LE NATIONALISME chinois, avec ou sans capitalisme débridé, a toujours été d'une intransigeance qui confine au fanatisme. Pékin n'a jamais renoncé à Taïwan et conduit au Tibet depuis 60 ans une politique destinée à effacer, si possible, les particularités ethniques d'un pays représentant un quart du territoire total de la Chine. On comprend qu'il ne soit pas question pour les Chinois de renoncer au Tibet. Mais les Tibétains sont fondés à dire que Pékin se livre sur leur pays à ce qu'ils appellent un « génocide culturel » : il s'agit bien de recoloniser le Tibet en y implantant des Chinois venus d'ailleurs.
Un train Pékin-Lhassa.
Cette politique s'accompagne de quelques bienfaits comme un train moderne qui va de Pékin à Lhassa et désenclave ainsi le Tibet, et un taux de croissance qui a amélioré le sort des Tibétains.
Ceux-ci disposent d'un atout moral considérable, le dalaï-lama. Mais il semble bien que tous les bouddhistes du Tibet ne partagent pas ses positions résolument non-violentes. Personne ne peut feindre d'ignorer que les émeutes se sont produites à cinq mois des jeux Olympiques de Pékin. Une fois encore, il s'agit d'alerter l'opinion mondiale sur la tragédie d'un peuple qui se poursuit sans espoir apparent d'une solution satisfaisante. Pékin compte sur le temps pour venir à bout de toute rébellion indépendantiste au Tibet. Sans doute les plus déterminés des Tibétains estiment-ils, de leur côté, que le temps ne joue pas pour eux.
Le dalaï lama ne milite pas pour l'indépendance du Tibet mais pour son autonomie et pour le respect par la Chine de sa religion, de ses us et coutumes, de sa culture. Cette revendication très raisonnable ne convainc guère le gouvernement chinois qui espère « normaliser » le Tibet par une sinisation lente mais constante. Que des Tibétains soient saisis d'impatience est plus que compréhensible ; que le dalaï-lama, âgé et fatigué, n'offre plus tout à fait à la jeunesse tibétaine en colère la philosophie politique qui lui convient l'est tout autant ; que la capacité de Pékin à écraser toute velléité de révolte l'est encore plus.
Mais les Tibétains indignés attendent que le monde leur vienne enfin en aide. Dès les premières heures des émeutes, auxquelles la Chine a riposté avec sa violence ordinaire, s'est posée la question des jeux Olympiques. Ce qui a ouvert dans le monde un débat aussi absurde que ridicule.
Car la meilleure façon d'aider des gens qui aspirent à la liberté et sont réprimés sévèrement par un pouvoir central, c'est de refuser de tenir les JO dans le pays même qui se livre cyniquement à ce déni de démocratie. Au moment où Pékin a été choisie par le Comité olympique international, qui s'est vraiment posé la question de ce choix ? Et qui, aujourd'hui, à quelques mois de la grande fête sportive, pourrait décider de l'organiser ailleurs ? Qui, en outre, veut jouer ce jeu-là avec la Chine, qui participe plus que jamais au développement et au commerce mondiaux ?
IL FAUDRAIT TOUT SIMPLEMENT REFUSER DE TENIR LES JO DANS UN PAYS A REGIME AUTORITAIRE
Pas bon ménage.
Ce n'est pas la première fois que les jeux Olympiques sont infectés par la politique. Le président américain Jimmy Carter a voulu boycotter les JO à Moscou ; longtemps auparavant, on a vaguement songé à boycotter les JO Allemagne nazie. Les boycotteurs n'ont jamais fait que priver leurs athlètes des médailles que ceux-ci auraient pu remporter. Le sport et la politique ne font pas bon ménage. Simplement, il serait judicieux que, parmi les règles rigoureuses qui ont empêché Paris d'être désignée comme capitale olympique en 2012, la nature du régime qui accueille les Jeux fasse l'objet d'une clause. On peut craindre que Pékin aurait été choisie avec un régime encore plus arbitraire. Et que les insurgés du Tibet surévaluent l'importance des considérations politiques dans le choix d'une ville.
On nous propose, en conséquence, un ou des gestes de défi pendant la cérémonie d'ouverture, de discrètes démarches diplomatiques (celles qui n'ont jamais produit le moindre résultat), et de rappeler les droits de l'homme à la Chine en toute circonstance. Ce sera fait. La presse des pays libres sait jouer son rôle. Mais cela ne servira à rien.
On rapprochera ce problème d'initiation à la démocratie d'un gouvernement de la manière dont l'Europe s'élargit : le pays candidat doit faire d'intenses efforts pour libéraliser son régime, ses pratiques économiques et sociales, ses moeurs. Les JO pouvaient être utilisés pour inciter la Chine à améliorer, à la faveur de sa magnifique croissance, ses méthodes et ses principes de gouvernement. On s'est bien gardé d'en faire cet usage. Pas de Jeux pour les dictatures, voilà qui eût été une bonne façon de s'adresser à un géant qui pratique à tout-va l'économisme, le productivisme et le nationalisme, mais pas les libertés. Boycotter aujourd'hui la Chine reviendrait à désespérer le monde sportif. C'est tellement hypocrite d'en parler que personne n'ose plus soutenir l'idée publiquement.
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