De notre correspondante
à New York
DEPUIS PLUS de cinquante ans, l'angiographie par rayons X est la principale méthode utilisée pour diagnostiquer une maladie cardio-vasculaire causée par des sténoses artérielles. Cet examen, certes extrêmement utile, est invasif et requiert l'exposition au rayonnement ionisant ainsi que l'injection dans le sang de produits de contraste. Ces derniers peuvent être toxiques sur le rein ; or de nombreux patients souffrant de maladie cardio-vasculaire ont déjà des reins affaiblis par leur maladie.
Les techniques d'angiographie non invasives actuelles - tomographie et résonance magnétique conventionnelle - permettent d'évaluer l'anatomie vasculaire, mais n'informent pas sur le flux sanguin. Or cette information est essentielle, car anatomie et fonction du vaisseau ne sont pas toujours liées ; une sténose de 70 % peut, chez un patient, altérer suffisamment le flux sanguin de façon à provoquer la mort cellulaire, alors que chez un autre patient elle est moins problématique à cause de différences subtiles de forme et de longueur du blocage.
La nouvelle technique d'angiographie non invasive par IRM (imagerie par résonance magnétique) modifiée, de Rehwald et coll. (Duke University, Durham, Caroline du Nord), constitue une avancée en offrant plus de sécurité et de confort au patient que l'angiographie par rayons X.
Champs magnétiques et signaux de radiofréquence.
L'IRM conventionnelle, rappelons-le, utilise des champs magnétiques et des signaux de radiofréquence qui sont inoffensifs. Sous l'effet des champs magnétiques, les noyaux d'hydrogène (ou protons), appartenant aux molécules d'eau des tissus, s'alignent. Les ondes de radiofréquence perturbent cet alignement, et les molécules émettent des signaux spécifiques en perdant l'énergie. La signature de ces molécules d'eau diffère selon les tissus, ce qui procure le contraste et la grande sensibilité de l'IRM.
Dans la nouvelle approche d'IRM, appelée Gcfp (Global Coherent Free Precession), le scanner IRM (par sa disposition particulière) excite et « marque » les protons du sang lorsqu'ils passent au travers du plan de coupe du scanner. Lorsque le sang quitte la coupe d'excitation, les protons sont encore excités et continuent d'émettre un signal de radiofréquence qui est détecté par le scanner. Ainsi le scanner est en train, simultanément, de marquer les protons et de recueillir les données. Le sang reste excité jusqu'à 16 cm du point d'excitation, et peut être ainsi visualisé au fur et à mesure qu'il coule dans l'espace tridimensionnel. Comme le notent les chercheurs, « le sang préalablement marqué est maintenu dans un état de précession libre cohérente globale (d'où Gcfp), qui permet d'acquérir des images consécutives de film, tandis que le cœur propulse le sang à travers le lit vasculaire ».
L'étude de l'aorte chez dix-huit volontaires.
Tout le tissu corporel entourant le sang circulant n'est jamais excité, puisqu'il ne traverse pas le plan du scanner, et reste donc invisible.
Les chercheurs ont ainsi visualisé l'aorte de 18 volontaires.
« Notre approche non invasive caractérise à la fois l'anatomie et le flux sanguin, et les images résultantes sont très similaires à la cathétérisation invasive », précise le Dr Robert Judd, codirecteur du centre de résonance magnétique cardio-vasculaire de l'université Duke, qui a dirigé ces travaux.
« En résumé, la Gcfp représente une nouvelle approche pour l'évaluation non invasive de la maladie cardio-vasculaire », déclare l'équipe.
« Bien que des travaux nécessaires soient nécessaires pour raffiner cette approche, la Gcfp représente déjà la seule technique capable d'examiner les effets fonctionnels de la maladie cardio-vasculaire, avec une interaction médecin-scanner en temps réel, sans procédure invasive, sans produit de contraste et sans radiation ionisante. »
Cette nouvelle technique pourrait être utilisée pour évaluer des sténoses dans les artères rénales et carotidiennes, et pour examiner la perméabilité des greffons de pontage, des shunts et des anastomoses. « Il est également raisonnable de croire que la Gcfp pourrait à terme jouer un rôle important pour visualiser les artères coronaires. Mais, puisque ces artères sont de petite taille et que la topographie du ventricule gauche est complexe, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour obtenir des images précises et utiles », fait observer le Dr Judd.
« Un développement technique supplémentaire sera nécessaire pour son entrée en pratique clinique, confie au "Quotidien" le Dr Judd. Nous projetons de perfectionner la technique de façon à optimiser la qualité de l'image et de faciliter son usage pour les cliniciens. »
« Nature Medicine », 5 avril 2004, doi: 10.1038/nm1027.
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