LA CFTC A DÉCIDÉ de sortir du bois. Alors que la plupart des confédérations de salariés hésitent à se découvrir sur l'assurance-maladie, la centrale présidée par Jacques Voisin vient de valider plusieurs propositions concrètes qui, de son propre aveu, « risquent de provoquer un choc dans les professions de santé ». Selon ce document, la forte croissance des dépenses, notamment en ville, s'explique essentiellement par « une non-régulation doublée d'un manque de coordination de l'usage des biens médicaux ». L'augmentation des cotisations ou les baisses de remboursement n'ayant « rien résolu », la Cftc propose, comme le rapport Fragonard, des mesures « structurelles » portant sur l'organisation du système de soins et la coordination des soignants. Pour la Cftc, l' « optimisation des volumes (d'actes) » pourrait relever d'une double logique : l'accès direct au spécialiste pour des « situations ciblées telles que la gynécologie, la dermatologie ou l'ophtalmologie » ; l'accès aux soins primaires « par le médecin de famille », lequel est un « passage conseillé vers les spécialités ». Pour freiner la course à l'acte, la Cftc reprend l'idée d'une « hiérarchie des consultations » avec des tarifs différents revalorisés intégrant non seulement le contenu médical et social mais aussi le coût de fonctionnement du cabinet, les charges sociales et administratives ou la FMC. Ce schéma était au cœur du rapport du G7 élaboré en mai 2001 par trois syndicats de médecins (Csmf, SML et FMF) et quatre confédérations de salariés (CGT, FO, Cftc et CFE-CGC). Ce groupe de réflexion avait alors évalué à « 30 euros » la consultation de médecine générale. Alors que la contestation tarifaire des spécialistes libéraux s'amplifie, la Cftc fait un petit pas. Bien qu'elle ne soit « pas favorable au secteur II », elle affirme qu'il faudra examiner les « critères de dépassement médicaux justifiés par une contrainte particulière ».
Vers un coût médian de prise en charge.
La Cftc consacre une part importante de sa réflexion au dossier médical partagé (DMP) « informatisé et sécurisé », dont elle propose la mise en place « rapidement » pour tous les assurés en ALD (près de 6 millions de personnes), les malades « lourds » (1), toxicomanes, grands consommateurs d'alcool ou de tabac. Le patient détiendrait une « carte d'accès au médecin coordinateur et de synthèse » qui pourrait être, au choix, un généraliste ou un spécialiste. Utilisé aussi bien en ville qu'à l'hôpital, le DMP permettrait, selon la Cftc, de « conjuguer les compétences en fonction des pathologies ». Deux ans après la loi du 6 mars 2002 qui réformait l'architecture des conventions et prévoyait déjà le dossier médical, la Cftc constate que « tout est à construire ». Plus original, la Cftc suggère de généraliser des « conférences de consensus » réunissant généralistes, spécialistes et paramédicaux « issus d'un même canton », soit une quinzaine de petites villes. Accompagnés du médecin conseil de la caisse, ces professionnels de santé travailleraient ensemble à l'élaboration d'un « diagnostic commun propre à un groupe homogène de malades ». L'objectif serait la recherche d'un « coût médian de prise en charge adéquat », autrement dit du meilleur « rapport qualité-prix » possible .
Protocoles, qualité des traitements, pertinence des prescriptions, évaluation des pratiques : la Cftc souhaite que ces conférences de consensus locales deviennent le lieu pour « évaluer le bon exercice professionnel ». Principal inspirateur de ce projet à la Cftc, André Hoguet est formel : « Aucune régulation n'est possible sans l'implication des partenaires médicaux. »
Pour la confédération, ces deux mesures (DMP pour les malades lourds, conférences de consensus locales) sont la « clé de voûte » de la modernisation du système de soins. Mais le syndicat n'exclut pas qu'elles provoquent un « choc dans les professions de santé car il faudra accepter un partage des connaissances et une remise en cause liée aux résultats ».
Enfin, pour éviter l'émergence de déserts sanitaires, la Cftc suggère de calquer la répartition géographique des médecins libéraux sur le système de gestion d'implantation... des pharmacies. Une cartographie des besoins géographiques serait définie (nombre de généralistes et spécialistes par millier d'habitants) et « toute implantation supplémentaire de médecins ne donnerait lieu à aucun conventionnement ».
Selon le rapport du Haut Conseil, 5 % des personnes couvertes par l'assurance-maladie mobilisent 60 % des remboursements. Le régime des ALD représente à lui seul 48 % des dépenses.
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