Les transformations du corps

La chirurgie esthétique peut-elle nous transformer ?

Publié le 05/03/2003
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Le temps de la médecine

Notre société marchande entretient soigneusement, consommation oblige, la confusion entre beauté et séduction. Cette confusion est dangereuse, dit Jean-Claude Hagège ; elle mène tout droit aux désillusions et aux cuisantes déceptions. « La beauté n'a plus le monopole de la séduction. Etre désirable n'a rien à voir avec la profondeur d'une ride », souligne-t-il.

Il n'en demeure pas moins que si le visage est illuminé par une vraie séduction intérieure, si celui-ci « est beau morphologiquement, cette beauté deviendra alors beaucoup plus éclatante ». D'où le pouvoir de séduire.
Une chirurgie esthétique réussie n'est pas celle qui transforme mais celle qui permet à un patient (plus souvent, encore aujourd'hui, une patiente) de retrouver une cohérence entre son apparence et ses sentiments. Autrement dit, de mettre en harmonie l'extérieur et l'intérieur. Le chirurgien peut favoriser ce pouvoir de séduction en redonnant à son (sa) patient(e) une expression perdue qui le rende à lui (elle)-même lorsque les stigmates du temps ont volé l'expression intérieure. Les patientes veulent aujourd'hui rester naturelles, vivantes. « Retirez ce qui n'est pas moi », disent-elles. L'évaluation de l'indication est donc un temps capital pour récuser les 5 à 10 % de demandes de « beauté obsessionnelle », reconnaître l'investissement démesuré dans une magie opératoire qui mène tout droit à l'échec. Il est également indispensable de reconnaître les identifications à des modèles dominants à la mode, celle d'une beauté extérieure à elle-même qui est une aberration. « La beauté n'est pas démocratique, contrairement à la séduction qui s'acquiert seul à seul, qui est un travail sur soi et sur la vie », affirme le Dr Hagège.
Qu'y a t-il de tellement séduisant chez Casanova ? Sa liberté, son audace, son désir de faire de sa vie une œuvre, l'expression libre d'une aventure intérieure. Pourquoi les gens drôles sont-ils attirants ? Parce que le rire séduit en traduisant une forme de liberté face au réel, une capacité de dépassement, de subversion. Cessons d'être spectateurs de nos propres vies, devenons-en les maîtres pour devenir les vrais acteurs de notre propre séduction. Nous serons alors vraiment transformés, explique le chirurgien.
Tout cela n'est pas pure abstraction, poursuit-il, car il existe un support anatomique à la séduction : le système limbique, relais entre le cortex et le système nerveux végétatif. Cerveau de nos sentiments, lieu de rencontre entre affect, sensualité et conscience.
Il suffirait donc de laisser se développer notre cerveau droit et ses connexions avec le système limbique pour faire croître notre capacité de séduire et par là embellir. Autrement dit, laissons parler nos émotions, s'exprimer notre système limbique étouffé sous le joug de notre cortex gauche dévolu à la rationalité et au conformisme social ! Sentons-nous beaux pour l'être. Entre être et paraître, optons pour les deux.

Une indication raisonnable et raisonnée

Pour Jean-Claude Hagège, « entre l'investissement démesuré dans l'image de soi et la résignation qui consiste à ne pas toucher à sa vraie nature, il y a la place pour une indication raisonnable et raisonnée de la chirurgie esthétique ». Lorsqu'elle est destinée à redonner confiance à quelqu'un, à lui permettre de recouvrer, et parfois de découvrir, le désir de communiquer avec les autres et la capacité de le faire, la correction d'un défaut ou d'un changement physique prend tout son sens et peut faire des miracles. Lorsque la correction des rides est destinée à faire revenir un mari volage, de vives désillusions sont au rendez-vous. Par son propos, Jean-Claude Hagège parvient à la fois à déculpabiliser ceux et celles qui ont mûrement pesé leur décision de recourir à la chirurgie esthétique en soulignant les bénéfices possibles de cette discipline sans pour autant en cacher les limites.
Si Daniel Benatar, chirurgien esthétique canadien, admet que la beauté est dans le regard de celui qui la voit, il souligne aussi les limites de cette formule pour le praticien soucieux de pallier le mécontentement esthétique qui a comme principales causes l'hérédité, les accidents, les maladies et le vieillissement.
Le beau peut être objectivé, explique-t-il en préambule de son ouvrage « de popularisation scientifique sur la chirurgie esthétique ». Les proportions divines (le fameux nombre d'or) signent en effet un rapport dimensionnel harmonieux repérable immédiatement par l'œil. Un chapitre entier est consacré à ces rapports dimensionnels, à cette cartographie corporelle de la beauté, photos de belles et de beaux à l'appui. Avant d'aborder les différentes interventions proposées par la chirurgie plastique et esthétique moderne, et de détailler leurs bénéfices attendus et leurs risques, l'auteur souligne la nécessité de comprendre que pour transformer une image, les chirurgiens de la beauté ne se contentent pas de ces seules mesures esthétiques. Nous voilà donc rassurés !
Pour ceux et celles qui garderaient leurs réticences, il ne reste qu'à méditer ce propos d'Oscar Wilde, cité par Jean-Claude Hagège : « Et ses rides s'effacèrent dans la splendeur de son sourire. »

« Le Pouvoir de séduire », Jean-Claude Hagège, Odile Jacob, 256 pages, 21 euros.

Dr Caroline MARTINEAU

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7288