16,5 mictions par jour
La symptomatologie de la cystite interstitielle est riche. Les symptômes pour lesquels les patients consultent comprennent la pollakiurie, soit une moyenne de 16,5 mictions par jour, la douleur pelvienne, la gêne pelvienne, les spasmes vésicaux, la dyspareunie et la dysurie.
L'urgenturie (Urge urinary incontinence) fait partie des définitions cliniques anglo-saxonnes de la CI, mais notre expérience clinique de cette maladie nous fait suggérer qu'il s'agit d'une mauvaise description séméiologique. Les patients atteints de CI ne se plaignent pas d'une véritable urgenturie, mais plutôt d'une envie mictionnelle quasi permanente allant de la simple gêne à une véritable douleur, soulagée par la miction. Cela est vrai pour la majorité des patients atteints d'une CI, mais il est possible d'avoir une CI et une urgenturie associée, ce qui complique le bilan diagnostique.
La douleur est ressentie au niveau vésical en suspubien et peut intéresser le vagin, l'urètre ou le périnée. Beaucoup de symptômes sont aggravés par la menstruation et la plupart des patientes rapportent une aggravation de leurs symptômes par les rapports sexuels.
Pour confirmer l'origine vésicale de la douleur, cette douleur doit augmenter lors du remplissage vésical et s'améliorer après vidange de la vessie. La plupart des patients présentent aussi une nycturie avec, au moins, une ou deux mictions par nuit (tableau 1).
Diagnostic
Le diagnostic de la cystite interstitielle (tableau 2) doit être suspecté par le clinicien sur les données de l'interrogatoire. La confirmation de ce diagnostic, qui reste un diagnostic d'élimination, repose sur une série d'examens afin d'écarter d'autres pathologies. Aucun test pathognomonique de la CI n'est disponible.
Le diagnostic de CI étant un diagnostic d'élimination, il convient d'écarter par l'interrogatoire les cystites médicamenteuses ou radiques et de réaliser les examens suivants.
L'examen cytobactériologique des urines (ECBU) ainsi que la cytologie urinaire sont effectués afin d'éliminer une infection urinaire ou un carcinome urothélial des voies urinaires. Une échographie urinaire, une cystoscopie (avec éventuellement des biopsies) élimineront une pathologie lithiasique ou tumorale de la vessie. Une IRM pourra être réalisée afin d'éliminer un diverticule urétral suspecté à l'examen clinique.
D'autres examens plus spécifiques, bien que non pathognomoniques, viendront compléter le bilan diagnostique. Il s'agit du test d'hydrodistension vésicale sous anesthésie générale, du bilan urodynamique, du test au potassium, des biopsies vésicales.
•Les questionnaires de symptômes et de gêne dans la CI.
En 1997, O'Leary a développé un questionnaire de symptôme et de gêne spécifique pour la cystite interstitielle. Le questionnaire comporte 5 questions pour évaluer les symptômes et 4 questions pour évaluer la gêne. En 1998, un autre questionnaire a vu le jour, celui de l'inventaire de l'université de Wisconsin. Les deux questionnaires sont validés. Dans notre institution, nous utilisons le questionnaire d'O'Leary.
•La cystoscopie et le test d'hydrodistension.
La cystoscopie sous anesthésie générale permet une exploration urétrale et vésicale aisée et permet d'éliminer d'autres pathologies. Le test d'hydrodistension est réalisé en remplissant la vessie avec du sérum physiologique ou de l'eau avec une pression de 80-100 cm H2O jusqu'à ce que le débit de remplissage cesse par équilibration des pressions.
La distension vésicale doit être maintenue pendant 2 à 5 minutes. Lors de la vidange vésicale, la vessie est explorée à la recherche d'ulcère de Hunner (11 %) ou de glomérulations qui sont considérés comme les signes les plus spécifiques de la CI. Ces signes se caractérisent respectivement par des fissures et des pétéchies hémorragiques de la muqueuse vésicale. Les pétéchies doivent être diffuses et exister dans au moins 3 quadrants de la vessie.
Le test d'hydrodistension peut être thérapeutique dans 30 à 50 % des patients avec réduction de l'intensité des symptômes de CI. Un test d'hydrodistention vésicale prolongée sur plusieurs heures a été proposé par certains à visée thérapeutique.
•Le bilan urodynamique.
Le bilan urodynamique n'est pas obligatoire dans l'évaluation des patients avec CI. Même si certaines mesures peuvent rendre le diagnostic de CI peu probable.
Le signe le plus évocateur de CI en urodynamique est la présence d'une envie douloureuse d'uriner précoce (< 300 cc). La capacité vésicale fonctionnelle est généralement réduite et est estimée à 265 cc en moyenne.
•Test au KCl.
Le test au KCl repose sur la théorie de l'altération de la perméabilité urothéliale. Ce test a été proposé par Parsons comme test diagnostique de la CI. Le potassium, en diffusant dans la paroi vésicale, irrite les terminaisons nerveuses et peut expliquer la douleur ressentie par les patients lors de ce test. Le test est réalisé en remplissant la vessie avec une solution de KCl. L'intensité douloureuse est reportée après 5 minutes sur une échelle de 0 (pas de douleur) à 5 (douleur intense), et comparée avec la douleur ressentie avec un remplissage équivalent par du sérum physiologique.
•La biopsie vésicale.
La biopsie vésicale a pour objet d'éliminer d'autres pathologies telles qu'un carcinome vésical insitu. La biopsie est souvent réalisée après le test d'hydrodistension afin d'éviter une perforation vésicale.
•Les marqueurs urinaires.
Un bon marqueur urinaire doit avoir une bonne sensibilité et une bonne spécificité afin de pouvoir différencier les patients avec une cystite interstitielle des patients sains. Deux marqueurs urinaires ont été identifiés pour atteindre ce but : la glycoprotéine-51 (GP-51) et le facteur antiprolifératif (APF).
Ces marqueurs urinaires restent encore du domaine de la recherche clinique et ne sont pas encore commercialisés. L'APF sera probablement le futur marqueur diagnostique de la cystite interstitielle.
1 – Eléments du tableau clinique à rechercher par l'anamnèse
• Femme.
• Besoin mictionnel permanent.
• Gêne pelvienne, dyspareunie, douleur vésicale, pelvienne, périnéale, vaginale, urétrale.
• ECBU stérile.
• Inefficacité des traitements antibiotique, anti-inflammatoire, anticholinergique.
• Soulagement des douleurs et du besoin par les mictions.
• Absence de brûlures mictionnelles.
• Nycturie avec au moins un lever la nuit.
2 – Démarche diagnostique (complémentarité médecin traitant-urologue)
• L'ECBU pour éliminer une infection urinaire (médecin généraliste).
• La cytologie urinaire pour éliminer une pathologie tumorale (médecin généraliste).
• L'échographie urinaire et pelvienne pour éliminer une pathologie lithiasique ou tumorale (médecin généraliste).
• La cystoscopie pour éliminer une pathologie vésicale (urologue).
• L'IRM pelvienne pour éliminer un diverticule de l'urètre (médecin généraliste ou urologue).
• Le catalogue mictionnel pour rechercher une pollakiurie diurne > 16 mictions par jour (médecin généraliste).
• Le score d'O'Leary pour évaluer les symptômes et la gêne (médecin généraliste ou urologue).
• Le bilan urodynamique pour rechercher une envie douloureuse d'uriner précoce et une capacité vésicale fonctionnelle réduite (urologue).
• Le test au KCl à la recherche d'une sensibilité au KCl (urologue).
• Le test d'hydrodistension à la recherche des ulcères de Hunner ou des glomérulations (urologue).
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