CONGRES HEBDO
Il existe dans les maladies chroniques respiratoires en général, et dans l'asthme en particulier, des phénomènes de remodelage avec réparation des constituants de la paroi bronchique altérés par les phénomènes d'inflammation chronique. Ce remodelage d'allure cicatricielle contribue à l'installation d'une obstruction peu réversible. En effet, les médicaments antiasthmatiques agissent sur le versant inflammatoire de la maladie mais ont peu d'effets sur certaines lésions de remodelage. Une meilleure compréhension des mécanismes physiopathologiques est indispensable pour concevoir de nouvelles thérapeutiques efficaces.
La couche musculaire est infiltrée de mastocytes
Lors du remodelage de la paroi bronchique au cours de la maladie asthmatique, de nombreux médiateurs et facteurs de croissance sont impliqués dans la prolifération des cellules musculaires lisses. Les mastocytes semblent jouer un rôle important dans ce phénomène à travers des médiateurs protéasiques et certains facteurs d'attraction chimiotactique. Il a ainsi été montré que la couche musculaire lisse bronchique était infiltrée par des cellules inflammatoires dont une forte proportion de mastocytes. La présence de quelques cellules inflammatoires (lymphocytes, polynucléaires, mastocytes) à ce niveau peut être observée chez le sujet sain, mais, chez le malade asthmatique, les mastocytes sont beaucoup plus nombreux, libérant des médiateurs susceptibles d'induire et d'entretenir une hyperréactivité bronchique.
Très récemment, des auteurs anglo-saxons ont comparé l'infiltration mastocytaire de la couche musculaire lisse bronchique chez des malades asthmatiques et chez des sujets souffrant de bronchite chronique à éosinophiles. Cette entité anatomoclinique ressemble à l'asthme (toux chronique, infiltration éosinophile), mais diffère par l'absence d'hyperréactivité bronchique. Dans ce travail, il a été montré que seuls les tissus d'asthmatiques avaient une augmentation significative des mastocytes au niveau de la couche musculaire lisse suggérant une relation avec la notion d' hyperréactivité bronchique.
Un modèle in vitro développé dans le laboratoire de physiologie cellulaire respiratoire de Bordeaux a également permis de montrer que des bronches humaines devenues hyperréactives par un processus de sensibilisation passive avaient également une infiltration mastocytaire anormale du muscle lisse et que les médiateurs mastocytaires étaient capables d'induire cette anomalie fonctionnelle. Des auteurs australiens ont également observé des phénomènes comparables chez des personnes atopiques, sensibilisées aux allergènes de l'environnement. Il y a donc un faisceau d'arguments in vitro et in vivo pour suggérer un rôle important aux interactions entre mastocytes et cellules musculaires lisses.
Nous avons pu confirmer en microscopie électronique des relations étroites entre ces cellules et nous avons pu également montrer sur des cellules en cultures que les cellules musculaires lisses étaient capables d'exercer un chimiotactisme sur les mastocytes. Elles sécrètent des facteurs d'attraction ou chémokines qui amènent les mastocytes sur le site musculaire. Il y a probablement un cycle autoentretenu car les mastocytes, à leur tour, vont générer des médiateurs, favorisant la sécrétion des cellules musculaires lisses mais aussi leur prolifération.
Le médiateur le plus étudié est une protéase, la tryptase, qui est le médiateur le plus abondant dans les mastocytes. On a démontré que la tryptase générait une hyperréactivité in vitro et induisait une prolifération des cellules musculaires lisses. Le fait que les mastocytes très riches en tryptase viennent s'accoler aux cellules musculaires lisses pour les stimuler est un argument supplémentaire d'un cycle autoentretenu de prolifération et d'hyperréactivité bronchique.
Il y a eu quelques développements préliminaires sur le plan thérapeutique avec des inhibiteurs des protéases, ayant fait l'objet d'essais chez l'animal puis chez l'homme, mais il faut pouvoir être capable d'agir de manière suffisamment spécifique pour prétendre à une efficacité clinique, ce qui n'est pas encore le cas.
Les résultats de ces recherches sont néanmoins cohérents et porteurs d'espoir. Une nouvelle voie pharmacologique doit et peut être ouverte pour contrecarrer les effets d'un remodelage.
D'après un entretien avec le Pr Manuel Tunon de Lara
Service des maladies respiratoires (CHU de Bordeaux) et laboratoire de physiologie cellulaire respiratoire (INSERM 9937, université Victor-Segalen Bordeaux-II)
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