LE DÉPISTAGE organisé du cancer du sein se décline partout en France, depuis 2004, selon des règles identiques. Grâce à la mobilisation du corps médical, la mammographie, prise en charge à 100 % par l'assurance-maladie, proposée tous les deux ans aux femmes de 50 à 74 ans, se transforme en passeport pour la vie. Le taux de survie à cinq ans du cancer du sein est dorénavant de 84 à 90 %. L'intérêt de la double lecture de la mammographie est démontré : la seconde interprétation identifie 6,5 % de tumeurs malignes non détectées au départ. Globalement, les retombées du dépistage organisé et gratuit se révèlent encourageantes. Trois mille vies pourraient être sauvées chaque année si toutes les Françaises de 50 à 74 ans y répondaient favorablement.
Le généraliste
Pour le Dr Françoise Bourgeois, généraliste à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine) depuis vingt-trois ans, demander, «dès la quarantaine, aux femmesnon suivies en gynécologie où elles en sont avec la mammographie et si elles ont des antécédents familiaux» est un réflexe. «Les sexagénaires se montrent les plus négligentes. Elles se croient à l'abri», dit-elle. La meilleure des solutions serait, de son point de vue, «de mettre en place une consultation annuelle de prévention réservée à la population féminine à partir de 50ans, ainsi qu'aux adolescentes. En médecine générale, explique-t-elle , on ne peut pas tout cumuler dans un même colloque singulier. Ce rendez-vous permettrait, en outre, de “récupérer” celles qui consultent peu».
Le gynécologue
Le Dr Antoine Kouri, gynécologue dans une clinique clichoise de Seine-Saint-Denis – premier département à développer, il y a près de vingt ans, le dépistage organisé du cancer du sein –, prend soin de recommander à ses «patientes âgées de 40 et 45ans de passer une mammographie». L'examen devra être régulier aussi pour les trentenaires à risque.Face à une microcalcification un peu suspecte, il procède lui-même, en tant que spécialiste en chirurgie gynécologique, à une ablation ; idem dans le cas d'une tumeur (biopsie sous échographie). Au stade du cancer, il s'en remet au staff multidisciplinaire (chirurgie avec plus ou moins de radio- ou chimiothérapie). Lors d'un diagnostic négatif, avec tumeur, il effectue là encore seul l'ablation, après examen extemporané.
Sa consoeur Francine Maurat Vuong, pour sa part, a le sentiment d'exercer depuis 1973 une médecine de prévention en tant que gynécologue boulonnaise (Hauts-de-Seine). «Je trouve naturel de convertir au dépistage mes patientes qui ne l'étaient pas. Mais le cas est rare, sachant que, comme tout spécialiste, ma clientèle est spontanément sélectionnée. En l'occurrence, elles ont une forte culture de prévention. À l'inverse, en dispensaire, je me dois d'éveiller chacune à se prendre en charge, à faire évoluer ses comportements. Cela se passe sans difficulté, la confiance aidant. Bien sûr, avec cette population de toutes origines, je peux découvrir le pire, mais exceptionnellement. Pendant la dernière période, j'ai vu chez deux jeunes femmes de 27 et 36ans un cancer de l'intervalle. N'oublions pas que près d'une tumeur maligne du sein sur deux apparaît avant 50ans.»
Le radiologue
En poste dans une clinique asniéroise depuis vingt-quatre ans, Laurence Eymeriat, radiologue, participe à la chaîne de prévention sur impulsion, en quelque sorte, de l'Association pour le dépistage du cancer du sein des Hauts-de-Seine. «Les femmes, dont trois sur cinq issues de milieux très défavorisés, se présentent avec un papier pour une mammographie gratuite que leur a fourni l'organisation départementale. Les cas bénins ou normaux font l'objet d'une seconde lecture à Nanterre, tandis que d'autres nécessitent une échographie. Parallèlement, une même proportion de patientes me sont adressées pour une mammographie standard.»
