C'EST DE BONNE GUERRE. La gauche tire toutes ses flèches contre le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. Le contexte politique est idéal : le chef de l'Etat et le Premier ministre baissent de nouveau dans les sondages ; une série d'épisodes inédits dans le combat politique, depuis la pétition dénonçant la « guerre contre l'intelligence » jusqu'à la création du mouvement « K.-O. social », qui veut unifier les mécontentements, en passant par l'incident de la Nuit des césars, a rendu le terrain extrêmement favorable à un assaut frontal contre la politique économique et sociale de M. Raffarin.
Les socialistes ont choisi une méthode qui semble équitable en présentant une motion de censure : certes, ils n'espèrent pas faire tomber le gouvernement, mais ils le contraignent à s'expliquer sur sa politique et sur ses projets. Et Julien Dray est fondé à dire que la réforme du système de santé ne peut pas être adoptée en catimini, qu'elle doit faire l'objet d'un vaste débat national et que toutes les forces de la nation doivent y être associés.
LA BATAILLE EST VIRTUELLE : ELLE ENGAGE LES APPAREILS PLUS QUE LES ELECTEURS
Les faiblesses de la droite.
La gauche, en même temps, s'efforce d'exploiter les faiblesses et les contradictions de la droite : la dissidence de François Bayrou, qui agace et embarrasse MM. Chirac et Raffarin ; le problème (énorme) posé par Nicolas Sarkozy qui rejette furieusement le plan du chef de l'Etat pour assurer l'avenir d'Alain Juppé et menace soit de refonder la majorité, soit de s'en emparer ; l'accord occulte et le partage des rôles qui s'ensuit entre Jean-Pierre Raffarin et le ministre de l'Intérieur, comme si les attributions respectives de l'après-régionales pouvaient être définies par deux hommes et avant le scrutin ; l'impopularité croissante du gouvernement qui se trouve au milieu du gué alors qu'on tire sur lui de toutes parts ; la conviction croissante de la gauche qu'elle peut gagner le scrutin de mars.
On constate donc un affaiblissement au moins apparent de la droite et un retour en force de la gauche qui organise son assaut avec plus de cohérence et moins de démagogie que d'habitude.
Il est vrai toutefois que la bataille est virtuelle, qu'elle engage davantage les partis que les électeurs, indifférents à tout ce tintamarre, tentés par l'abstention, fatalistes quant aux perspectives de croissance, et fort peu stimulés par une consultation, formellement locale, mais transformée en test national par la conjoncture.
Les atouts de la gauche.
Les socialistes, sinon leurs associés, disposent de quelques atouts considérables : un sens hypertrophié de la communication qui leur permet de prendre en charge tous les mécontentements catégoriels, y compris ceux qui traduisent une posture politique plus qu'une revendication précise ; cette récupération discrète sape le travail de l'extrême gauche, toujours vouée (au moins en ce qui concerne l'alliance Laguiller-Besancenot) à faire perdre la gauche parlementaire au deuxième tour ; l'entrée en campagne de Lionel Jospin, qui avance masqué (un tour de force alliant la discrétion et l'interventionnisme) en semant, de loin en loin, un commentaire particulièrement dur pour la majorité, et sans admettre qu'il est intéressé par une candidature à la présidentielle ou par le leadership de son parti ; la campagne personnelle de Laurent Fabius qui est fort bien organisée (un livre, donc des apparitions télévisées, un style plus détendu, donc proche du peuple, des idées remaniées (adieu la gauche caviar, vive le peuple !), donc plus en phase avec l'irrationnel populaire.
Feu de paille ou insurrection ? Les socialistes risquent fort d'être déçus au lendemain du deuxième tour, soit parce que leur score sera moins bon que ce qu'ils espéraient et que, après qu'ils auront « politisé » le scrutin, un rapport de forces inchangé apparaîtrait comme un échec, soit parce que le taux d'abstentions privera le vote de toute signification : encore une fois, on perçoit plus d'ardeur au niveau des appareils qu'à celui des électeurs, dont beaucoup disent qu'ils ne savent comment ils voteront ou même s'ils voteront, tout en affirmant qu'ils comptent émettre un « vote-sanction » (l'expression semble plus les séduire que ce qu'elle est censée signifier).
L'UMP n'est pas en reste qui dépense des trésors d'énergie, mais ne parvient pas à faire passer le message compliqué du réformisme dans une population écœurée par sa politique sociale.
D'ici à juillet, un regain de croissance, la réduction du taux chômage déjà commencée, des perspectives meilleures pourraient calmer le jeu politique. Mais pour les régionales, ce sera trop tard.
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