Depuis deux ou trois ans, grâce à de nouvelles voies d'abord et de meilleures techniques de reconstruction, la chirurgie lourde carcinologique cervico-faciale a effectué d'importants progrès.
TRADITIONNELLEMENT, le congrès de la Société française d'oto-rhino-laryngologie et de chirurgie de la face et du cou consacre une scéance au travail des centres de lutte contre le cancer. Cette année, la table ronde a permis de mesurer les progrès récents accomplis dans le domaine de la chirurgie cervico-faciale en matière de voie d'abord, de marges d'exérèse, et de qualité des résultats fonctionnels et esthétiques.
Ces progrès sont liés à de nouveaux outils. Outils d'évaluation d'abord, comme le PET-scan, ou la lymphoscintigraphie, qui permet le repérage peropératoire des ganglions sentinelles. Outils proprement antitumoraux, ensuite, comme les radiofréquences utilisées contre les tumeurs profondes. Outils de la pratique chirurgicale elle-même, enfin, qui vont des pinces à thermofusion, «lesquelles autorisent un gain de 20% sur les temps chirurgicaux et la sécurisation de l'hémostase», indique le Dr Gilles Dolivet (centre Alexis-Vautrin, Vandoeuvre-lès-Nancy), au monitoring peropératoire des nerfs craniens, qui permet une chirurgie plus conservatrice, en passant par la chirurgie assistée par ordinateur, qui permet l'ajustement des marges d'exérèse. Le Dr Dolivet évoque également la chirurgie robot-assistée, actuellement essentiellement employée pour la cavité abdominale, «mais qui pourrait parfaitement s'adapter à la chirurgie par endoscopie».
Améliorations fonctionnelles et esthétiques.
Ces nouveaux outils et les recherches des chirurgiens ont permis l'apparition de techniques moins mutilantes et l'amélioration des procédés de reconstruction. L'expérience du centre Antoine-Lacassagne (Nice) montre cette évolution. De 1979 à 2006, 301 patients ont subi une opération de l'oro-pharynx. «On peut distinguer quatre périodes», explique le Pr Gilles Poissonnet (Nice). Jusqu'en 1986, la mandibulectomie est restée quasi systématique. A partir de 1986 apparaîtla voie transmandibulaire, suivie par la voie sous-labiale. Enfin, depuis 2005, on privilégie la voie mixte, c'est-à-dire la résection de la partie supérieure de la tumeur par voie endo-buccale, puis passage par la voie cervicale. «Depuis 2005, les deux tiers des chirurgies réalisées à Nice sont des voies mixtes», indique le Pr Poissonnet, qui souligne «des résultats très satisfaisants sur les plans fonctionnel et esthétique».
Ces améliorations fonctionnelles et esthétiques doivent aussi beaucoup aux techniques de reconstruction. Les lambeaux pédiculés cutanés, utilisés avant 1979, sont devenus musculo-cutanés. Ils sont complétés par les lambeaux libres, utilisés pour les reconstruction difficiles, comme celle du voile du palais. Des lambeaux osseux (péroné) sont, en outre, utilisés pour la reconstruction de la mandibule postéro-latérale. «Les lambeaux pédiculés gardent une place en chirurgie», explique le Dr Olivier Dassonville (centre Antoine-Lacassagne, Nice), «notamment lorsqu'il s'agit de restaurer les volumes». Mais les lambeaux libres «améliorent de manière sensible le statut fonctionnel et la qualité de vie des patients. Cela avec “de bons résultats carcinologiques”, la survie sans rechute à cinq ans étant de 64%».
Table ronde sur la chirurgie lourde carcinologique : nouveaux concepts, nouvelles techniques, nouveaux outils, organisée sous l'égide des centres de lutte contre le cancer. D'après les interventions du Dr Gilles Dolivet (centre Alexis-Vautrin, Vandoeuvre-lès-Nancy), du Pr Gilles Poissonnet et du Dr Olivier Dassonville (centre Antoine-Lacassagne, Nice), et du Dr Marie-Odile Rieussec (centre médical Rocheplane, Saint-Hilaire-du-Touvet).
La réadaptation-rééducation accompagne les progrès de la chirurgie
L'importance du travail postchirurgical se développe, avec l'intégration de psychologues, de diététiciens et d'ergothérapeutes aux équipes. Quant à la kinésisthérapie classique, ses techniques n'ont pas fondamentalement changé. Mais, selon le Dr Marie-Odile Rieussec (centre médical Rocheplane, Saint-Hilaire-du-Touvet), «le travail tissulaire est d'autant plus utile que la chirurgie a de plus en plus recours aux lambeaux».
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