Le cancérologue
«Le cancer du sein? C'est une pathologie quotidienne, témoigne le Dr David Merran, cancérologue associé à un confrère depuis quinze ans à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine). Une quinzaine de patientes nous demandent une mammographie. La moitié répond à l'invitation du dépistage organisé. Parmi les autres, certaines sont âgées de 40 à 50ans, et quelques-unes ont rejeté le dépistage collectif car elles veulent connaître tout de suite le résultat, ce qui n'est pas possible avec la 2electure. Nous voyons également tous les jours au moins une femme atteinte d'un cancer, envoyée par un oncologue, un radiothérapeute ou un chirurgien, pour un bilan semestriel ou annuel.»
Au centre de lutte contre le cancer René-Huguenin de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine), Florence Lerebours, cancérologue, a affaire de plus en plus souvent à des patientes disposant de résultats d'une biopsie réalisée en médecine de ville. «Et les tumeurs non palpables sont quasiment la règle.» Systématiquement, elle fait une relecture des clichés qu'on lui remet.
Le chirurgien
En bout de chaîne, le Dr Catherine Bélichard, chirurgien (centre René-Huguenin), accueille, entre autres, les patientes que lui adressent le généraliste et le spécialiste, et des femmes qui consultent de leur propre initiative, «car elles sentent une boule». La plupart du temps, elle découvre, elle aussi, des lésions infracliniques.
Le dépistage systématique
L'organisation du dépistage systématique repose sur une structure de gestion départementale ; une chaîne mammographique – numérique en première lecture – vérifiée deux fois par an ; une formation spécifique des professionnels, qui s'engagent à effectuer au moins 500 examens annuels, 1 500 pour ceux qui participent à la deuxième lecture : un examen clinique et, en cas de mammographie positive, la prescription d'un bilan diagnostic immédiat ; et une double lecture centralisée.
L'AFSSAPS (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) et l'INCa (Institut du cancer) sélectionnent respectivement les organismes indépendants chargés du contrôle « qualité externe » des mammographes et la structure qui forme les médecins.
Quinze années d'Octobre rose
Le mois d'octobre est devenu à travers le monde le rendez-vous d'une campagne de sensibilisation contre le cancer du sein, à l'initiative d'Evelyn Lauder, présidente du groupe Estée Lauder, qui créa aux États-Unis en 1993 une Fondation pour la recherche. Un ruban rose témoigne du ralliement au dépistage précoce. En France, depuis 1994, les marques de cosmétiques Estée Lauder et Clinique, le magazine « Marie Claire » et le Pr Claude Jasmin, responsable du comité scientifique de l'association NRB (Nouvelles recherches biomédicales)-Vaincre le cancer animent chaque année ce qu'il est convenu d'appeler, à partir de 2006, l'Octobre rose. Pour sa 15e édition, les partenaires français ont créé l'association Le cancer du sein, Parlons-en !*, afin de promouvoir l'importance d'un dépistage très avancé.
La Journée de la santé du sein
C'est la première du genre : le 15 octobre, la commissaire européenne Androulla Vassiliou, le directeur de l'Agence internationale pour la recherche sur le cance,r Peter Boyle, le chirurgien Umberto Veronesi participeront au lancement de la Journée de la santé du sein. Pour la coalition européenne Europa Donna, il s'agit d'informer sur « l'énorme influence » des facteurs liés aux styles de vie, tels que la nutrition, l'activité physique et la prévention du surpoids, sur le risque de cancer du sein.
Dans l'Europe des Vingt-Sept, indique Europa Donna, une femme sur dix aura un cancer du sein avant l'âge de 80 ans.
Chiffres
. 50,7 % des 9 millions de femmes de 50 à 74 ans ont participé au dépistage en 2007.
. Avec 50 000 cas en 2005, le cancer du sein est la première cause de décès (11 000) par tumeurs malignes dans la population féminine. Son incidence a augmenté entre 1980 et 2005 de 2,4 % par an et son taux de mortalité décroît depuis 1998-2000 de 1,3 % annuellement.
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