« NOUS SAVONS que la conscience est produite par le cerveau et que certaines régions du cerveau sont plus importantes que d'autres », explique au « Quotidien » le Dr Giulio Tononi, chercheur à l'université du Wisconsin à Madison qui a dirigé ce travail. « Par exemple, des parties importantes du cerveau, comme le cervelet et la moelle épinière, peuvent être éliminées sans affecter la conscience, tandis que les lésions du système thalamo-cortical entraînent souvent une perte de conscience complète et souvent irréversible (comme un coma). »
Le système thalamo-cortical.
« Le système thalamo-cortical est un réseau complexe composé de dizaines de milliards de cellules nerveuses interconnectées qui sont situées à la surface du cerveau (le cortex) et en son centre (le thalamus) », rappelle-t-il.
« Il est évident que la présence et l'intégrité anatomique de cette structure sont cruciales pour l'émergence de la conscience », poursuit le Dr Tononi. « Cependant, notre expérience quotidienne suggère aussi que la conscience peut apparaître et disparaître, croître et décroître, et que cela dépend strictement de la façon dont notre cerveau fonctionne. Chacun connaît bien l'impression de néant que l'on ressent au réveil d'un sommeil sans rêves - la sensation que l'on n'était même pas là. Cette perte de conscience est plus fréquente au début de la nuit ; elle est typique de la phase de sommeil non REM (non Rapid Eye Movement), période durant laquelle de grandes ondes d'activités électriques agitent le système thalamo-cortical. Effectivement, même lorsque nous n'avons pas d'expérience consciente, notre cerveau et le système thalamo-cortical restent très actifs. »
« Par conséquent, quelle est la capacité fondamentale qui est perdue par le cerveau lorsque la conscience disparaît ? »
« Pour concevoir une expérience qui pouvait répondre à cette question, nous avons été guidés par une théorie de la conscience que nous avons récemment proposée (« BMC Neuroscience », 2004). A savoir, que la conscience reposerait principalement sur la capacité du cerveau à intégrer l'information, ce qui dépend en fait de la capacité qu'ont les différentes régions du système thalamo-cortical à bien communiquer entre elles. »
« Pour tester cette hypothèse, nous avons utilisé une nouvelle technique qui combine la stimulation magnétique transcrânienne (SMT) et l'EEG de haute résolution (EEGhr). La SMT permet de stimuler de façon non invasive le cortex cérébral, tandis que l'EEGhr permet de savoir comment le cerveau entier répond à la stimulation. »
« En gros, on active une aire. On peut faire cela n'importe où dans le cerveau. Une fois que l'aire est activée, elle répond en envoyant des signaux, des ondes qui voyagent le long des axones vers d'autres régions du cerveau. En même temps, on enregistre la façon dont le reste du cerveau répond. »
« Les résultats sont très clairs. Lorsque les participants sont éveillés au repos, l'activation d'une aire corticale (aire prémotrice) est rapidement transmise au reste du cerveau (aux aires connectées dans le système thalamo-cortical) et se répercute dans ces régions cérébrales pendant longtemps. Mais dès que le sujet entre dans le sommeil profond (non REM), l'activation reste localisée à la zone stimulée et cesse rapidement. Ainsi, durant le sommeil, les différents éléments qui composent le réseau thalamo-cortical sont isolés et incapables d'échanger les informations. Nous pensons que ce changement constitue la différence clé entre le cerveau éveillé conscient et le cerveau endormi moins conscient », déclare le Dr Tononi.
« Il sera important de voir si une capacité de connexion corticale est en partie recouvrée pendant le sommeil plus tard dans la nuit, en particulier durant le sommeil paradoxal (ou REM), une phase durant laquelle les observations conscientes sont vives et prolongées », ajoute-t-il.
Schizophrénie, démence, coma.
« Des changements, plus subtils ou plus prononcés, pourraient aussi survenir dans certaines conditions pathologiques où la conscience est affectée, comme la schizophrénie, la démence ou chez les patients comateux, ainsi que chez des sujets soumis à l'effet d'anesthésiques. Par conséquent, la capacité de comprendre, directement chez les hommes, comment les régions corticales sont capables de communiquer entre elles, lorsque la conscience est affectée, peut être un outil important en neurologie clinique et en psychiatrie », estime le Dr Tononi. Cette voie de recherche est maintenant poursuivie par l'équipe.
« Science », 30 septembre 2005, p. 2228. Interview de Giulio Tononi, UW-Madison.
Giulio Tononi est également le coauteur, avec Gerald Edelman, d'un livre sur la conscience : Gerald Edelman, Giulio Tononi,
« Comment la matière devient conscience »., éditions Odile Jacob 2000. Traduction française de « A Universe of Consciousness.
How matter becomes imagination Basic Book 2000 ».
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