Décidemment, les arrêts de travail sont dans la ligne de mire de Bercy. Et le PLFSS 2010 prévoit plusieurs mesures pour tenter d’endiguer leur progression. Alors que, bon an mal an, l’augmentation des dépenses d’assurance maladie reste, autour de 3 %, les IJ s’envolent. Elles ont progressé de 5,8 % en 2008 et de 6,6 % sur les cinq premiers mois de l’année 2009. « J’ai proposé de continuer à lutter contre les arrêts de travail injustifiés parce qu’ils sont encore beaucoup trop nombreux (13 % selon la CNAM pour les arrêts courts),» a fait valoir Éric Woerth, le ministre des comptes. Les récidivistes sont particulièrement visés et les prescriptions des généralistes seront toujours plus contrôlées. Ainsi, une personne ayant fait l’objet d’une suspension d’IJ pour arrêt injustifié ne pourra avoir automatiquement ses IJ si elle se fait prescrire immédiatement un autre arrêt de travail. Il faudra obligatoirement un accord préalable de la caisse.
De la même manière, les nouvelles modalités de la contre-visite à l’initiative de l’employeurs, expérimentées en 2008, vont être généralisées. Désormais, lorsqu’un employeur ayant des doutes sur la justification d’un arrêt de travail aura recours à une contre-visite par une société privée, la caisse sera obligée de tenir compte de cet avis. Elle aura le choix entre effectuer un nouveau contrôle ou suspendre immédiatement les IJ. « Le bilan de l’expérimentation conclut à l’efficacité de la mesure, puisque 70 % des assurés qui ont fait l’objet d’une contre-visite concluant à l’absence de justification de leur arrêt de travail ont, soit repris le travail de façon anticipée, soit connu une suspension d’IJ, » s’est félicité le ministre des comptes. Il a également promis que les contrôles dans la fonction publique soient renforcés, en faisant désormais intervenir le contrôle des caisses dès 2010.
Les contrôles à la source seront également renforcés. « L’extension de la mise sous entente préalable, qui fera l’objet d’une procédure rénovée en 2010, permettra de sanctionner plus efficacement les susprescripteurs » a prévenu la ministre de la Santé. Actuellement la procédure de mise sous entente préalable des « surprescriptions » d’arrêt de travail, telle qu’elle a été mise en place en 2006, a permis d’économiser 47,7 millions d’euros sur trois ans, en touchant moins de 150 médecins par an. Si le dispositif s’est avéré utile, mais dans des situations réellement rarissimes la première année, il commence s’essouffler. Le cabinet de Maître Fabrice Di Vizio défend actuellement deux médecins par semaine dans toute la France et particulièrement en PACA. « Nous observons un phénomène nouveau, observe l’avocat. Il y a quelques années, les CPAM ciblaient des gens qui prescrivaient jusqu’à sept fois plus que leurs confrères. En soi, cela n’avait rien d’illégitime. Mais aujourd’hui, on assiste à un durcissement des contrôles. Des médecins qui prescrivent deux fois plus d’IJ que leurs confrères se retrouvent dans la ligne de mire alors que les arrêts sont médicalement justifiés et que cela correspond au profil de leur patientèle ».
Il cite cette consœur de Nice qui prescrivait deux fois et demi plus d’IJ que les autres généralistes du département : beaucoup moins en courte durée et beaucoup plus en longue durée. Et pour cause, une vingtaine de ses patients quadragénéraires avaient des pathologies lourdes et cumulaient à eux seuls les deux tiers des IJ de cette généraliste, arrêts de longue durée qui avaient été validés par le contrôle médical. « Les caisses doivent faire du chiffre, analyse maître Di Vizio. C’est de l’intimidation pure et simple. Certains des médecins qui je défends le vivent très mal ».
Délits statistiques ?
Comme cette généraliste, de plus en plus de médecins de PACA, se retrouvent depuis juillet ainsi convoqués pour un « entretien partenarial » version light de la « commission de pénalités ». « Les praticiens ainsi entendus ne sont pas mis sous entente préalable, explique encore l’avocat. Mais on leur explique que pendant six mois leurs prescriptions vont être surveillées. Et si au terme de cette période, elles n’ont pas baissé, ils seront mis sous entente préalable ». Cette procédure préfigure en fait une disposition du PLFSS. L’article 30 décrit exactement ce qu’ont pu « expérimenter » les médecins de PACA. L’exposé des motifs reconnaît que la mise sous entente préalable est « un dispositif lourd pour les médecins qui y sont soumis puisqu’ils doivent justifier chacune des prescriptions au service du contrôle médical » mais surtout « coûteux en gestion pour les organismes locaux (...) ainsi que pour les services du contrôle médical qui doivent donner des avis sur toutes les prescriptions concernées dans un délai très bref ».
Le médecin aura le choix entre être mis sous entente préalable tout de suite ou se voir imposer des objectifs de baisse de prescriptions. Si ces derniers ne sont pas atteints dans les délais, le médecin subira une pénalité financière, proportionnelle à son « écart avec les objectifs ». Pour Michel Chassang, président de la CSMF, « a priori, cela va plutôt dans le sens d’un allégement de la procédure si elle permet d’éviter les mises sous entente préalable, mais attention au délit statistique ». « Union généraliste » est plus inquiet, trouvant la démarche « purement idéologique ». En fait, tout dépendra de qui sera visé et dans quelle mesure les CPAM utiliseront ce nouvel outil répressif mis à leur disposition.
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