De notre correspondante
à New York
« EN RAISON des bénéfices très importants démontrés dans notre étude, nous recommandons qu'une courte chimiothérapie après l'ablation chirurgicale soit la nouvelle norme de traitement », suggère le Dr Timothy Winton (Edmonton, université d'Alberta), principal investigateur du travail, dirigé par l'Institut national du cancer du Canada, en collaboration avec le NCI des Etats-Unis.
Jusqu'ici, au stade précoce d'un cancer du poumon non à petites cellules, le traitement de choix était l'ablation chirurgicale. Mais la survie à cinq ans n'atteint que 30 à 60 %, selon la taille de la tumeur et la présence ou non d'un envahissement ganglionnaire. Ce qui suggère la nécessité d'un traitement systémique et le rôle de la chimiothérapie adjuvante reste controversé dans le cancer du poumon non à petites cellules.
Bien que l'essai IALT, conduit auparavant chez des patients au stade I, II ou IIIA, ait mis en évidence un gain modeste de survie (4 %) avec une chimiothérapie à base de cisplatine, les médecins n'étaient pas convaincus. Ils se fondaient sur la toxicité potentielle du traitement, pour un bénéfice modeste de survie, et les résultats négatifs dans d'autres études.
JBR10 est la première étude randomisée à évaluer, en association avec le cisplatine, un agent anticancéreux de 3e génération - la vinorelbine.
Tous les patients sont ambulatoires.
Cette étude sur sept ans a commencé au Canada en 1994, puis s'est étendue aux Etats-Unis en 1998. Elle porte sur 482 patients présentant un cancer au stade IB (T2N0) ou II (T1N1 ou T2 N1). Elle se concentre donc sur un sous-groupe de sujets opérables. De plus, tous les patients sont ambulatoires, peu symptomatiques et en bon état général. Deux groupes ont été créés après randomisation : soit un traitement adjuvant (commencé dans les six semaines suivant la chirurgie), soit une observation. La chimiothérapie a été administrée pendant seize semaines (vinorelbine, une fois par semaine ; cisplatine, à J1 et J8 toutes les quatre semaines, pendant quatre cycles).
Après un suivi moyen de plus de cinq ans, la survie globale est nettement prolongée avec la chimiothérapie adjuvante, près de huit ans contre six et le délai de récidive est plus long. Le traitement adjuvant améliore de 15 % le taux de survie à cinq ans. Il fait passer à 69 % le taux de patients qui survivent plus de cinq ans contre seulement 54 % pour la seule chirurgie. Il diminue aussi le risque de décès de 31 %.
La toxicité de la chimiothérapie n'est pas excessive : moins de 10 % d'effets sévères (neutropénie, nausées et vomissements, ou neurotoxicité de grade 3 ou 4) ; 2 décès liés au traitement (0,8 %).
En Amérique du Nord, 9 000 survies de plus.
« Cette étude a changé la pratique standard dans le monde, déclare au "Quotidien" le Dr Winton. L'ajout de la chimiothérapie adjuvante après résection du cancer précoce entraînera des bénéfices importants, en prévenant ou en retardant la récidive et le décès. En Amérique du Nord, si l'on extrapole les résultats de l'étude, cela donne chaque année 9 000 survies de plus au-delà de cinq ans. »
Comme le remarque dans un éditorial le Dr Katherine Pisters (Houston), ces résultats sont confortés par ceux de l'étude CALGB qui a évalué l'association carboplatine-paclitaxel chez 344 patients présentant un cancer au stade IB. La survie à quatre ans a été améliorée de 12 % (71 % contre 59 %). De plus, l'étude Anita, présentée cette année au congrès de l'Asco, et portant sur 840 patients ayant un cancer au stade IB, II ou IIA, montre que l'association vinorelbine et cisplatine améliore la survie à cinq ans de 8 % (51 % contre 43 %) et réduit le risque de décès de 21 %.
« Ces résultats mettent fin à la controverse autour de la chimiothérapie adjuvante pour le cancer du poumon non à petites cellules résecable, affirme-t-elle. Une chimiothérapie adjuvante fondée sur le platine doit être recommandée après résection complète du cancer, chez les patients qui ont un bon indice fonctionnel. »
« New England Journal of Medicine », 23 juin 2005, pp. 2589 et 2640, Winton et coll.
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