général) |
Ensemble des prescriptions | 24 % des dépenses | 7,9 milliards deuros | + 5,9 % pour les PH contre 2,6 % pour les médecins libéraux |
Médicaments | 23 % des dépenses | 3,5 millards deuros | + 6,7 % pour les PH contre 4,3 % pour les médecins libéraux |
Transports sanitaires | 66 % des dépenses | 1,2 milliard deuros | + 8,3 % pour les PH contre 2,9 % pour les médecins libéraux |
Indemnités journalières des arrêts de travail | 20 % des dépenses | 1,4 milliard deuros | + 0,6 % pour les PH contre 2,2 % pour les médecins libéraux |
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