L ES hydrocarbures polycycliques aromatiques (PAH) sont des substances chimiques toxiques relarguées dans l'environnement par la combustion des huiles fossiles. Mais la voie principale d'exposition chez les humains est le tabagisme.
On sait déjà que, chez les souris exposées au PAH, il se produit une destruction ovocytaire et une insuffisance ovarienne.
Dans de nombreuses cellules, les PAH activent le récepteur Arh aux hydrocarbures aromatiques. Chez la souris, le récepteur Arh semble activer le gène préapoptotique Bax ; en effet, l'injection intrapéritonéale d'un prototype de PAH, le DMBA [9,10-diméthylbenz(a)anthracène] accroît les taux ovariens de l'ARNm Bax.
C'est dans ce contexte que Tina Matikainen et coll. ont conduit leurs travaux qui sont publiés dans « Nature Genetics ».
Apoptose des ovocytes
Sans entrer dans les détails, les chercheurs montrent que l'exposition des souris aux PAH induit l'expression de Bax dans les ovocytes et qu'il s'ensuit une apoptose. Ils montrent également que les dégâts ovariens provoqués par les PAH sont prévenus par l'inactivation du récepteur Arh ou du gène Bax.
Il est intéressant de remarquer que la dioxine, un biphényl halogéné qui active le récepteur Arh avec une haute affinité, n'induit pas de destruction ovocytaire. Cette différence entre PAH et dioxine n'est d'ailleurs pas limitée aux ovocytes : on sait déjà qu'elle concerne aussi les lymphocytes. Ainsi, deux ligands différents (PAH et dioxine) pour un même récepteur (Arh) peuvent avoir deux actions différentes sur l'expression d'un même gène (Bax) dans une même cellule.
Du tissu ovarien de femmes greffé à des souris
Les chercheurs ont complété leurs travaux en utilisant un modèle murin de xénogreffe de tissu ovarien de femmes ; cela pour voir si un même mécanisme peut être responsable des dégâts ovariens présumés survenir chez les femmes après exposition in vivo aux PAH.
Des échantillons de tissu ovarien humain ont été collectés chez trois femmes (33, 34 et 40 ans) à l'occasion d'une intervention gynécologique pour pathologie bénigne. Au total, 55 biopsies ovariennes corticales (de 1 à 2 mm2 chacune) ont été greffées en position sous-cutanée au-dessus du flanc chez 37 souris immunodéficientes (NOD-SCID). Ces souris ont ensuite reçu par voie intrapéritonéale une injection unique soit de paraffine, soit de DMBA. Les greffons ont été enlevés et analysés 1, 2, 3 ou 6 jours après l'injection. Résultat : on a observé une destruction ovocytaire dose-dépendante et temps-dépendante. A six jours, après la plus forte dose de DMBA, environ 70 % des follicules primordiaux et primaires étaient détruits, contre 6 % seulement après injection de paraffine. « Ces résultats constituent la première preuve directe que les PAH induisent une mort des ovocytes humains in vivo et que cette perte ovocytaire, comme chez la souris, est associée à une accumulation de protéine Bax », estiment les auteurs.
« Nous avons identifié un nouveau signal intracellulaire de mort cellulaire et nous avons montré que l'activation de ce système par le DMBA, un membre d'une classe de composés chimiques toxiques de l'environnement, peut provoquer une perte ovocytaire et une insuffisance ovarienne. »
Ces données, concluent les auteurs, suggèrent que « la survenue précoce de la ménopause chez les femmes fumeuses est provoquée, au moins en partie, par l'action préapoptotique, au niveau des ovocytes humains, des PAH de la fumée de cigarette ».
Nature Genetics », publication online avancée.
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