Journées francophones de pathologie digestive (SNFGE)
du 17-21 mars 2007 à Lyon
BIEN QUE son incidence ait tendance à diminuer, le cancer de l'estomac reste un problème difficile car, avec une survie à cinq ans de seulement 20 %, son pronostic est très sombre. Les plus fréquents sont les cancers du cardia et des adénocarcinomes du tiers inférieur de l'oesophage, sans doute parce qu'ils surviennent sur une muqueuse de Barrett. Ces tumeurs relèvent d'un traitement chirurgical. Pour améliorer les résultats, plusieurs types de chimiothérapies postopératoires dites adjuvantes ont été proposés, mais avec des résultats décevants. En 2001, l'étude américaine de J. S. Macdonald (1) avait été la première à comparer la chirurgie seule à la chirurgie associée à deux cycles de chimiothérapie (5 fluoro-uracile et acide folique) et à une radiothérapie postopératoire. Avec une survie à trois ans de 48 % contre 31 % dans le groupe chirurgie seule, le bénéfice de l'association chirurgie-chimiothérapie-radiothérapie a ainsi pu être prouvé. «Cependant, cette radio-chimiothérapie postopératoire est difficilement supportée et seulement 50% des patients peuvent en bénéficier. C'est pourquoi, on s'est orienté vers une chimiothérapie préopératoire, dite néoadjuvante, qui a l'avantage d'être mieux tolérée et de permettre d'évaluer la chimiosensibilité de la tumeur», explique le Dr Lasser.
Un essai randomisé conçu à l'institut Gustave-Roussy a été mené entre 1995 et 2003 pour comparer l'association 5 fluoro-uracile - cisplatine avant l'intervention à la chirurgie seule. «Cette chimiothérapie a été choisie car son observance est bonne et peut donc être proposée à tous les patients, poursuit le Dr Philippe Lasser. Comme elle avait déjà été testée dans une étude de phaseII, on savait également qu'elle était efficace sur les adénocarcinomes de l'estomac –y compris les cancers du cardia– ou du bas oesophage. La chimiothérapie comprenait deux ou trois cycles de cisplatine (100 mg/m2) et de 5fluoro-uracile (800 mg/m2 , J1-J5 en perfusion continue) tous les 28jours. Les patients répondeurs à la chimiothérapie, mais ayant des ganglions positifs (N +) , ont également reçu cette chimiothérapie après l'intervention: 48% des patients du groupe chimiothérapie-chirurgie ont été concernés par cette mesure.» L'essai a inclus 224 patients issus de 28 centres – principalement des hommes (83 %) âgés en moyenne de 61 ans, parmi lesquels 113 ont reçu une chimiothérapie préopératoire. La répartition des types de tumeurs était homogène dans les deux groupes et comprenait une majorité de cancers du cardia (plus de 60 % dans les deux groupes).
Un décès d'origine toxique et huit interruptions de traitement ont été enregistrés dans le groupe chimiothérapie, les principaux effets secondaires ayant été la neutropénie et les vomissements. Cependant, le pourcentage de décès postopératoires a été le même dans les deux groupes (4,5 et 4,6 %). La morbidité a été un peu supérieure dans le groupe sous chimiothérapie (26 % contre 19 %). Une résection curative a pu être pratiquée chez 84 % des patients du groupe chimiothérapie, contre 73 % des patients du groupe chirurgie seule. De plus, le taux de ganglions atteints (N +) était de 67 % dans le groupe chimiothérapie, contre 80 % dans le groupe chirurgie seule. Enfin, la survie sans récidive a été à trois ans de 40 % dans le groupe chimiothérapie, contre seulement 25 % dans le groupe chirurgie, et de, respectivement, 34 % contre 21 % à cinq ans, ce qui est très significatif.
En accord avec l'essai MAGIC.
«Il s'agit donc d'un essai positif, montrant que la chimiothérapie préopératoire améliore bien la survie sans maladie des adénocarcinomes de l'estomac et du bas oesophage résécables», insiste le Dr Lasser. Une étude anglaise reposant sur le même principe (MAGIC Trial) a été publiée en 2006 (2). Elle porte sur 503 patients atteints d'un adénocarcinome du tiers inférieur de l'oesophage ou de l'estomac : tous ont été opérés et 250 ont eu une chimiothérapie préopératoire (trois cycles associant 5 FU, cisplatine et épirubicine). Cet essai s'est également révélé fortement positif, puisque la survie globale à cinq ans a été de 36 % dans le groupe chimiothérapie préopératoire contre 23 % dans le groupe chirurgie seule. A cinq ans, la survie sans récidive était, quant à elle, de, respectivement, 32 et 19 %. «Ces deux essais sont donc concordants. Ils tendent à prouver que la chimiothérapie préopératoire apporte bien un bénéfice réel aux patients qui peuvent en bénéficier», conclut le Dr Lasser.
D'après un entretien avec le Dr Philippe Lasser, chef du département de chirurgie générale à l'institut Gustave-Roussy, Villejuif.
(1) Macdonald JS, et al. « N Engl J Med » 2001 ; 345 : 725-30.
(2) Cunningham D, et al. « N Engl J Med » 2006 ; 355 : 11-20.
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