On admet aujourd'hui de façon consensuelle que l'exercice physique a un effet antidépresseur. De fait, certains praticiens recommandent l'exercice comme adjuvant à un traitement antidépresseur médicamenteux et/ou psychothérapique, voire même pour traiter les dépressions légères.
Quels sont les liens unissant l'exercice physique, la dépression et la phényléthylamine, se sont demandés A. Szabo et coll. (Nottingham, Royaume-Uni) ? Ils sont partis d'un double raisonnement.
Les liens entre la phényléthylamine et l'humeur
D'abord, un raisonnement sur les liens entre la phényléthylamine et l'humeur. La phényléthylamine est une neuroamine endogène impliquée dans la régulation de l'énergie physique, de l'humeur et de l'attention. La phényléthylamine est métabolisée en acide phénylacétique par la monoamine oxydase B. Chez les patients déprimés, on a trouvé des taux bas de phényléthylamine et d'acide phénylacétique. Environ 60 % des déprimés unipolaires et bipolaires ont des taux urinaires d'acide phénylacétique inférieurs à la normale. (Comme le turnover de la phényléthylamine est très rapide, l'excrétion de l'acide phénylacétique donne une bonne mesure du rôle modulateur de la phényléthylamine.) Une administration de phényléthylamine ou d'un précurseur, la L-phénylalanine, en association avec un inhibiteur de la monoamine oxydase B (la sélégiline), permet de soulager un état dépressif et d'améliorer l'humeur. Ces effets se manifestent parfois chez des sujets insensibles aux traitements conventionnels.
Le deuxième raisonnement concerne les relations entre la phényléthylamine et l'exercice physique. La phényléthylamine est impliquée dans la modulation de synapses noradrénergiques et dopaminergiques. En tant qu'inhibiteur de la recapture noradrénergique, la phényléthylamine peut être impliquée dans l'exercice physique.
Le travail mené par les universitaires britanniques est la première étude des effets de l'exercice sur le métabolisme de l'acide phénylacétique.
Vingt jeunes hommes (22 ans d'âge moyen) ont accepté d'être volontaires pour cet essai. On a recueilli des échantillons urinaires pendant deux jours consécutifs. Le premier jour, les sujets ne se sont adonnés à aucun exercice physique. Le deuxième jour, ils ont réalisé une épreuve de course sur tapis roulant à 70 % de leur réserve maximale du rythme cardiaque, ce pendant trente minutes.
Globalement, les concentrations urinaires moyennes d'acide phénylacétique se sont accrues de 77 % après l'exercice. Plus précisément, chez 18 des 20 sujets, le taux urinaire d'acide phénylacétique a augmenté dans des proportions importantes, variant de 14 à 572 % comparativement aux valeurs de la veille. La valeur moyenne d'acide phénylacétique était de 99,4 mg/24 h avant l'exercice et de 176 mg/24 h après.
Une amine endogène
« Comme l'acide phénylacétique reflète les taux de phényléthylamine et que l'on sait que cette amine endogène possède des effets antidépresseurs, l'effet antidépresseur de l'exercice apparaît lié à l'augmentation des concentrations de phényléthylamine », raisonnent les auteurs.
Ils font, de plus, le lien avec les endorphines.
C'est-à-dire qu'ils soulignent les analogies structurelles et pharmacologiques entre la phényléthylamine et les amphétamines et en déduisent qu'il est « concevable que la phényléthylamine joue un rôle dans l'euphorie des coureurs, que l'on suppose être liée à une activité des bêta-endorphines cérébrales ».
Quoi qu'il en soit, il existe des variabilités interindividuelles considérables des réponses à l'exercice, même si environ 75 % des sujets ont répondu de manière homogène. Parmi les 20 sujets de l'étude, 17 ont considéré l'exercice auquel ils ont été soumis comme d'un niveau modéré, tandis que 3 l'ont perçu comme difficile. Et c'est chez deux de ces derniers que l'on a constaté les augmentations les plus importantes d'acide phénylacétique.
Plusieurs facteurs sont susceptibles d'intervenir sur les réponses de l'acide phénylacétique à l'exercice, notamment la manière dont cet exercice est perçu et/ou son intensité.
Ces premiers résultats devraient servir d'incitation à des investigations plus poussées sur les mécanismes liant la phényléthylamine à l'exercice physique, estiment A. Szabo et coll. Il serait intéressant d'évaluer la VO2 max plutôt que la réserve cardiaque maximale. La comparaison avec un groupe soumis passivement à une activité serait judicieuse. De plus, les modifications de l'acide phénylacétique pourraient être différentes chez un groupe sédentaire, ce qui n'était pas le cas des sujets de l'étude, tous physiquement actifs et relativement entraînés. L'influence de l'entraînement sur le métabolisme de la phényléthylamine mériterait d'être examinée. Enfin, une étude des effets rapportés ici dans une population cliniquement déprimée pourrait être tout à fait instructive.
« British Journal of Sports Medicine », 2001 ; 35 : 342-343.
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