De notre correspondante
à New York
LE CANCER DU PANCREAS est de sombre pronostic, puisque la survie globale à cinq ans varie entre 0,4 et 4 % selon les études. Sa résection chirurgicale, qui n'est malheureusement possible que chez 10 % des patients, améliore le pronostic, mais la survie à long terme reste faible.
Une thérapie postopératoire (ou adjuvante) pourrait améliorer la survie à long terme. Mais son rôle n'est pas bien défini car les résultats des études randomisées ont été jusqu'ici mitigés ou peu concluants.
Ainsi, si le bénéfice potentiel de la thérapie adjuvante est reconnu depuis près de vingt ans grâce à l'étude Gitsg, trois études randomisées ultérieures n'ont pas confirmé ce bénéfice. De surcroît, on ne sait pas bien si l'avantage de survie dans l'essai Gitsg était dû à la combinaison de la chimioradiothérapie et de la chimiothérapie d'entretien, ou lié seulement à l'un de ces traitements.
Un suivi moyen de dix mois.
Neoptolemos (université de Liverpool, Royaume-Uni) et coll. publient aujourd'hui les résultats finaux, après un suivi moyen de quatre ans, de l'étude Espac-1 (European Study Group for Pancreatic Cancer). Les résultats intermédiaires après un suivi moyen de dix mois suggéraient le bénéfice de la chimiothérapie adjuvante.
L'étude menée dans 53 hôpitaux de 11 pays européens est à ce jour la plus vaste étude randomisée de traitement adjuvant pour le cancer du pancréas.
Dans l'étude présentée, 289 patients ayant subi une résection d'un cancer pancréatique ont été randomisés en 4 groupes de traitement : chimioradiothérapie adjuvante seule (n = 73 ; radiothérapie de 20 Gy sur une période de deux semaines associée au fluorouracile) ; chimiothérapie adjuvante (n = 75 ; leucovorine et 6 cycles de fluorouracile) ; chimioradiothérapie suivie de chimiothérapie (n = 72) ; ou observation (n = 69). L'utilisation d'un plan factoriel deux par deux a permis d'évaluer les effets indépendants de la radiochimiothérapie (145 patients avec, comparés à 144 patients sans radiochimiothérapie) et de la chimiothérapie (147 patients avec chimiothérapie comparés à 142 patients sans chimiothérapie seule).
L'analyse repose sur 237 décès parmi les 289 patients (82 %) et un suivi moyen de quatre ans.
Résultat, la chimiothérapie adjuvante confère un net avantage de survie ; le taux de survie à cinq ans est de 21 % pour les patients traités pas chimiothérapie adjuvante, comparé à 8 % pour ceux qui ne reçoivent pas la chimiothérapie. Ce bénéfice persiste après ajustement pour les principaux facteurs de pronostic.
« L'effet de la chimiothérapie adjuvante est particulièrement encourageant, étant donné que 18 % des patients présentaient des bords de résection positifs », précisent en outre les investigateurs.
La chimioradiothérapie réduit la survie.
En revanche, la chimioradiothérapie adjuvante non seulement n'apporte pas de bénéfice mais réduit même la survie ; le taux de survie à cinq ans est ainsi de seulement 10 % pour ceux qui reçoivent la chimioradiothérapie, comparé à 20 % pour ceux qui ne la reçoivent pas.
Pour les investigateurs, cette réduction de survie est probablement liée au fait que la chimioradiothérapie retarde l'administration précoce de la chimiothérapie bénéfique (permettant de différer les récurrences locales et à distance). Toutefois, pour le Dr Choti (hôpital Johns Hopkins, Baltimore) auteur d'un éditorial, « il est très probable que l'effet délétère de la chimioradiothérapie soit dû aux effets toxiques liés au traitement » ; en effet, remarque-t-il, les patients recevant la chimioradiothérapie seule ont une moins bonne survie que ceux qui ne reçoivent pas de traitement adjuvant.
Neoptolemos et coll. proposent en conclusion que « le traitement standard devrait consister en une résection chirurgicale curative du cancer du pancréas suivie d'une chimiothérapie systémique adjuvante ».
On peut noter toutefois que malgré l'amélioration de la survie dans cette étude, le pronostic reste encore sombre. Fort heureusement, des études en cours comparant différentes chimiothérapies, et des études de phase 2 explorant de nouveaux agents biologiques et chimiothérapiques soulèvent l'espoir de progrès thérapeutiques.
« New England Journal of Medicine », 18 mars 2004, pp. 1200 et 1249.
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